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Elus du CSE : évitez le triangle de Karpman : persécuteur – victime - sauveur [Chapitre 5]
Pour contribuer à une analyse des causes des situations de travail syndical à risques, interrogeons-nous sur nos attentes. L’hypothèse exprimée dans cette série de post est justement que cette représentation du rôle des IRP est à la fois nocive pour la santé des représentants du personnel et pour … le dialogue social lui-même. C'est le chapitre 5 d'une série de 10 contributions pour maîtriser les risques du métier de syndicaliste en améliorant son efficacité.
- Chapitre 1 - A quoi vous expose votre activité syndicale ?
- Chapitre 2 - Les causes des facteurs de tensions et de ressources psychosociales du métier de syndicaliste
- Chapitre 3 - Prendre en compte la stratégie de dialogue social retenue par les employeurs
- Chapitre 4 - Elus du CSE : viser l’autonomie, la démocratie, le mandatement
De nombreux représentants du personnel perçoivent leur mission comme étant d’être à la disposition des salariés qui viennent les voir pour régler leurs problèmes.
Il est naturel de porter assistance aux personnes en souffrance qui ne trouvent pas de soutien ou d’écoute de la part des managers ou de la Direction. Il est indispensable de les accompagner vers les interlocuteurs RH, l’assistance sociale, le médecin du travail, l’inspecteur du travail, le tribunal des prud’hommes. La dégradation des conditions de travail, l’inadaptation du travail à la personne engendrent et multiplient ces situations de détresse.
Hormis ces situations de souffrance, la posture du représentant du personnel devrait néanmoins être interrogée. Se mettre à la disposition d’un salarié établit une relation client-fournisseur de prestataire de service, crée une attente de satisfaction chez le salarié (exigence de résultat) alors que le représentant du personnel n’a aucun pouvoir pour garantir le solutionnement de la demande. C’est pour celui-ci prendre le risque d’accepter une mission impossible.
L’attente de reconnaissance de l’action syndicale par les salariés risque de n’être jamais satisfaite. Elle peut traduire un positionnement de représentant du personnel « sauveur », qui participe lui-même à encourager le salarié à adopter une position de « victime » face à un employeur « persécuteur ». Ce triangle de Karpman est à éviter car si le sauveur « peut par exemple obtenir un regain d’estime de soi ou un statut de sauveur respecté. Il peut simplement éprouver du plaisir en ayant quelqu’un qui dépend de lui et lui fait confiance » (Source Wikipédia). Elle peut aussi entrainer pour la « victime » un sentiment de dette. Cela peut être ressenti comme une tentative de prise de pouvoir du « sauveur ». Car, sans « contrat » préalable du service rendu, le salarié peut se sentir « obligé », dépendant du représentant du personnel : cette relation est malsaine. C’est pour le salarié se retrouver en situation de dette vis-à-vis du syndicat.
En fait, le soutien social des salariés est acquis si le représentant du personnel porte une « expression collective des salariés » (L2312-8) sur le travail lui-même (pas les verbatims des personnes) dans laquelle les salariés se reconnaissent. Construire cette expression collective des salariés, c’est traiter des causes, pas seulement des effets. C’est parler au nom des collectifs de travail soumis à des dysfonctionnements organisationnels, et non pas des cas individuels.
De même le soutien social des salariés est acquis si le Délégué Syndical qui respecte son mandat de négociateur. Ce soutien peut être perdu s’il s’exprime sans mandat ou s’il ne le respecte pas.
En se focalisant sur le travail, la position de porte-parole (élu CSE), de mandaté (délégué syndical) restent respectueuses du vécu ou des choix individuels des salariés : aucune des décisions n’est prise à leur place. Elles ne placent pas les représentants du personnel en position de sauveur.
La recherche du mandatement par les représentants du personnel attribue un rôle de citoyen aux salariés. Ce qui place les salariés non pas en position de victimes ou d’assistés, mais répétons-le, d’acteurs du dialogue social.
C’est la légitimité des représentants du personnel qu’il faudrait viser, pas de la reconnaissance. La reconnaissance des salariés ne devrait pas se concrétiser par des remerciements mais par une exigence du représentant du personnel d’adhésion au syndicat.
N’hésitez pas à compléter, commenter cette contribution.
A suivre : Chapitre 6 : Défendre le travail par le #Dialogueprofessionnel : c’est défendre la sociabilité du travail