Organisations
Mise en concurrence des organismes assureurs en santé collective : recours de FO pour excès de pouvoir
Rappelons que le 13 juin 2013, sur la loi relative à la sécurisation de l’emploi, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article L912-1 du code de la Sécurité sociale qui permettait aux accords de désigner l’organisme chargé de la protection complémentaire pour toute la branche, en jugeant que cette désignation portait atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre.
Depuis cette censure des clauses de désignation, pour pouvoir recommander un ou plusieurs organismes d’assurances pour la gestion de garanties complémentaires, les partenaires sociaux des branches professionnelles devront appliquer un dispositif de mise en concurrence dont les modalités sont définies dans ce décret. L’objectif affiché des pouvoirs publics est de garantir une procédure de mise en concurrence transparente, avec égalité de traitement et impartialité des partenaires sociaux dans le choix effectué par la branche professionnelle.
Sont ainsi fixés :
- le contenu de l’avis à concurrence ;
- le processus de sélection des organismes. Ces derniers peuvent appartenir aux deux familles d’assurances, c’est-à-dire institutions de prévoyance ou mutuelles (à but non lucratif) ou assurances privées (à but lucratif) ;
- le droit à l’information des organismes ayant fait acte de candidature. Les dispositions du décret précisent le rôle de la commission paritaire et clarifient les situations de « conflit d’intérêts » concernant les membres de cette commission et les experts.
La situation de conflit d’intérêts dans le décret du 10 janvier 2015
« Se trouvent en situation de conflit d’intérêts le membre de la commission paritaire exerçant une activité salariée ou exerce ou a exercé au cours des 5 dernières années des fonctions délibérantes ou dirigeantes au sein des organismes candidats ou du groupe auquel appartiennent les candidats. Lorsque la liste des candidatures éligibles a été arrêtée, chacun des membres de la commission est tenu de déclarer dans un délai de huit jours l’existence éventuelle d’une situation de conflits d’intérêts. Cette déclaration s’impose également pour toute situation relevant du conflit d’intérêts postérieure à l’établissement de la liste des candidats éligibles à la recommandation.
Les membres qui se déclarent en situation de conflit d’intérêts ne peuvent pas prendre part aux réunions, ni aux délibérations en lien avec la phase de sélection des offres. Ils peuvent être remplacés à l’initiative de l’organisation syndicale de salariés ou de l’organisation professionnelle d’employeurs dont ils relèvent. Les experts doivent également déclarer préalablement à leur désignation tout conflit d’intérêts vis-à-vis des membres des commissions et vis-à-vis des organismes candidats. »
Début mars 2014, le projet de décret avait été porté à la connaissance des différents acteurs de la complémentaire de santé par les services de la Direction de la Sécurité sociale (DSS).
Pour notre organisation, favorable à la transparence et à la traçabilité dans le processus de désignation d’un ou de plusieurs assureurs complémentaires dans le cadre d’un accord collectif, il ne sert à rien de plaquer des règles proches de la procédure des appels d’offres publics dans le cadre d’une procédure de recommandation à l’issue de laquelle les entreprises peuvent choisir de ne pas adhérer à l’un des organismes recommandés.
- La confédération FO a adressé le 11 mars 2014 un courrier à la DSS pour l’alerter sur son interprétation de la notion de « conflit d’intérêts » qui méconnaît gravement le fonctionnement d’une organisation syndicale en ce qu’elle mandate ses représentants qui agissent sur mandat de leur organisation et non de leur propre chef.
Le 15 mai 2014, elle a écrit au Premier Ministre pour réitérer sa désapprobation quant à cette rédaction du projet de décret, tant sur le fond (comment justifier de règles contraignantes pour une application facultative ?) que sur la forme (la position retenue étant largement minoritaire) en exprimant « qu’il est artificiel voire hypocrite de « légiférer » sur des conflits d’intérêt attachés aux personnes physiques, parties prenantes des négociations » et que maintenir cette rédaction ne paraît pas être un signe positif sur la prise en compte de la valorisation du dialogue social et, encore moins, sur le pouvoir de la négociation collective.
Pour nous, la règlementation du soi-disant « conflit d’intérêts » aura pour effet de priver de professionnalisme les commissions paritaires et de réduire la sélection des membres de ces instances.
Estimant que les dispositions de ce décret sont juridiquement contestables, Force Ouvrière dépose un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État, sur base de trois constats :
- excès de pouvoir et disproportion de la réglementation, eu égard à sa finalité : il y a disproportion entre l’obligation procédurale et la finalité qui n’est qu’indicative, même pas incitative ;
- entrave à la liberté syndicale en contraignant le libre choix de la composition de la délégation syndicale apte à la négociation ;
- rétroaction quinquennale et discrimination entre familles d’assureurs : le terme de groupe vise expressément les institutions paritaires, groupes de protection sociale.
Le dossier est confié à un cabinet d’avocats qui doit déposer ses conclusions au mois d’avril.
- Protection sociale parrainé par MNH