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06 / 01 / 2015
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Le médecin du travail : un salarié chatouilleux en quête de reconnaissance

Imaginons un instant qu’un médecin généraliste, formé aux principes de base de la médecine du travail, demande à son patient l’autorisation de prendre contact avec le médecin du travail dont il dépend afin de mieux appréhender la situation en fonction des conditions de travail du salarié. Aujourd'hui, rien n’empêche cette pratique mais dans les faits cela se produit très rarement. Il faut dire que la Sécurité sociale n’est pas prête à indemniser financièrement ce temps passé… Le besoin d’une meilleure articulation entre une médecine libérale, en première ligne face aux maux du travail, et la médecine du travail est pourtant là. Surtout au regard de la baisse régulière du nombre de médecins du travail, passé de 6 874 en 2009 à 5 666 en 2013 avec un âge médian de 56 ans.

Mais comme les libéraux deviennent un poil allergiques quand la Sécurité sociale veut par exemple imposer le tiers payant, les médecins du travail salarié ne supportent pas plus de voir leur autonomie battue en brèche. Or, l’idée automnale du conseil de simplification de déléguer une partie des visites médicales aux médecins généralistes, sans aucune concertation préalable avec les médecins du travail, a eu le grand mérite de braquer ces derniers avec à la clef une pétition recueillant 3 700 signatures. Face à une véritable fronde, symptomatique du manque de reconnaissance dont souffrent les médecins du travail, l’exécutif a préféré faire marche arrière et annoncer une mission parlementaire. Reste que  les positions ne sont pas si figées qu’elles peuvent sembler l’être. « La visite médicale tous les 6 mois pour les travailleurs de nuit n’a aucune utilité. Peu de services l’assument. Une action pluridisciplinaire annuelle en santé au travail serait bien plus utile », souligne Bernard Salengro, président du syndicat CFE-CGC santé au travail. Même sur la visite médicale à l’embauche il y a matière à faire bouger des lignes, avec méthode et pas dans une juste logique simplificatrice.

Le conseil de la simplification tenait aussi à clarifier le million d’aptitudes « avec restrictions » ou « avec aménagement de poste » délivrés par les médecins du travail.  Marche arrière toute également alors que, là aussi, il y a matière à discuter. « L’avis d’aptitude vise juste à éliminer les salariés qui représentent plus de risques que la moyenne, à un poste donné », lance le sociologue Pascal Marichalar, chargé de recherches au CNRS et auteur de Médecin du travail, médecin du patron ? (éditions Presses de Sciences-Po, 2014).

Des médecins du travail d'autant plus chatouilleux qu'ils considèrent que leur discipline est mal aimée : des employeurs, des salariés et des confrères libéraux... À partir de là, les médecins du travail s’arc-boutent sur une indépendance de plus en plus difficile à maintenir. « Si l’employeur n’a pas le droit de s’immiscer dans les décisions médicales, il a un pouvoir au niveau administratif, à travers les moyens donnés et le contrôle de l’emploi du temps », considère Pascal Marichalar tandis que le Dr Dominique Huez souligne la pression des employeurs qui pèse dès lors qu’un médecin du travail fait un lien entre une pathologie et les conditions de travail. Mieux vaut que le lien soit strictement factuel…

Entre 2011 et 2015, 529 postes d’internat auront été proposés. Pas de quoi infléchir la baisse des effectifs surtout que les places restent partiellement vacantes. « Il faudrait que les médecins du travail puissent venir témoigner devant les jeunes étudiants en médecine pour montrer que c’est un exercice qui peut être passionnant et en tout cas beaucoup plus vivant et mieux inséré dans la vie active que bien des spécialités », concède Bernard Salengro. L’occasion notamment de travailler avec les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) que sont les  psychologues, les ergonomes, ou encore les toxicologues dont les effectifs grossissent en revanche dans les services de santé inter-entreprises. C’est en effet la réforme de 2011 qui a mis en avant la notion d’équipe pluridisciplinaire mais en faisant l’impasse sur l’articulation avec les médecins généralistes.
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