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26 / 04 / 2025 | 21 vues
Theuret Johan / Membre
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Refonder le système de santé français : Pour un nouveau consensus démocratique au service de la population

L’accès à la santé est l’un des quatre grands chantiers prioritaires annoncé par le Premier Ministre François Bayrou en mars dernier. A l’occasion d’un déplacement dans le Cantal la semaine dernière , le Premier Ministre  annoncait des mesures visant à mieux lutter contre les déserts médicaux, un sujet de préoccupation majeurs pour les Françaises et les Français.

 

D’ici à 2040, la population française atteindra environ 72 millions d’habitants, dont plus d’un quart aura plus de 65 ans. Cette transformation démographique — qualifiée de “silver tsunami” dans certains pays — s’accompagne d’un allongement de la durée de vie, mais aussi d’une explosion des maladies chroniques, de la dépendance et des besoins en soins de longue durée. Parallèlement, la démographie médicale et paramédicale connaît une stagnation, voire un recul dans certaines spécialités et de nombreux territoires, aggravant les inégalités d’accès aux soins.

 

Dans notre sondage « Les inégalités d'accès aux services publics en France et l'impact sur le vote » réalisé en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès (Vote et services publics), le lieu d’habitation apparaît comme le premier critère de discrimination dans l’accès aux services publics. Par exemple, 32% des ruraux qui résident dans un territoire en stagnation ou déclin déclarent avoir facilement accès à l’hôpital, contre 83% pour ceux qui résident dans un centre en développement.

 

Le système de santé hérité du consensus de 1959, centré sur le couple médecin-hôpital, montre aujourd’hui ses limites. Au-delà de la seule question de l’installation des médecins, une refondation de l’ensemble du système devient désormais incontournable pour répondre à ces nouveaux défis autour de trois grands impératifs : un rééquilibrage des ressources humaines, de véritables politiques de prévention centrées autour d’une approche démocratique de la santé, une offre de prise en charge intégrée

 

Quelques données sur l’évolution du système de santé

 

L’évolution de la population, le vieillissement des classes d’âge issues du bayboom, relèvent de tendances de long terme qui se concrétisent actuellement, et démontrent la pertinence des alertes émises ces dernières années quant aux challenges que le système de santé, d’ores et déjà en situation de tension, va affronter d’ici à 2040

 

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Rééquilibrer les ressources humaines : une nouvelle gouvernance du système de santé

 

Des progrès ont été réalisés ces dernières années pour améliorer l’efficience dans la mobilisation des ressources humaines en santé, avec par exemple la délégation de tâches auprès d’autres professionnels de santé. Nous devons renforcer cette logique pour mieux mobiliser le temps médical disponible et assurer un meilleur maillage territorial ainsi qu’une meilleure coordination de l’offre de soins.

 

Notre think tank s’est également fortement mobilisé afin d’ouvrir le statut de la fonction publique aux étrangers extra Européens, en particulier dans le domaine hospitalier (« Notre fonction publique doit être plus représentative de la société française »). Des politiques plus volontaristes d’amélioration des conditions de travail et de rémunération des praticiens hospitaliers doivent également apparaître comme l’une des priorités politiques afin de maintenir l’égalité d’accès et la qualité des soins qui sont prodigués dans le système public.

 

Au-delà de la seule régulation dans les zones déjà bien pourvues (proposition de loi portée par le député Guillaume Garot), la pénurie de soignants en zones rurales comme en périphéries urbaines appelle une planification nationale coordonnée des installations et des carrières. L’assignation territoriale volontaire, inspirée de pratiques observées à Singapour, pourrait être renforcée en poursuivant la politique d’incitation financière (ides financières, valorisation des carrières, priorité d’accès à certaines fonctions hospitalières). Des mesures prises dans le cadre de la régulation des professionnels médicaux souhaitant s’installer en zone surdense, par exemple en encadrant le conventionnement de secteur 1 et 2, peut également être développée en complément.

 

Le rattachement hiérarchique des médecins hospitaliers devrait évoluer vers un modèle intégrant plus fortement les logiques d’équipe et les compétences managériales partagées. Le modèle américain de développement de réseau entre general practioners et établissements de santé dans un parcours intégré montre qu’un travail en réseau, basé sur des indicateurs de performance collective et une gouvernance intégrée, permet de concilier qualité et efficience.

 

À rebours des logiques prétendument antibureaucratiques, il s’agit également de valoriser et développer les fonctions de coordination (infirmiers coordinateurs, gestionnaires de parcours), encore trop marginales dans notre système.

 

Prévention, santé mentale et participation des usagers : une société de la santé

 

Notre approche trop curative et médicalisée de la santé participe des difficultés de notre système de prise en charge collectif. Pour améliorer les indicateurs de santé comme pour alléger les dépenses publiques, des politiques de prévention plus pro-actives méritent d’être mises en place. A titre d’exemple, 80% des Franciliens et des Franciliennes sont exposés à des niveaux de pollution atmosphérique ou sonore très supérieurs aux recommandations formulées par l’Organisation mondiale pour la santé (OMS).

 

Cela suppose donc également de conforter les outils de la puissance publique visant à garantir la qualité de notre environnement ou encore de notre alimentation, dans un contexte budgétaire qui supposera de faire des choix difficiles.

 

À l’image des systèmes nord-américains ou asiatiques, une politique ambitieuse de prévention structurée doit s’appuyer sur les collectivités locales, les établissements scolaires et les usagers eux-mêmes. L’intégration systématique des patients experts, la co-construction des politiques locales de santé, et la généralisation des programmes de santé mentale communautaire, comme en Corée du Sud, doivent être des priorités.

 

Ces derniers, dont les CPTS françaises pourraient être le socle, visent à prévenir les maladies chroniques, promouvoir le bien-être mental et soutenir les personnes âgées. Portés par des centres de santé publique locaux, ils s’appuient sur des partenariats entre professionnels, collectivités et bénévoles, avec un fort usage du numérique et de la télésurveillance.

 

Un système de santé moderne ne peut se construire sans ses usagers : leur participation active, via des mécanismes de démocratie en santé, est essentielle.

 

Structurer une offre intégrée : vers un système fonctionnel et démocratique

 

Face à la nécessité, différents acteurs locaux se sont emparés des problématiques de santé, à commencer par les collectivités locales (salariat de médecins, financement d’infrastructures, ouverture de centres de santé municipaux…).

 

L’organisation territoriale des soins doit devrait donc désormais reposer sur une gouvernance tripartite : élus locaux, professionnels de santé, représentants des usagers. Le modèle de “district santé”, qui place une population donnée sous la responsabilité d’un réseau de santé unifié, comme à Singapour, permet une coordination locale efficace et souple.

 

Il est aussi temps de rompre avec la fragmentation entre hôpital, ville et médico-social. Des groupements territoriaux de santé intégrée, dotés de budgets globaux et de marges de manœuvre organisationnelle, peuvent en constituer l’architecture. Ces derniers, regroupant l’offre de soins sanitaire et médico-sociale sur un territoire donné et sous une gouvernance unifiée, permettrait d’offrir une meilleure visibilité sur la coordination de la réponse aux besoins de la population. Dans ce cadre, l’Assurance maladie doit être un acteur d’orientation stratégique, non uniquement de régulation budgétaire.

 

Il conviendra dans ce cadre de repenser les règles du jeu dans la répartition public-privé, comme les outils de régulation (ONDAM, T2A) qui reportent sur le secteur public l’essentiel des efforts sans permettre de piloter efficacement les dépenses de santé.

 

Enfin, notre sondage sur les inégalités d’accès aux services publics a fait ressortir la nécessité d’une approche élargie du système de santé, incluant d’autres acteurs essentiels, à l’instar des pharmacies ou des ambulances privées. Que ce soit pour ces derniers, ou pour les médecins et établissements de soin privés, les Françaises et les Français nous ont clairement indiqués être favorables à l’extension d’obligations de service public.

 

Conclusion : un nouveau pacte pour un système plus juste, efficace et humain

 

Refonder notre système de santé suppose de dépasser les réflexes défensifs des structures actuelles, et de réactiver un consensus démocratique où performance et justice sociale ne sont plus opposées mais articulées. Inspirés par les réussites internationales et ancrés dans notre tradition de service public, nous pouvons construire un système de santé robuste, attractif, et profondément humain.

 

 

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