La RSE, une co-construction en évolution permanente à la MGEN et au Groupe Chèque Déjeuner
« Il y a un déficit de coopération. »
- Retrouvez dans le bloc Ressources les grilles de lecture des indicateurs sociaux de la MGEN et du groupe Chèque-Déjeuner qui ont servi de base aux échanges de cette rencontre inédite laquelle a révélé la complémentarité des approches en fonction des rôles de chacun.
« Il y a en France un déficit de coopération. Dans les entreprises et, bien entendu, entre les différentes composantes de la société civile. La RSE est le levier pour amener ces acteurs à coopérer davantage pour gagner en compétitivité », a souligné Patrick Pierron, président de la plateforme RSE mise en place en juin 2013 par le Premier Ministre qui intervenait en introduction de ce colloque de l’Archipel. Reste aux 48 membres représentants l’État, les élus, les employeurs, les salariés, les associations, les ONG et les praticiens à s’entendre sur le sens et les leviers d’actions d’une responsabilité sociétale. « Certains préfèrent par exemple parler de performances plutôt que de compétitivité. Converger sur le sens des mots est un préalable », précise Patrick Pierron, par ailleurs secrétaire national de la CFDT.
Une volonté partagée de se réinventer
« La solidarité est devenue un mot valise, auquel nous entendons redonner tout son sens. »
Partager un langage commun avec toutes les parties prenantes est bien au cœur des préoccupations des directions de la MGEN et du groupe Chèque-Déjeuner. Ces deux entreprises revendiquent un socle de valeurs fortes, socle que l’évolution rapide de l’environnement les conduit à réinventer, dans de nouveaux cadres. « La solidarité est devenue un mot valise, auquel nous entendons redonner tout son sens tant à l’égard de l’externe que de l’interne. La RSE apporte en cela un référentiel pour se projeter vers l’avenir sans faire table rase du passé », souligne Julie Savary, chargée de mission RSE à la MGEN, une mutuelle santé qui a pour ambition de ne pas se limiter à un rapport de cotisation sur prestation avec ses adhérents et qui considère que l’offre de soins n’est pas seulement un marché concurrentiel. Autre secteur, autre culture mais même défi pour le groupe Chèque Déjeuner. « Notre ambition est de dynamiser une culture de groupe coopératif, quand bien même seule la société mère en est une. Cela signifie que les principes d’égalité de la coopérative se retrouvent déclinés dans toutes les sociétés du groupe », affirme Catherine Candella, directrice de la RSE. À charge pour les responsables opérationnels des filiales en France et à l’international (46 % de l’effectif), de faire remonter les données afin d’étoffer le prochain rapport de responsabilité sociétale. « C’est tout leur intérêt de jouer le jeu pour avoir des éléments de comparaison susceptibles de tirer vers le haut. L’exercice va d’autant plus s’imposer dans le cadre du comité européen que nous mettons en place », explique Florence Quentier, DRH du groupe Chèque-Déjeuner.
« Nous tenons à ce que les salariés comprennent comment ils peuvent peser sur les objectifs RSE. »Le pari de la RSE est gagné lorsque les managers mais aussi l’ensemble des salariés s’approprient la démarche. C’est l’objectif du défi RSE organisé, par équipes, au sein de chacune des sociétés du groupe Chèque-Déjeuner. « Les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés dans le référentiel national donnent du sens à toute l’activité de l’entreprise : nous tenons à ce que nos collaborateurs salariés comprennent comment ils peuvent peser sur leur atteinte. Cela sous-entend d’identifier les domaines d’actions qui s’offrent à eux sur le terrain en fonction de leur métier. Ce balisage est en cours », annonce Anne-Marie Harster, déléguée nationale en charge de la RSE à la MGEN, où militent environ 18 000 personnes et dont la gouvernance repose notamment sur les 3 000 élus qui siègent dans les structures tant nationales (bureau national, conseil d’administration) que départementales. La coopération entre élus et salariés se met en place. Depuis septembre, le comité exécutif de la MGEN rassemble dirigeants élus et salariés. « Les élus que nous sommes sont en lien avec l’environnement tant externe qu’interne. Cette connaissance nous permet de veiller à ce que les valeurs se déclinent effectivement auprès des salariés sur le terrain. C’est notre responsabilité », précise Anne-Marie Harster.
Des indicateurs leviers d’action et de discussion
En 2013, le groupe Chèque-Déjeuner a distribué pour la première fois un bilan social individualisé à l’ensemble de ses salariés en poste en France, valorisant l’ensemble des éléments de la rémunération globale de chacun (salaire direct individuel, salaire variable individuel, redistribution collective, protection sociale, investissement formation, activités sociales et culturelles). « C’est une déclinaison individualisée de la responsabilité sociale qui permet d’avoir une vision claire de son positionnement à l’heure où le chantier de l’harmonisation sociale est en cours », considère Patrick Mpondo, élu FO au CE de Cadhoc, l’une des plus importantes filiales du groupe. Si la protection sociale et les prestations offertes dans le cadre des activités sociales et culturelles s’appliquent de la même façon pour la grande majorité des salariés du groupe en France, c’est à partir de juin prochain que le nombre de jours de congés sera aligné par le haut.
« La question de l’harmonisation des statuts se pose désormais »
Une grille de classification des postes se met aussi en place transversalement à toutes les sociétés du groupe. De quoi donner une impulsion à la mobilité inter-filiales dans un groupe qui s’emploie à redistribuer de façon égalitaire dans chacune de ses entités. Reste que le niveau de redistribution des performances n’est pas le même selon les filiales, avec une société mère qui redistribue 5 fois plus à ses sociétaires qu’à Cadhoc par exemple. « La question de l’harmonisation des statuts se pose désormais. C’est un sujet très complexe qui nécessite beaucoup de pédagogie mais le débat est désormais ouvert sur les conditions d’élargissement de la coopérative aux quelques 1 000 salariés en poste en France », explique Florence Quentier. En attendant, ce sont les 350 salariés sociétaires de la coopérative qui détiennent 100 % du capital d’un groupe qui en emploie près de 2 000.
Avec un objectif de 100 % des salariés rémunérés à minimum 120 % du SMIC (pour un équivalent temps plein) d’ici 2015, la MGEN affiche un symbole fort dans son rapport annuel responsable 2012. « Cela illustre concrètement la politique sociale du groupe MGEN puisque près de 2 000 salariés sont concernés. C’est un objectif qui se traduit par un effort financier important et dont l’atteinte progressive s’est déjà concrétisée dans la précédente négociation annuelle sur les salaires », estime Marc Tranchat, délégué national en charge des relations sociales. Un effort certes salué par les syndicats qui ne manquent toutefois pas d’en souligner les limites. « Cela pourrait se traduire par un tassement des rémunérations. Nous souhaitons que le salaire médian continue d’évoluer », souligne ainsi Dominique Chaloubie, délégué syndical central de l’UNSA, qui revendique une prime mensuelle pour les salariés « référents », ces seniors qui accompagnent les jeunes, déjà en poste, dans leur évolution professionnelle. « Une prime à l’image de ce qui est accordé aux tuteurs qui accompagnent les jeunes recrutés dans le cadre du contrat de génération », précise Dominique Chaloubie.
« Former pour former n’a pas de sens en soi. »
La promotion interne reste un puissant levier de progression salariale dans la mutuelle puisque pas moins de 10,4 % des effectifs ont été promus en 2012, soit une augmentation de 70 % par rapport à 2011. Promouvoir au statut cadre plus de 950 employés en une année s’est traduit par un effort de formation. « Former pour former n’a pas de sens en soi. Il est essentiel d’être en capacité de montrer que la formation est un levier pour évoluer professionnellement. C’est un mouvement que nous avons engagé sur le long terme », explique Philippe Gerbet, DRH groupe de la MGEN qui applique la même logique sur l’absentéisme. « Cet indicateur brut a en lui-même peu de sens. Pour en faire un outil de pilotage, il faut le croiser avec les données en matière de pyramides des âges, de métiers exercés et de facteurs clefs de conditions de travail», ajoute le DRH du groupe.
« Nous souhaitons être associés à la co-construction de ce questionnaire. »
En 2011, un questionnaire sur la qualité de vie au travail adressé à l’ensemble des salariés a révélé des signaux d’alerte. Un nouveau sondage va donc être lancé pour mesurer l’évolution des réponses. « Nous souhaitons être associés à la co-construction de ce questionnaire car il est nécessaire d’y introduire de nouvelles questions pour affiner l’analyse en complément des éléments à comparer sur la durée », estime Alain Charras, délégué syndical central de la CFDT. Sur l’accord d’intéressement signé par l’ensemble des syndicats, la CFDT entend également peser dans l’évolution. Selon Alain Charras, « il faut introduire des indicateurs non financiers au-delà d'un volet lié au groupe, nécessaire à la cohésion d'ensemble. Pour chaque mutuelle du groupe, à hauteur de 40 % de l’enveloppe de l'intéressement, la mesure de la qualité de service serait une occasion de responsabiliser les salariés sur un chapitre pour lequel ils peuvent être acteurs directs. Ce serait aussi l’occasion de faire un lien entre le niveau de bien-être des salariés et celui de la qualité externe »
Si les partenaires fondateurs ont exposé leurs points forts lors de cette rencontre, ils n’ont pas fait l’impasse sur leurs marges d’amélioration. « Notre taux d’emploi de personnes handicapées est très faible. Cela ne nous empêche pas de dire où nous en sommes dans notre rapport RSE 2012, d’autant qu’une très forte mobilisation est désormais en action pour progresser. C’est l’exemple type de l’indicateur qui ne reflète pas la réalité de l’engagement des salariés », souligne Thomas Delpech, secrétaire du CE de Chèque-Déjeuner. Le groupe vient d'ailleurs de signer une convention de partenariat de 2 ans avec l'AGEFIPH, le fonds pour l'insertion professionnelles des personnes handicapées.
L’Archipel n’est pas le lieu de villégiature des entreprises qui se considèrent comme les meilleures de la classe mais au contraire de celles qui considèrent qu’elles ont à toujours progresser.
Pour Sophie Thiéry, directrice Vigeo Enteprise, cabinet d’audit et conseil RSE, « rares sont les entreprises que nous évaluons qui prennent la responsabilité d’afficher publiquement les points faibles que nous avons identifiés. Pourtant, affirmer ses engagements et rendre compte de ses progrès comme de ses difficultés est une démarche courageuse, responsable et bien perçue par leurs parties prenantes. Par ailleurs, il appartient aussi aux syndicats de se saisir des informations issues des reportings extra-financiers, voire de participer à leur construction ».
- Les restitutions des rencontres thématiques qui ponctueront la vie de l’Archipel en 2014 seront réservées aux seules entreprises adhérentes. La première rencontre est programmée pour le 20 mars, afin d'échanger sur le sens des indicateurs associés à l’évolution de l’emploi : les entrées et les sorties. Un cadre comme celui de L'Archipel est susceptible de contribuer à faire bouger les lignes pour tirer la RSE vers le haut. Les échanges interentreprises qui se déroulent dans le cadre des ateliers thématiques ne peuvent que contribuer à clarifier les négociations et les processus d'information / consultation classiques.
Des indicateurs comme leviers de communication
« La contextualisation est essentielle. »
Une fois que les parties prenantes se sont entendues sur les indicateurs qu’ils allaient publier, la communication prend toute sa dimension pour les valoriser, les mettre en perspective. Sur son nouveau site internet, la MGEN met ainsi en scène ses indicateurs clefs sous forme d’infographie animée. « C’est un avant-goût de ce que nous allons faire pour accompagner le prochain référentiel RSE. Les données vont notamment être illustrées par des vidéos et des animations sur un site consacré en rich media. La contextualisation est essentielle », annonce Sif Ourabah, directeur de la communication du groupe. En la matière, la Direction générale de l’administration de la fonction publique, qui anime les politiques de ressources humaines des trois fonctions publiques, montre la voie dans la rubrique « indicateurs RSE » de son site (en cours d'ctualisation). Cet espace original permet de croiser, de façon plutôt ergonomique des vues par sexe, catégorie, tranche d’âge et localisation géographique sur dix thèmes de RH de la fonction publique d’État. « Il est de la responsabilité de l’État employeur de montrer l’exemple en matière de reporting social. C’est un gros travail au regard du volume des données que nous avons à traiter. Certaines données, comme par exemple celles relatives aux contractuels, ne sont pas encore intégrées dans les clefs de tri proposées sur le site », explique Christian Nègre, sous-directeur de l’animation interministérielle des politiques de RH et qui intervenait dans la séquence introductive du colloque.
Dans le groupe Chèque-Déjeuner, la direction de la communication est aussi de la partie en matière de RSE. « Nous partons du principe que nos salariés sont les meilleurs ambassadeurs de nos valeurs sur les réseaux sociaux. À charge pour nous d’accompagner ceux qui veulent s’engager de cette façon », explique Christine Kotala, directrice de la communication et qui a profité du colloque pour annoncer que le conseil d’administration du groupe ferait à l’avenir pour la première fois l’objet d’un compte-rendu vidéo diffusé à l’ensemble des salariés. Ces derniers pourront par la suite poser des questions avec réponses, également en format vidéo. Une direction de la communication du groupe Chèque-Déjeuner qui porte par ailleurs la démarche de convivialité interne en affirmant le lien avec les performances. Cette année, à l’approche de la grande célébration de ses 50 ans, le groupe met ainsi en scène ses salariés sur une série de vidéos publiées sur YouTube. Lors de la soirée annuelle « classique », les conjoints des salariés sont conviés et 80 % d’entre eux sont de la fête. Un indicateur de convivialité et de performances sociales en soi…