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11 / 01 / 2019 | 4 vues
Didier Cozin / Membre
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Le CPF 2019, version finale ou version fatale (deuxième partie) ?

Lors de son invention en 2014, les pouvoirs publics ont rapproché le CPF des mécanismes de retraite : on accumulerait des heures (ou des euros) de formation comme des droits pour la retraite. Pourtant et plus que jamais, la formation n'est pas une retraite des salariés ; c'est une dynamique qui se rit des stocks et des réglementations figées.

 

L'entreprise doit se réapproprier la formation et le développement de des compétences.

On l'a mesuré au parfait échec du CPF interne dans les entreprises (une centaine d'accords et tout au plus 40 entreprises pour l'avoir développé), le CPF a d'abord été imaginé, conçu et développé comme une externalisation de la responsabilité et du financement de la formation vers la collectivité (la Caisse des dépôts pour les compteurs, les OPCA et branches professionnelles pour le financement et la mise en œuvre).

Cette externalisation (des demandes, des dossiers, des fonds du CPF) n'a pas fonctionné pour quatre raisons essentielles.

  • La formation ne devient professionnelle que si elle est (re)liée à l'emploi et au travail. Sans l'intervention de l'employeur (au moins sur le choix de la formation), le CPF n'était qu'une vaine et pâle copie de l'école (on ajoute des semaines ou des mois d'enseignement au parcours initial des salariés).
  • Le Conseil en évolution professionnelle (CEP) que les pouvoirs publics prétendent généraliser depuis 2009 (autrefois via le « service public de l'orientation ») ne peut fonctionner sans l'entreprise, sa GPEC, ses projets de développement et son futur économique et social. La vraie et seule orientation professionnelle se réalise (ou non) durant le travail, lors des entretiens, des rencontres et des échanges organisés par l'employeur, son service de RH/formation ou ses managers.
  • L'acquisition de titres, diplômes ou certifications n'a d'intérêt que si elle est négociée, ajustée et sélectionnée avec l'employeur (le co-investissement). Rien ne serait plus déprimant pour un salarié que de se former dans le vide de besoins professionnels imaginaires, de consacrer son temps et ses efforts éducatifs à une formation pour un futur emploi introuvable et fantasmé.
  • Les reconversions et réorientations professionnelles quant à elles, relèvent de dispositifs extérieurs à l'entreprise (cabinets de reclassement, bilans de compétences, CIF...) Malheureusement le bilan de compétences et le congé individuel de formation sont désormais liquidés ou dénaturés par le CPF (avec le CPF monétisé 4 à 5 années de cumul de CPF seraient nécessaires pour entreprendre un simple bilan de compétences et plus d'années encore ensuite pour se former).

Les salariés doivent se réapproprier leur formation et leurs apprentissages.

La mission (ratée) du DIF puis du CPF était de rendre les salariés acteurs de leurs apprentissages et de leurs parcours professionnels. Cet échec social est multifactoriel : le lien de subordination installé dans la relation salariale entraîne une passivité professionnelle (on attend les ordres du chef ou du patron), l'école n'apprend pas à innover ou prendre des décisions mais à se conformer à des modèles pré-existant  En pérennisant la seule responsabilité de l'employeur pour la formation des salariés le Code du Travail ne pousse pas aux co-investissements.

Peut-on apprendre 150 heures par an sans utiliser ses RTT ?

Les 35 heures, qui ont réduit le temps travaillé, ont aussi réduit le temps disponible pour la formation (plus de temps morts et une intensification du travail qui empêche de se poser, d'échanger ou d'apprendre). De surcroit l'habitude prise depuis 1971 de former sur le seul temps de travail entrave les capacités d'apprendre des moins qualifiés. S'il faut effectivement consacrer 10 % de son temps travaillé (150 heures) à apprendre pourquoi ne pas mettre à profit les RTT ?

Comment, malgré tout, apprendre et se former en 2019 ?

Puisqu'il n'est pas possible de se reposer sur cette quatrième réforme de la formation, trop lourde et complexe, puisque le CPF n'est toujours pas financé, puisque la formation ne se capitalise pas dans des parcours figés ou des diplômes, salariés et employeurs doivent se réapproprier leur autonomie éducative.

  • Les employeurs ne doivent plus rien attendre de la mutualisation. Leur cotisation de 1 % est et restera une taxe servant à former les chômeurs ou à animer les partenaires sociaux et leurs institutions. La formation du capital humain de l'entreprise doit désormais être considérée et revendiquée comme le premier investissement de l'entreprise.
    C'est en "misant" sur l'intelligence des hommes, en les valorisant, en les entraînant que l'entreprise pourra survivre aux crises, innover et se réinventer.
    Le monde du travail doit s'extraire des injonctions quantitatives du XXe siècle (du grain à moudre) pour développer le qualitatif (qualité des produits et des services, des relations de travail, des parcours et des développements humains).
  • Les travailleurs (salariés ou non) doivent eux-aussi investir dans leurs apprentissages. Ils doivent y consacrer du temps (les RTT devraient en premier lieu servir à apprendre et à évoluer professionnellement) et aussi de l'argent (en Allemagne un tiers des budgets de formation provient des salariés eux-mêmes).
    La formation et l'éducation ne seront jamais gratuites, elles seront de moins en moins subventionnées et chacun doit admettre qu'il est devenu sa propre entreprise, son propre formateur et ingénieur de formation.
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