L’OIT invite la France à revoir sa copie sur les licenciements qui découlent d'accords de performance collective
L'Organisation Internationale du Travail s’est prononcée sur la réclamation déposée en 2017, et complétée en 2019, par la Confédération Générale du Travail (CGT) et la Confédération Générale du Travail - Force Ouvrière (CGT-FO) concernant le respect de la convention n°158 sur le licenciement à la lumière des récentes réformes du droit du travail en France. Le rapport du Comité tripartite chargé de l’examen de cette réclamation a été approuvé par le Conseil d’administration de l’OIT et publié le 25 mars 2022.
Ce rapport revient plus précisément sur les Accords de Préservation ou de Développement de l’Emploi (APDE) introduit par la loi Travail, aujourd’hui Accords de Performance Collective (APC), et sur le barème contraignant sur les indemnités prud’homales pour licenciement injustifié introduit par l’ordonnance n°2017-1387. Dans son rapport, le comité réaffirme l’autorité et le pouvoir du juge national, qu’il s’agisse de déterminer si la notion de « nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise en vue de préserver, ou de développer l’emploi » a été effectivement respectée au sens de la convention 158, ou bien d’exercer un véritable contrôle judiciaire sur le caractère réel et sérieux du licenciement, y compris à l’issue d’un refus du salarié de la modification de son contrat suite à la signature d’un APC, ou enfin sur l’appréciation de l’adéquation de l’indemnité et du niveau de protection en cas de licenciement injustifié indépendamment d’un barème.
S’agissant du barème des indemnités prud’homales, le comité reconnait que, dans certains cas, le barème risque de ne pas assurer une réparation adéquate du préjudice (notamment au regard des difficultés à retrouver un emploi, en raison de la situation de famille, etc.). Les premières études statistiques en la matière montrent un phénomène de découragement à saisir le conseil de prud’hommes, corrélé à une diminution des indemnités prud’homales versées. En conséquence, le comité invite le gouvernement à établir un état des lieux régulier des indemnités prononcées par les tribunaux.
La CGT et la CGT-FO demandent au gouvernement français de suivre les conclusions du rapport approuvé par le Conseil d’administration de l’OIT et de mettre pleinement en œuvre ses obligations internationales au titre de la convention n°158 sur le licenciement et plus particulièrement de s’assurer que « les paramètres d’indemnisation prévus au barème permettent, dans tous les cas une réparation adéquate du préjudice ». Ce rapport sonne comme un rappel des obligations internationales de la France, l’invitant à revoir sa copie. Tous les travailleurs ont le droit à une protection effective en cas de licenciement.
Notons que ce rapport s’est invité à l’audience de la chambre sociale de la Cour de cassation du 31 mars 2022 sur la conventionnalité du barème à la convention 158 de l’OIT et à la Charte sociale européenne après plusieurs victoires en première et seconde instance contre le barème.
La CGT et la CGT-FO espèrent que ce rapport permettra d’éclairer les délibérations afin d’aboutir dans les prochains mois à une décision favorable pour les droits et les intérêts des travailleurs.
La recommandation du rapport de l’OIT sur l’examen régulier, en concertation avec les interlocuteurs sociaux, des modalités du barème est une première étape mais la décision sur les réclamations collectives portées par la CGT et la CGT-FO au sein du Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe sur ce barème devrait prochainement rebattre les cartes et mener la France à mettre en conformité sa législation avec le droit international.