Participatif
ACCÈS PUBLIC
14 / 05 / 2014 | 129 vues
Denis Garnier / Membre
Articles : 121
Inscrit(e) le 15 / 02 / 2011

Le harcèlement est-il un risque psychosocial ?

De nombreux écrits traitent des risques psychosociaux et introduisent dans ces risques le harcèlement moral au travail. Mais, selon les définitions communément admises, notamment par le collège d’expertise Gollac, les RPS ont été classifiées en six dimensions.

  • L’intensité du travail et le temps de travail.
  • Les exigences émotionnelles.
  • Le manque d’autonomie et de marges de manœuvre.
  • La mauvaise qualité des rapports sociaux au travail.
  • Le conflit de valeur, l’éthique professionnelle.
  • L’insécurité de la situation de travail, la précarité.

Le harcèlement moral peut donc éventuellement s’intégrer dans la dimension des mauvais rapports sociaux au travail dans la mesure où le harceleur serait un groupe de personnes cherchant à exclure une autre personne, ce qui ne s’intègre pas à la grande majorité des situations.

En assimilant le harcèlement moral ou sexuel à un risque psychosocial, on accrédite la thèse selon laquelle le risque psychosocial serait avant tout un problème personnel et donc, l’incapacité de s’adapter aux nouvelles exigences d’une société en compétition.

Certes, pour la très grande majorité des employeurs, managers, décideurs et de quelques autres, ce ne sont pas les organisations du travail qui traumatisent les travailleurs mais leur difficulté à supporter les nouvelles contraintes et donc à vivre ensemble parmi d’autres salariés. Cette posture (pour ne pas dire cette imposture) peut en partie expliquer la très grande pauvreté et donc l’inefficacité de la quasi-totalité des plans de prévention des risques psychosociaux. En effet, ils ne visent en rien les organisations du travail mais seulement l’amélioration des rapports entre les salariés ou bien encore la mise en œuvre de poncifs éculés qui accompagnent la souffrance au travail sans jamais en affronter les causes.

Pour ces gens-là, il est donc naturel de classer le harcèlement dans le cadre de cette incapacité des travailleurs à supporter les contraintes du travail et la nécessité du vivre ensemble. Ceci est d’autant plus compréhensible que le harceleur est souvent du côté de celui qui détient l’autorité ou qui exerce un pouvoir. Les loups ne se mangeant pas entre eux, le harcèlement serait donc un risque psychosocial.

Pour affiner la réflexion, observons de plus près les définitions du harcèlement et du risque psychosocial.

Le harcèlement

L’article L.1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral de la manière suivante : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Pour Marie-France Hirigoyen, « le harcèlement moral au travail se définit comme toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude...) qui porte atteinte par sa répétition ou sa systématisation à la dignité ou à l'intégrité psychique ou physique d'une personne, mettant en péril l'emploi de celle-ci ou dégradant le climat de travail.

Il s'agit d'une violence à petite touches, qui ne se repère pas, mais qui est pourtant très destructrice. Chaque attaque prise séparément n'est pas vraiment grave, c'est l'effet cumulatif des microtraumatismes fréquents et répétés qui constitue l'agression ».

Il s’agit bien d’agissements répétés contre une personne, un salarié.

L’origine provient généralement d’une personne ou de plusieurs personnes ayant une fonction d'autorité.

À partir de ces définitions, on peut comprendre que le harcèlement moral soit avant tout une volonté machiavélique d’éliminer une personne. C’est le fruit de pervers narcissiques qui ne supportent aucune atteinte à leur autorité, qui veulent tuer l’intelligence qui pourrait faire de l’ombre à leur ego surdimensionné ou bien encore prendre plaisir à écraser ceux qui ne sont pas en état de se défendre, ou à éliminer ceux qui ne peuvent pas rentrer dans le moule d’une organisation. De parfaits totalitaires !

C’est pourquoi le harcèlement moral est un délit sanctionné par la loi (article 222-33-2 du code pénal).

Le risque psychosocial

« Ce qui fait qu’un risque pour la santé au travail est psychosocial, ce n’est pas sa manifestation mais son origine : les risques psychosociaux seront définis comme les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental »[1].

Comme rappelé en introduction, ce risque comporte six dimensions. C’est la conjugaison de ces dernières qui engage le risque. Selon les chercheurs, dès que, dans un cadre de travail, deux dimensions ou plus sont présentes, il y a un risque certain susceptible de porter atteinte à la santé physique et mentale des salariés exposés.

Le risque psychosocial ne vise donc pas une personne ou un salarié en particulier. Son origine porte sur les conditions d’emploi, l’organisation du travail et les rapports sociaux.

Le terme « risque psychosocial » peut paraître impropre compte tenu des causes essentielles qui engendrent le risque. Il serait plus approprié de parler de « contraintes psychologiques organisationnelles » car la dimension de l’organisation du travail, essentielle dans l’apparition des traumatismes qu’il génère, est clairement identifiée.

Mais là encore, le pouvoir d’imposer des définitions moins contraignantes n’appartient pas à ceux qui subissent mais à ceux qui organisent le travail.

Comment ne pas rappeler les termes de l’article 4121-1 du Code du travail par lequel « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ?

Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° des actions d'information et de formation ;

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

En écartant les causes liées à l’organisation du travail, l’employeur tente de contourner ses obligations.

Alors ?

Nous pouvons constater à la lecture des définitions communément admises que si le risque psychosocial relève essentiellement des conditions de travail et de son organisation, le harcèlement est l’œuvre d’un ou de plusieurs acteurs qui visent, par des actions répétées, à nuire à un salarié généralement sous ses ordres.

Les six dimensions des risques psychosociaux, telles que définies par le collège d’experts présidé par le Professeur Gollac, sont étroitement liées à l’intensification du travail qui est le produit de la pression sur l’emploi qui pèse dans tous les secteurs.

Le harcèlement moral peut être un outil managérial pour éliminer un salarié qui ne se conforme pas à la norme, un syndicaliste par exemple. Mais dans ce cas, le harceleur commet un délit.

Dans le cadre des risques psychosociaux le délit n’existe pas directement. Il faudrait engager une procédure pénale sur la base de la mise en danger d’autrui.

Le harcèlement moral n’est pas un risque : c’est un délit !

Le risque psychosocial n’est pas directement un délit. Mais lorsqu’il entraîne l’épuisement professionnel, porte atteinte à l’intégrité physique et mentale des salariés, alors il peut le devenir. Encore faut-il que les victimes engagent la responsabilité de l’employeur et peut-être alors devenir les victimes d’un harcèlement moral.

 


[1] Définition du rapport du collège d’experts présidé par Michel Gollac.

Pas encore de commentaires