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Présomption de justification des différences de traitement opérées par accord d’établissement
Par un arrêt d’importance, la chambre sociale de la Cour de cassation étend la présomption de justification des différences de traitement (Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18444, PBRI).
Jusqu’alors, une telle présomption n’a été retenue que pour des différences de traitement entre des salariés relevant de catégories professionnelles distinctes ou appartenant à la même catégorie professionnelle mais exerçant des fonctions distinctes, et opérées par voie de convention ou d’accord collectif autre que d’établissement (Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22179 ; Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-11324).
À présent, les différences de traitement résultant d’un accord d’établissement sont, elles aussi, présumées justifiées !
En l’espèce, dans le cadre d’une restructuration, la société Danone a regroupé deux de ses établissements du département de la Seine-Maritime en un établissement unique appelé Pays de Bray.
Au sein de cet établissement nouvellement constitué, un accord d’établissement visant à mettre en place une politique de rémunération qui reconnaisse l’effort des salariés sur la performance économique du site a été signé.
Cet accord prévoit, pour les seuls salariés de l’établissement Pays de Bray, une augmentation salariale sur trois ans et le versement d’une prime spécifique dite « prime d’amélioration continue ».
Estimant que cet accord d’établissement instaurait une différence de traitement au détriment des salariés de l’établissement de Le Molay-Littry, le syndicat CGT Danone Le Molay-Littry a saisi le tribunal de grande instance d’une demande tendant à voir les salariés de cet établissement bénéficier des conditions salariales de ceux de l’établissement Pays de Bray.
Le syndicat est débouté de sa demande par la Cour d’appel qui considère qu’un accord d’établissement peut instituer dans le cadre de l’établissement un régime plus favorable aux salariés que le régime général existant au sein de l’entreprise, sans pour autant caractériser une rupture illicite du principe d’égalité de traitement au détriment des salariés des autres établissements, ce sans qu’il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l’établissement concerné repose ou non sur des critères objectifs et pertinents.
Le syndicat forme alors un pourvoi en cassation qui sera rejeté par les hauts magistrats.
En effet, dans un attendu de principe, la Cour de cassation énonce que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’établissement et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Dans une note explicative de l’arrêt (publiée sur le site internet de la Cour de cassation), les hauts magistrats légitiment leur position en s’appuyant sur la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 2008-789) en ce qu’elle reconnaît la légitimité électorale des syndicats au niveau de l’établissement.
Le régime est ainsi unifié : dès lors que la différence de traitement procède d’une convention collective ou d’un accord d’établissement, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, elles sont présumées justifiées et c’est à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.