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26 / 09 / 2012 | 111 vues
Suzanne O'doherty / Membre
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La lenteur de la justice prud'homale : la responsabilité de l'État engagée

Ceux qui s’intéressent à la justice prud’homale liront avec intérêt un remarquable article consacré à ce sujet par Evelyne Serverin dans la Revue du droit du travail, publiée par Dalloz (n° 9, septembre 2012).

Des affaires (et des justiciables) en souffrance

En effet, comme le souligne Evelyne Serverin, certains conseils de prud’hommes se distinguent par la longueur impressionnante de leurs délais de procédure (notamment les CPH de Bobigny, de Nanterre et de Paris).  Cette situation constitue un préjudice important pour les justiciables, dont le droit d’obtenir une décision de justice dans un délai raisonnable est garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

  • Il faut préciser que la lenteur de la justice prud’homale est imputable notamment au fait que les moyens de ces juridictions sont insuffisants pour faire face au nombre de litiges et à leur complexité croissante. 

Cette situation est d’ailleurs régulièrement dénoncée par les conseillers prud’homaux eux-mêmes.

La faute lourde ou le déni de justice

L’État français est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux de son service public de la justice, sa responsabilité étant engagée soit par une faute lourde, soit par un déni de justice (article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire). La Cour de Cassation définit la faute lourde comme « toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi » (assemblée plénière, 23 février 2001). Selon l’article 4 du Code civil, « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». Le déni de justice est entendu de manière extensive : il peut certes s’agir d’un refus de juger mais également par exemple d’un jugement tardif, d’un retard dans l’audiencement de l’affaire, d’un délai de délibéré trop long ou même d’une carence du greffe (par exemple, le retard dans la mise à disposition d’un jugement exécutoire).

Ces litiges relèvent du tribunal de grande instance

Depuis une jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation (Civ. 2, 23 novembre 1956), les litiges portant sur la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux de la justice civile relèvent des juridictions civiles. Cela signifie que la justice administrative n’est pas compétente pour connaître ces litiges. C’est en principe le tribunal de grande instance (TGI), juridiction de première instance, dite « de droit commun », qui doit être saisi par le justiciable s’estimant victime d’une carence du service public de la justice et qui demande la réparation de son préjudice.

L’État doit assurer la « protection juridictionnelle effective » des justiciables

  • C’est ainsi que, dans une action concertée assez remarquable (concernant 71 affaires), plusieurs organisations syndicales de salariés, des ordres professionnels d’avocats de la région Île-de-France ainsi que le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la Magistrature (SM) ont saisi (en février 2011) le tribunal de grande instance de Paris, aux fins de voir condamner l’État en application de l’article L. 141-1 du COJ, en raison du dysfonctionnement de certaines juridictions du travail.

Selon Evelyne Serverin, le tribunal a retenu la responsabilité de l’État dans la majorité des affaires entendues à ce jour. En effet, selon les juges, l’État n’a pas pris les mesures nécessaires pour garantir aux demandeurs devant ces juridictions la « protection juridictionnelle effective » qui relève de sa responsabilité (citation extraite du jugement du TGI de Paris, 18 janvier 2012, n° 11/02512).

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