Organisations
Souffrance au travail : V - l’empowerment
L’empowerment, ce néologisme anglo-saxon tient son radical dans le mot power (pouvoir) auquel il adjoint implicitement les notions d’autorité et de puissance. Du coup, et même si les mots pouvoir, autorité et puissance sont voisins, l’empowerment est difficilement traduisible en français
Certains proposent « autonomisation », d’autres « capacitation » et d'autres encore préfèrent garder l’anglicisme, dont on retiendra comme définition, au sens qui nous intéresse dans notre série d’articles sur la souffrance au travail : ensemble des actes managériaux consistant à faire monter en puissance les collaborateurs, de façon à ce qu’ils se sentent autorisés et aient tout pouvoir de répondre aux besoins et attentes des clients.
En d’autres termes, l’empowerment incite chaque salarié à s’approprier son travail, à agir et décider au niveau qui est le sien. Dès lors, l’équivalent en français pourrait être « subsidiarité ».
Mais quelle que soit l’appellation choisie, on a là une idée qui consisterait à faire du salarié un mini-entrepreneur. C’est-à-dire une idée qui oublie un peu vite de considérer que si salariat et entreprenariat recouvrent des concepts, des modalités, des intentions, des moyens par vocations complémentaires, ils n’en sont pas moins fondamentalement différents en termes de risques encourus, d’intérêts poursuivis et bien souvent aussi en termes de rémunération effective des uns et des autres.
Pourtant à en croire les chants de l’empowerment, tel qu’il s’est progressivement imposé dans nos entreprises à partir de la fin des années 1990, les choses se passeraient dorénavant en douceur et nous serions (enfin !) tous égaux et en réseau.
À ceci près que non seulement la vie professionnelle n’a jamais été un long fleuve tranquille, pas même quand existait encore le soutien des collègues et que l’on ne souffrait pas seul (cf Souffrance au travail : I - le surstress n’est pas une fatalité) mais de plus, avec la recherche à l’époque naissante de certification qualité les procédure, que les théoriciens de l’empowerment dénonçaient comme la source de tous les maux, allaient tout envahir.
Une fois encore, nous allions nous retrouver face à une contradiction, et pas des moindres. Ce qui n’a cependant pas ému grand monde.
Quelques voix se sont bien élevées pour voir dans l’empowerment un retour insidieux au taylorisme à partir du moment où les organisations, grandes ou petites, publiques ou privées se sont mises à « écrire ce qu’elles font et à faire ce qu’elles ont écrit », comme le disent (souvent avec un brin de fierté ?) les qualiticiens eux-mêmes.
À cette même époque le Professeur Jacques Ardoino nous a expliqué que les produits et services ont beau afficher haut et fort leur conformité à la norme « ceci » ou leur respect des critères « cela », pour autant la certification qualité n’en oublie pas moins de nous dire que cette norme ne représente jamais que le seuil minimum en deçà duquel le produit ou le service ne serait plus commercialisable parce que devenu dangereux, nocif ou périmé. En un mot, devenu non-conforme.
En vérité se faisaient jour des regrets d’autant plus forts que la combinaison réingénierie et empowerment laissait entrevoir l’apparition de salariés « jetables » n’ayant qu’à se conformer aux exigences du système qualité. Un système à propos duquel nous voyons maintenant les employés nous expliquer : nous avons perdu notre autonomie, nous avons des outils automatisés qui nous disent ce qu'il faut faire, et nous avons l'impression d'être des pions.
En fait, s’il est vrai que le management est aujourd'hui apparemment moins directif, moins hiérarchisé, que l’on est plus « copains » et que l’on se tutoie plus facilement, souvent, sous des aspects complètement superficiels, la fausse bonne humeur et l'apparente liberté ne font que favoriser le stress et camoufler la souffrance.
Dans la réalité du quotidien, les techniques managériales de mutation organisationnelle permanente et de travail en mode projet, conjuguées à celles de réingénierie et d’empowerment ont conduit le salarié à se débrouiller seul pour gérer les contradictions, avec peu de moyens et de moins en moins d’effectifs. Les employés, passée une certaine euphorie consécutive à leur nouvelle liberté, ont alors découvert le véritable poids des responsabilités. Celui d’être plus visible et de s’exposer aux critiques, à l’envie et à la jalousie.
Et ce n’est pas la rémunération variable individuelle qui a arrangé les choses.
À suivre > Souffrance au travail : VI - la rémunération variable individuelle
Certains proposent « autonomisation », d’autres « capacitation » et d'autres encore préfèrent garder l’anglicisme, dont on retiendra comme définition, au sens qui nous intéresse dans notre série d’articles sur la souffrance au travail : ensemble des actes managériaux consistant à faire monter en puissance les collaborateurs, de façon à ce qu’ils se sentent autorisés et aient tout pouvoir de répondre aux besoins et attentes des clients.
En d’autres termes, l’empowerment incite chaque salarié à s’approprier son travail, à agir et décider au niveau qui est le sien. Dès lors, l’équivalent en français pourrait être « subsidiarité ».
Mais quelle que soit l’appellation choisie, on a là une idée qui consisterait à faire du salarié un mini-entrepreneur. C’est-à-dire une idée qui oublie un peu vite de considérer que si salariat et entreprenariat recouvrent des concepts, des modalités, des intentions, des moyens par vocations complémentaires, ils n’en sont pas moins fondamentalement différents en termes de risques encourus, d’intérêts poursuivis et bien souvent aussi en termes de rémunération effective des uns et des autres.
Pourtant à en croire les chants de l’empowerment, tel qu’il s’est progressivement imposé dans nos entreprises à partir de la fin des années 1990, les choses se passeraient dorénavant en douceur et nous serions (enfin !) tous égaux et en réseau.
À ceci près que non seulement la vie professionnelle n’a jamais été un long fleuve tranquille, pas même quand existait encore le soutien des collègues et que l’on ne souffrait pas seul (cf Souffrance au travail : I - le surstress n’est pas une fatalité) mais de plus, avec la recherche à l’époque naissante de certification qualité les procédure, que les théoriciens de l’empowerment dénonçaient comme la source de tous les maux, allaient tout envahir.
Une fois encore, nous allions nous retrouver face à une contradiction, et pas des moindres. Ce qui n’a cependant pas ému grand monde.
Quelques voix se sont bien élevées pour voir dans l’empowerment un retour insidieux au taylorisme à partir du moment où les organisations, grandes ou petites, publiques ou privées se sont mises à « écrire ce qu’elles font et à faire ce qu’elles ont écrit », comme le disent (souvent avec un brin de fierté ?) les qualiticiens eux-mêmes.
À cette même époque le Professeur Jacques Ardoino nous a expliqué que les produits et services ont beau afficher haut et fort leur conformité à la norme « ceci » ou leur respect des critères « cela », pour autant la certification qualité n’en oublie pas moins de nous dire que cette norme ne représente jamais que le seuil minimum en deçà duquel le produit ou le service ne serait plus commercialisable parce que devenu dangereux, nocif ou périmé. En un mot, devenu non-conforme.
En vérité se faisaient jour des regrets d’autant plus forts que la combinaison réingénierie et empowerment laissait entrevoir l’apparition de salariés « jetables » n’ayant qu’à se conformer aux exigences du système qualité. Un système à propos duquel nous voyons maintenant les employés nous expliquer : nous avons perdu notre autonomie, nous avons des outils automatisés qui nous disent ce qu'il faut faire, et nous avons l'impression d'être des pions.
En fait, s’il est vrai que le management est aujourd'hui apparemment moins directif, moins hiérarchisé, que l’on est plus « copains » et que l’on se tutoie plus facilement, souvent, sous des aspects complètement superficiels, la fausse bonne humeur et l'apparente liberté ne font que favoriser le stress et camoufler la souffrance.
Dans la réalité du quotidien, les techniques managériales de mutation organisationnelle permanente et de travail en mode projet, conjuguées à celles de réingénierie et d’empowerment ont conduit le salarié à se débrouiller seul pour gérer les contradictions, avec peu de moyens et de moins en moins d’effectifs. Les employés, passée une certaine euphorie consécutive à leur nouvelle liberté, ont alors découvert le véritable poids des responsabilités. Celui d’être plus visible et de s’exposer aux critiques, à l’envie et à la jalousie.
Et ce n’est pas la rémunération variable individuelle qui a arrangé les choses.
À suivre > Souffrance au travail : VI - la rémunération variable individuelle
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