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01 / 12 / 2011 | 90 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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L’harmonisation sociale est un fleuve sans fin, pas tranquille

« L’hétérogénéité des politiques sociales est liée à la fois au passé (acquis sociaux obtenus), inscrite au présent dans une certaine culture d’entreprise, et à l’avenir en fonction du développement lié à des situations locales. Il s’agit d’un processus dynamique difficile à arrêter. À l’inverse, l’harmonisation (des avantages sociaux, des salaires, des statuts…) n’est qu’un état temporaire qui n’exclut nullement la concurrence interne entre entités », explique Marina Bourgain, chercheuse au Centre de recherche clermontois en gestion et management (CRCGM). 

Harmonisation à minima entre émulation et différence culturelle persistante

Quinze ans après la fusion juridique entre Ecco et Adia, le groupe Adecco entretient l’émulation entre ses deux marques phares de l’intérim. À l’exception de la protection sociale, l’harmonisation sociale n’a pas vraiment constitué une priorité avec, par exemple, 23 jours de RTT chez Adia contre 11 chez Adecco...Un même métier, une même direction générale mais deux organisations du travail, deux cultures d’entreprise différentes. Mais les choses pourraient changer dans un contexte de dégraissage et sous la pression des clients.

Réunis dans le cadre d’une société de groupe depuis 2008, AG2R et La Mondiale n’ont pas pour autant harmonisé les statuts de leurs salariés respectifs. A la différence du groupe Adecco, ce ne sont pas seulement les cultures qui sont différentes mais bien les métiers. La direction unique assure la cohérence stratégique et organisationnelle du groupe dont les DRH des principales entités négocient des « troncs communs » en matière d’accords senior, de droit syndical ou de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) mais avec des conventions signées prévoient systématiquement des annexes spécifiques pour chacune des entités.

Et même lorsque l’harmonisation sociale est une réalité comme chez SFR qui a intégré Neuf Cegetel en juillet 2008, on est en revanche loin d’une culture commune. « Il y a encore dans le groupe d’un côté une culture du fixe incarnée par les ex-Neuf Cegetel et de l’autre la culture du mobile de SFR », précise Thierry Chesa, élu CGT au CCE de SFR. Deux cultures qui induisent des modes d'organisation radicalement différents...

Ces harmonisations sociales qui n’en finissent pas

Le groupe Wolters Kluwer France, largement positionné sur le droit et l'information sociale, annonçait en 2007 qu'il faudrait un an pour ficeler l'harmonisation sociale entre ses 8 sociétés. Trois DG, 5 DRH et 5 ans plus tard, le chantier est quasi au point mort. En juillet dernier, le groupe d’édition et de presse Wolters Kluwer France, qui emploie 900 personnes, s’est vu contraint d’harmoniser par le haut les statuts des salariés, en vertu d’un accord signé fin juin 2010, lequel prévoyait « l’application automatique de certains articles d’accords collectifs (les plus avantageux, ndlr) à l’ensemble des salariés à défaut d’être parvenu avant le 1er juillet 2011 à la négociation d’un accord global ou d’accords collectifs thématiques de substitution ». Un compromis qui vaudra au DRH du moment d’être débarqué. Il faut dire que les réorganisations successives du groupe n’ont pas permis de mettre sur le haut de la pile des priorités le dossier de l’harmonisation. 

L’accélérateur du risque juridique


La pression du risque juridique contribue a accélérer les harmonisations, notamment sur les dossiers liées à des différences de traitements entre entre cadres et non-cadres au sein d’une même entité. Sur les jours de carence (Bon Marché), en matière de protection sociale (EADS, Safran) ou encore de primes de vacances comme au sein de GMF Assurances. L’arrêt rendu le 1er juillet 2009 par la Cour de Cassation (n° 07-42675) qui énonce que les non-cadres peuvent prétendre aux mêmes avantages que les cadres, sauf à ce que la différence de traitement se justifie par une « raison objective et pertinente », a en effet ouvert la voie à une potentielle multiplication des affaires judiciaires. Les directions cherchent donc à se couvrir en acceptant de négocier des corrections dans le cadre des négociations sur les salaires. Certains experts y voient une source de nivellement pas le bas des accords...(Cf notre dossier sur le sujet).

Des situations surréalistes

L’harmonisation sociale réserve souvent des surprises, avec des configurations parfois surréalistes. À Grenoble, environ 1 000 salariés de STMicroélectronics travaillent au côté de 1 000 collègues de la la filiale ST-Ericsson.  Chaque entité dispose de son propre CE et CHSCT alors qu’elles sont implantées sur un même site et qu’une UES (unité économique et sociale) est en place...La direction du groupe est plutôt dans une logique de désharmonisation sociale. Il y a encore un an, les instances représentatives du personnel étaient unique sur Grenoble. Ce sont désormais deux accords d'intéressement distincts qui s’appliquent...

Des manoeuvres

Le sujet de l’harmonisation peut être aussi propice à des manoeuvres entre les forces en présence post rachat. Clemessy, qui emploie 6 000 salariés, a été vendue à Eiffage par Veolia en 2008. Le repreneur s’engageait à ne rien toucher pendant 5 ans, en dépit des chevauchements avec sa filiale Forclum. La CGT majoritaire chez Forclum, malgré une contestation interne régionale, a invité les syndicats de Clemessy à plancher sur une harmonisation sociale. Voilà qui a déplu à la CFDT, majoritaire chez Clemessy...

L’illusion de l’harmonisation par le haut

La communication globale des groupes donnent une fausse impression d'harmonisation par le haut. Chaque salarié des filiales du groupe France Télécom Orange a ainsi reçu à son domicile, le nouveau contrat social, une brochure de 38 pages, signée Stéphane Richard, directeur général. Une composante clé de conquêtes 2015 en France. "Chacun des thèmes est présenté sous 3 angles : ce qui existe déjà, ce qui est nouveau, ce qui est en préparation. Tout irait pour le mieux si nous n’étions pas exclus de « ce qui existe déjà »", lance Guy Contrastin, délégué syndical CFDT chez Etrali qui n'hésite pas à parler des salariés « low cost » des filiales de France Télécom Orange. La véritable harmonisation par le haut doit en définitive s'appréhender au sens propre comme l'a fait EADS en commençant par aligner la part variable de son top management entre Airbus, Eurocopter, Astrium…C'est le premier sujet sur la table des négociations sociales qui s'engage au niveau européen. « Pour faire adhérer à une vision européenne tous les salariés d’EADS, le statut des L4 n’est peut-être pas le sujet prioritaire ? Mais espérons que l’harmonisation « par le haut » se poursuivra pour les L5 (1 à 3B) et les non-cadres », souligne la CFDT.

La réalité d'une harmonisation par le bas

"La rhétorique « d’harmonisation sociale vers le bas » pourrait tout aussi bien s’appuyer sur les concurrents ou d’autres pays étrangers. Basée sur des réalités souvent tronquées ou partielles, leur réfutation demande, pour les syndicats, une connaissance approfondie de systèmes locaux de production parfois peu transparents."
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