PLFSS 2024 : Les arrêts maladie dans le collimateur
Déjà en 2022, la Section Fédérale alertait sur une mesure de « simplification » du 7 mai 2022 mise en œuvre dans la plus grande discrétion : la fusion des arrêts maladie/maternité et accident de travail/maladie professionnelle...A l’époque, nous alertions l’ensemble des militants du danger de cette mesure issue d’un décret du 20 août 2019 qui permet à votre médecin traitant d’indiquer si vous pouvez exercer une activité durant votre arrêt maladie. En effet, avec l’essor du télétravail, le Gouvernement a répondu au vœu du patronat, toujours prompt à confondre arrêt maladie et absentéisme, en dérogeant au principe attaché aux arrêts maladie depuis 1945, à savoir que vous ne pouvez pas travailler durant votre arrêt de travail.
Les arrêts maladie dans le collimateur
Ces mesures représentent une attaque de grande ampleur contre les dispositions relatives aux arrêts de travail et les principes fondateurs de la Sécurité sociale. Mais elles ne suffisaient pas à satisfaire le Gouvernement car tout le monde n’est pas télétravailleur.
Donc, durant l’été 2022, via le ministre de l’Éducation nationale de l’époque Pap N’Diaye, une idée révolutionnaire a été avancée dans une interview du 24 juin 2022, à savoir : « Il faut réfléchir à la meilleure manière de faire que les absences – qui sont légitimes – soient compensées. Nous voulons faire en sorte qu’une absence du professeur d’histoire-géographie, par exemple, soit compensée par son collègue, disons, de français. Mais attention, pas pour que le professeur de français fasse de l’histoire-géographie ! Il utilisera ces heures pour faire une double dose de français, et quand le collègue d’histoire-géo reviendra, il compensera en prenant sur les heures de français. » Ici, les absences légitimes sont les arrêts maladie. Les enseignants ne faisant pas de téléenseignement (et pour cause), l’idée lancée était qu’ils rattrapent leurs absences pour convalescence plutôt que d’embaucher le nombre de profs nécessaires. Devant la résistance du corps enseignant, le gouvernement a été contraint de reculer mais sans pour autant renoncer.
Coup de poignard dans le dos
Et c’est dans ce contexte qu’arrive le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (1) (PLFSS) 2024, pour lequel personne n’a voté favorablement au Conseil de la CNAM (la Confédération s’étant prononcée contre) et son attaque sans précédent sur la Sécu. En effet, jusqu’à présent, des coups étaient portés sur la Sécu mais celle-ci est toujours présente dans ses fondements et cela est insupportable pour le gouvernement.
L’attaque se manifeste à travers l’article 27 du PLFSS qui prévoit que le versement des indemnités journalières (IJ) par la Sécurité sociale pourrait être suspendu automatiquement à compter du rapport du médecin contrôleur délégué par l’employeur et concluant au caractère injustifié de l’arrêt. C’est une remise en cause fondamentale de l’article 1 des ordonnances du 4 octobre 1945 (2) , car votre arrêt maladie sera dans les mains de l’employeur pour qui cela ne posera aucun problème de diligenter un médecin contrôleur.
Médecin contrôleur contre médecin-conseil Il s’agit là d’un véritable bouleversement en matière de protection des travailleurs malades.
En effet, jusqu’à présent, lorsque vous êtes en arrêt maladie, vous êtes protégé par le Code de la Sécurité sociale et donc seul un médecin-conseil de la Sécurité sociale peut intervenir sur la justification de votre arrêt maladie. Un médecin contrôleur ne peut pas intervenir auprès de la Sécu pour bloquer vos IJ et pour cause. Quand vous êtes en arrêt, il ne faut pas oublier qu’en plus de percevoir un revenu de remplacement, vous êtes protégé par le Code de la Sécurité sociale. Avec ce projet, selon l’adage de qui paie commande, ce sont des milliers de travailleurs qui se retrouveront livrés à la vindicte de l’employeur, qui paiera bien volontiers ces contre-visites dès lors que cela met les salariés à leur merci. Et pour le personnel de la Sécurité sociale, c’est l’existence même des services médicaux qui est menacée .
Et quand on sait que le Gouvernement passe par la voie du 49-3, vous pouvez comprendre pourquoi la seule solution est de sortir la Sécu des griffes de l’Etat.
- Retour au financement de la Sécurité sociale par les cotisations !
- Abrogation des PLFSS !
- Maintien de toutes les prérogatives des médecins-conseils et des DRSM (Directions Régionales des Services Médicaux)
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Article 27 du PLFSS
« Lorsqu’un contrôle effectué par un médecin à la demande de l’employeur, en application de l’article L. 12261 du Code du travail, conclut à l’absence de justification d’un arrêt de travail ou de sa durée, ou fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré, ce médecin transmet son rapport au service du contrôle médical de la caisse dans un délai maximal de soixante douze heures.
Ce rapport précise si le médecin diligenté par l’employeur a ou non procédé à un examen médical de l’assuré.» « Si ce rapport conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail ou de sa durée, le médecin en informe également, dans le même délai, l’organisme local d’Assurance Maladie, qui suspend le versement des indemnités journalières.
Cette suspension prend effet à compter de la date à laquelle l’assuré a été informé de cette décision.
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(1). Pour mémoire: Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) existe depuis 1996. C’est un texte qui fixe les objectifs de dépenses de la Sécurité sociale en fonction des prévisions de recettes. Le PLFSS est présenté et voté en même temps que le PLS (Projet de Loi de Finance), mais le deux ne sont pas de même nature : ces deux textes aboutissent pour le second à la loi de finances (LF), qui fixe le budget de l’Etat pour l’année à venir, et pour le premier à la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), qui a vocation à maîtriser les dépenses sociales et de santé, mais n’a pas de portée budgétaire contraignante.
(2 « Il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature, susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent.
L’organisation de la Sécurité sociale assure, dès à présent, le service des prestations prévues par les législations concernant les assurances sociales, l’allocation aux vieux travailleurs salariés, les accidents du travail et maladies professionnelles et les allocations familiales et de salaire unique aux catégories de travailleurs protégés par chacune de ces législations dans le cadre des prescriptions fixées par celles-ci et sous réserve des dispositions de la présente ordonnance.
Des ordonnances ultérieures procéderont à l’harmonisation desdites législations et pourront étendre le champ d’application de l’organisation de la Sécurité sociale à des catégories nouvelles de bénéfi ciaires et à des risques ou prestations non prévus par les textes en vigueur. »
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La censure du Conseil Constitutionnel
Le gouvernement voulait faciliter les contrôles des arrêts de travail par les employeurs en suspendant automatiquement le versement des indemnités journalières par la Sécurité sociale dans les cas où un médecin diligenté par une entreprise concluait à un arrêt injustifié.
Ce tour de vis aux arrêts de travail prévu dans le PLFSS 2024 est finalement retoqué par le
Conseil constitutionnel