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17 / 04 / 2018 | 14 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Plus ou moins de capacité d’anticipation avec le nouveau code du travail ?

Le foisonnement de rapports et débats sur les conséquences du développement de l’intelligence artificielle ne fait pas l’impasse sur l’évolution des emplois dans les 10 à 15 prochaines années. En attendant, prévoir l’évolution des compétences attendues sur 3 ans est un exercice exigeant que n’ont pas manqué de souligner les intervenants au Café Social organisé le 29 mars à Lyon par Miroir Social, en partenariat avec Oasys Consultants, Aguera Avocats, Delgado Meyer Avocats et Syndex.

«  Ces démarches d’anticipation s’appuient alternativement et, le cas échéant de façon articulée » entre les dispositifs, sur une démarche GPEC visant à accompagner les conséquences sociales de la stratégie de l’entreprise (telle qu'expliquées dans l’information-consultation annuelle sur la stratégie), un accord de performances économiques et sociales, un dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC) », explique Gilles Amiet, directeur associé du cabinet Oasys consultants. Mais à partir de quand commence-t-on à anticiper ? « Pour un représentant syndical, anticiper, c’est plutôt préparer l’avenir d’ici trois ans tandis que pour un employeur, c’est plutôt six mois. Tout l’enjeu de l’anticipation consiste à s’entendre sur une approche partagée du calendrier », souligne Georges Meyer, avocat associé du cabinet Delgado Meyer.

Pas de monopole de la légitimité

Si cela n’a pas été médiatisé, les ordonnances Macron ont aussi permis de simplifier les conditions du congé de mobilité associé à la GPEC. Le congé de mobilité peut en effet désormais s’envisager indépendamment de tout projet de licenciement, sans qu’il ne soit plus question de seuils à ne pas dépasser. Depuis septembre 2017, la rémunération versée dans le cadre de ce dispositif est en outre exonérée de cotisations sociales pendant les 12 premiers mois du congé, contre 9 mois auparavant. Chez Cegid, la négociation de l’accord de compétitivité s’est achevée en juin 2017, avant cet assouplissement. Cet accord unanime prévoit des mobilités géographiques (Orléans vers Lyon ou Annecy vers Lyon, par exemple) et des changements fonctionnels. L’anticipation se fait sur 6 mois pour les mobilités géographiques et sur un an pour les mobilités fonctionnelles concernant la recherche et le développement. Par ailleurs, 40 % de la centaine de salariés concernés par la  mobilité géographique ont déjà retrouvé un poste en externe avant même la fin de leur préavis et une centaine d’autres a entamé un changement de métier. « Dans notre secteur, la notion d’une catégorie d’emploi qui serait menacée n’a aucun sens tant la société dans son ensemble est dépendante d’évolutions technologiques sur lesquelles elle n’a pas prise. Nous essayons de construire la capacité d’adaptation de chacun à ces évolutions. C’est compris par les représentants du personnel », explique Pascal Guillemin, DRH de cet éditeur de logiciel lyonnaise de 2 500 salariés. « C’est l’adaptabilité permanente et de tout le monde que nous devons cultiver. Les salariés qui ne sont pas en contact avec les clients et qui représentent près de la moitié de l’effectif sont ceux qui ont le plus besoin d’un accompagnement sur cette exigence », ajoute Pascal Guillemin qui considère en effet que l’anticipation peut commencer dès 6 mois. Pour Élisabeth Le Gac, secrétaire régionale de la CFDT Auvergne-Rhône-Alpes, « la capacité à anticiper ne peut pas être dictée par des lois. C’est une question de mentalité en ce sens qu’il faut que les directions considèrent que les représentants du personnel sont légitimement à leur place et inversement. Il n’y a pas un monopole de la légitimité. C’est l’enjeu de la représentation du personnel au sein des conseils d’administration mais, au quotidien, c’est en développant le dialogue professionnel que l’on développera la capacité de chaque salarié à peser sur l’évolution de ses compétences ».

Aucun niveau de dialogue n’est à négliger. Entre, le conseil d’administration et le dialogue professionnel où il s’agit avant tout de parler de métier, il y a la négociation et désormais le CSE. « Cette instance, bien négociée au niveau de ses lieux de présence dans l'entreprise, peut se révéler un espace de dialogue propice à l’anticipation par la transversalité entre les enjeux économiques et sociaux », considère Élisabeth Le Gac qui alerte toutefois sur le risque de « bunkerisation » pouvant découler de la concentration des moyens. Selon la représentante de la CFDT, « il faut s’ouvrir à l’externe en profitant des synergies qui existent entre les entreprises d’un même secteur pour mieux anticiper. Les bassins d’activités sectorielles sont l’une des forces de notre région. L’exemple de la plasturgie dans le Haut-Bugey atteste que la GPEC territoriale fonctionne quand les intérêts sont partagés. D’autres GPEC territoriales se lancent ». C’est aussi l’idée sous des formations communes au dialogue social entre représentants syndicaux et employeurs que la région expérimente sur la base d’un cahier des charges ayant impliqué syndicats et employeurs.

Anticipation concertée

« Ce n’est que par la co-construction que l’on parvient à faire vivre une GPEC qui peut dès lors permettre d’anticiper de façon concertée à 2 ou 3 ans l’évolution des besoins en compétences. Cela sous-entend une transparence de la direction sur ses prévisions et une capacité d’accompagnement de tous les acteurs auprès des salariés. RH, représentants du personnel et encadrement ont tous un rôle déterminant à jouer. Pour cela, il faut savoir se détacher du strict cadre de l’information-consultation et des négociations. En organisant par exemple, comme nous venons de le faire, un séminaire entre 45 cadres et représentants du personnel d’un laboratoire de santé pour mieux partager les enjeux », illustre Gilles Amiet. C’est aussi le constat de Philippe de La Brosse, avocat associé au sein du cabinet Aguera. « On se rend compte que les accords de compétitivité ressemblent finalement de plus en plus à des accords de méthode », explique-t-il en notant que la « GPEC devient plus opérationnelle et plus pragmatique. La boîte à outils pour mener des démarches d’anticipation est complète ».

À l’évidence, les syndicats et leurs conseils prennent acte de la demande des salariés à pouvoir bénéficier des meilleures conditions de départs volontaires. « C’est une réalité à laquelle il faut s’adapter. Les RCC vont intégrer des mesures de sécurisation des parcours dans une forme de GPEC externe. Ce sera la condition pour que les syndicats signent. L’accord sur la RCC de PSA qui prévoit autant de départs que de recrutements acte bien l’impossibilité pour l’employeur de se transformer de l’intérieur face au changement de modèle », remarque Georges Meyer. Reste que le champ d’application de RCC médiatisée au moment des ordonnances est limité. « Il reste impossible de conduire une fermeture de site avec une RCC sauf à trouver 100 % de volontaires », estime Gilles Veron, consultant chez Syndex qui illustre à quel point le strict cadre du dialogue social peut mener à des non-sens ne facilitant pas l’anticipation avec l’exemple vécu d’une information-consultation sur les orientations stratégiques qui ne dit rien des conséquences sociales d’une fusion. « Celles-ci sont pourtant connues mais cela viendra plus tard dans le calendrier de l’information-consultation. La stricte application du cadre légal ne permet pas d’anticiper. Il en va de la responsabilité des cabinets d’avocats des deux parties de créer la confiance nécessaire pour faire bouger les lignes », poursuit Gilles Veron. À ce titre d’ailleurs, l’entretien professionnel est vu par l’ensemble des participants comme une contrainte par l’employeur et un risque pour le salarié si celui-ci ne s’intègre pas dans une démarche d’« anticipation concertée » des évolutions de compétences.

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