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02 / 06 / 2015 | 34 vues
Denis Garnier / Membre
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Les risques psychosociaux et les cadres : entre fuite et autoritarisme

Si l’on adopte les recommandations du rapport « Bien-être et efficacité au travail » (Lachmann-Laroze-Penicaud 2010), la prévention du risque psychosocial du cadre, comme celui des autres salariés, dépend essentiellement de l’engagement du chef de service ou d’établissement.

Si ce dernier dynamise le respect des hommes et du droit, le travail du cadre s’en trouvera grandement facilité et le stress de la fonction limité. Dans le cas contraire, ce qui est plus courant malheureusement, les cadres connaissent un état de double contrainte. L'une, descendante, fixant des objectifs qui sont généralement intenables et accompagnés de restrictions des moyens et l’autre, remontante, par des équipes en demandes toujours insatisfaites.

Sans réponse, sans moyen, sans solution, les cadres se réfugient le plus souvent dans des postures qui peuvent être source de risques pour eux-mêmes et pour les agents qu’ils encadrent.

La première posture est la fuite.

Elle reporte sur les équipes leurs propres contraintes : « débrouillez-vous entre vous ».

Ce type de réponse comporte deux écueils majeurs.

  • Le premier concerne directement l’attractivité de la fonction cadre et le sentiment progressif d’abandon de la fonction en se réfugiant dans des activités transversales qui les éloignent de la réalité du travail. Paradoxalement, ils peuvent se trouver à participer à des réunions sur la démarche de qualité alors qu’ils sont incapables de l’offrir à leurs propres équipes.
  • Le second entraîne une destruction du collectif de travail car chaque agent va entrer en conflit avec son collègue par les difficultés de s’entendre sur les réponses à apporter à tous les dysfonctionnements qui naissent de cette insuffisance de moyens. Le cadre se transforme alors en animateur de conflit dont il ne sortira pas indemne.

La seconde est l’autorité.

Imposer coûte que coûte les objectifs assignés par les supérieurs hiérarchiques. Elle induit la désorganisation du service, les changements intempestifs de l’organisation du travail car le cadre s’arc-boute sur un objectif inatteignable qui débouche sur une qualité empêchée et entraîne soit une importante démotivation, soit un stress dévastateur parmi ceux qui sont généralement les plus consciencieux. Dans tous les cas, les contraintes du temps de travail, de son intensification, les conflits de valeur, les conflits éthiques et les mauvais rapports sociaux en sont la résultante. Un absentéisme et un renouvellement importants sont les constats apparents. Nous sommes là au cœur du risque. L’autorité est ici une forme d’impuissance dans laquelle il est impossible de s’épanouir.

Dans toutes les situations, la fuite ou l’autorité, c’est-à-dire le choix entre le je–m’en–foutisme ou le conflit, le cadre s’enferme dans une logique qui se trouve étrangère à l’éthique de sa fonction. 

Quelles solutions à proposer pour les cadres ?

Tout le monde s’accorde à reconnaître que la meilleure façon d’enrayer les risques psychosociaux (ou les contraintes organisationnelles) consiste à recréer du collectif de travail tout en donnant à chacun une plus grande latitude décisionnelle. Cette évidence devrait s’imposer aux cadres. Mais comment ?

Dans de nombreux ouvrages et conférences, Madeleine Estryn-Behar expose une réponse qui paraît relativement simple à mettre en œuvre. D’abord, « un peu de temps, une table et des chaises ». Au-delà de ce qui pourrait paraître comme une boutade, ce sont des conditions matérielles incontournables pour échanger entre professionnels. Mais pour ce docteur en ergonomie, auteur entre autres de L’ergonomie hospitalière (bible de tous les ergonomes hospitaliers), il s’agit avant toute démarche de stabiliser les équipes pour recréer de véritables collectifs de travail rassemblés sur des valeurs et des enjeux communs.

Quoi de plus naturel à partir de là que les cadres puissent organiser le débat entre tous les professionnels concernés par le même objet. La « dispute professionnelle » doit permettre un réel débat sur le travail. Il ne s’agit pas d’entretenir le conflit entre individus mais de débattre sur les critères de qualité du travail. Yves Clot illustre cette dispute professionnelle en précisant que le collectif de travail existe à partir du moment où un collègue peut dire sans crainte à un autre « tu ne fais pas du bon travail » (Le travail à cœur, 2010). Imaginons une aide-soignante parler ainsi à son cadre et mesurons ainsi la distance qui sépare le réel de la solution.

Mais au-delà de l’animation de ce collectif de travail pour lui redonner une réelle fonction de « facilitateur du travail », encadrant davantage le travail que les travailleurs, le cadre connaît aussi des souffrances directement liées à l’exercice de sa fonction. Même si la réussite d’un travail collectif au sein de ses équipes va considérablement réduire l’exposition aux risques, il n’en demeure pas moins que des échanges entre cadres paraissent souhaitables. Mais, pour en garantir l’efficacité, ces derniers devront pouvoir s’organiser en dehors de toute présence hiérarchique. Le besoin d’échanger sur les pratiques professionnelles favorise de bons rapports sociaux, met en confiance et repousse l’isolement.

Le cadre devrait donc intégrer un double collectif de travail, celui de l’équipe qu’il encadre mais aussi celui des collègues avec qui il partage les mêmes incertitudes.

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