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07 / 12 / 2011 | 1 vue
Lyazid Kichou / Membre
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Les pénibilités sont-elles le résultat d’une nouvelle structuration internationale du système économique ?

Les hausses récentes et soutenues des risques psychosociaux (RPS) et des formes multiples de souffrances au travail (TMS, pressions des objectifs, stress, isolements, manques de reconnaissance…) sont à mettre en lien avec ce que P. Askenazy nomme « nouveau productivisme » et avec la nouvelle donne d’un capitalisme boursier et financier, qualifié d’exubérance irrationnelle par l’économiste américain Robert Shiller qui a depuis quelque temps déjà attiré l’attention sur la déconnexion entre l’évolution tendancielle du cours des actions sur les places boursières américaines, et l’évolution tendancielle des profits aux États-Unis, ce qui le conduit à parler « d’exubérance irrationnelle » quant au comportement des opérateurs financiers tant bancaires que boursiers.

Dans un premier temps, de nombreux groupes multinationaux ont engagé, un nouveau processus institutionnel et organisationnel avec une « séparation » nette entre :
  • d’un côté, les sociétés chargées du marketing et de la commercialisation, que l’on dénommera SMC (société de marketing et de commercialisation), comme centres de profit (la « valorisation du capital », et plus spécifiquement la valorisation des actifs « marques »),
  • et de l’autre, les sociétés industrielles, que l’on dénommera SI, comme centres de coûts.

Cette première phase d’innovations institutionnelles et organisationnelles, dans le contexte de formes de concurrence de plus en plus exacerbées pour les groupes dits à « marques », en appelle aujourd’hui à une deuxième phase d’innovations visant à créer et capter de nouveaux gisements d’économies de coûts afin de satisfaire une contrainte boursière et financière de plus en plus exigeante avec la création de « chaînes logistiques européennes », nouvelle entité institutionnelle et organisationnelle. Les groupes multinationaux ont donc innové avec :
  • la formation « d’entités autonomes de gestion » quant à une chaîne logistique élargie intégrant la production, avec inversion des chaînes de valeur,
  • une planification de la production sur la base de prix spécifiques (coûts de conversion),
  • une nouvelle configuration du procès de travail, 
  • le tout enraciné dans « une exubérance irrationnelle » de valorisation des actifs fictifs (marques).

Les groupes mettent aujourd’hui en place deux chaînes organisationnelles, qui renvoient à deux chaînes de valeur distinctes :
  • une chaîne logistique amont (chaîne logistique ou « supply chain »), propriétaire des matières premières et emballages et propriétaires des produits finis jusqu’à leur livraison aux différentes sociétés commerciales, les sociétés industrielles n’étant que des prestataires de service en fabrication (façonniers à « cost plus »),
  • une chaîne aval de « marché » où les sociétés commerciales et de marketing (SMC) approvisionnent les différents circuits du « marché » (grande distribution et hard discount, restauration hors foyers…), ces sociétés commerciales reversant une partie de leurs profits à la « supply chain » qui les facture à prix de transfert (« profit split » + « cost plus »).


Non seulement ces deux chaînes de valeur reposent sur des « systèmes d’unités de compte » complexes, mais elles courent à l’envers de la « chaîne de valeurs » de M. Porter (où la chaîne courait de l’amont vers l’aval), à savoir de l’aval vers l’amont.

Les conséquences de ce nouveau modèle sont notamment une détérioration des conditions de travail et la montée chronique de la souffrance au travail qui sont à corréler aux éléments suivants  :

1. L’entrée dans une planification européenne (voire mondiale) de la production avec mise en concurrence des usines et donc des salariés.

2. Une classification et déclassification des sites industriels (européens) selon la gestion des actifs spécifiques industriels avec mise sous tension des organisations du travail.

3. Une reconfiguration du procès de travail suite à l’irruption d’une nouvelle chaîne logistique.

Les conséquences en sont une combinaison « ohnisme-fordisme », réactivant certaines formes du fordisme à l’ancienne dans le procès de travail avec une revalorisation de la « chaîne » et de ses attributs (temps alloué, hiérarchisation, déclassification...), et avec une perte de sens de la « valeur » du « travail » pour les opérateurs. Dès lors, opèrent en même temps deux modalités contradictoires :

  • la première fondée sur des compétences accrues, des polyvalences élargies des opérateurs de ligne,
  • la deuxième fondée sur la banalisation de ces mêmes compétences, de cette polyvalence, dans un opérateur banalisé, générique, déployable partout dans le monde,
  • la deuxième modalité prend le pas sur la première.

La mise en place de la chaîne logistique organisant de manière nouvelle la soumission du procès de travail à une valorisation plus que restreinte en appelle à une reconfiguration du collectif de travail, à l’extension des formes de précarisation, à de forts accroissements de la productivité du travail. Et entraîne dans son sillage des dégradations importantes des conditions de travail et une montée des risques psychosociaux (RPS).

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