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24 / 06 / 2010 | 5 vues
Dominique Lanoë / Membre
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Entretien individuel d’évaluation : entre ethnocentrisme managérial et dérive comportementale

Avec l’expérience de trois expertises CHSCT que nous avons récemment réalisées dans plusieurs entreprises sur le thème de la mise en place de dispositifs d’entretiens individuels d’évaluations, nous n'allons pas ici tenter de faire le tour de cette vaste question, mais d’en faire ressortir quelques aspects qui nous sont apparus communs et surtout problématiques, en termes de conséquences pour les salariés.

Le poids des objectifs, reflet de l’ethnocentrisme managérial

Un premier axe de nos observations réside dans un constat que « l’adhésion » des salariés aux dispositifs croît en fonction de la position hiérarchique occupée. Ce constat est certes assez trivial mais ses implications sont multiples. En premier lieu, ces dispositifs, qui sont présentés par leurs initiateurs comme étant transparents et égalitaires, renforcent en fait les logiques discriminantes.

Dit rapidement, ceux qui disposent déjà des meilleures ressources (diplômes et formation, mais aussi qualité du réseau social…) trouvent assez souvent les moyens et les techniques pour répondre positivement aux critères d’évaluation. Comme les dispositifs d’évaluation sont, la plupart du temps, construits selon une logique pyramidale descendante : on est évalué, mais aussi évaluateur de ses subordonnés ! On assiste donc à une espèce « d’ethnocentrisme », d’une couche au sommet de la pyramide sociale qui valorise sa propre vision de l’entreprise et l’impose à tous comme repère.

Une logique d’envahissement du langage des dirigeants à tous les échelons de l’entreprise Nous avons, en effet, constaté aux travers des guides d’entretien d’évaluation que les références à l’activité concrète de travail sont délaissées. L’absence des fiches de poste, la carence des définitions de métier, qui, quand elles existent, se limitent souvent à une série d’objectifs et de pré-requis génériques, vient renforcer cette logique d’envahissement du langage des dirigeants, à tous les échelons de l’entreprise.

On demande alors aux salariés de « faire preuve d’initiative », sans indiquer à quoi cela correspond  concrètement, mais aussi de « réaliser des objectifs » qui, d’une part, changent fréquemment, mais surtout sans mettre à leur disposition les ressources ou les moyens pour les atteindre. Lors de nos rencontres avec des évaluateurs, ceux-ci admettent souvent que les objectifs fixés ne sont pas réalistes, mais qu’ils constituent une stimulation à « réaliser une meilleure performance » pour le personnel. Cette confusion entre une technique de management, déjà peu reluisante en elle-même, et le moment privilégié que devrait être l’entretien d’évaluation, illustre l’une des sources de défiance des salariés envers ces entretiens.

Le poids du comportement au détriment du savoir faire

Vérifier le degré d’adhésion des salariés aux normes de l’entreprise ! 


Un second axe de nos observations est de constater la tendance des entretiens individuels à survaloriser l’évaluation des comportements. Cette tendance signe le passage d’une conception des compétences basée sur le « savoir-faire » à une notion plus ambigüe et polysémique basée sur le « savoir-être ». Et du « savoir-être » au travail pour réaliser une activité, on constate un glissement vers le « savoir-être » tout court, puis sur « l’être » et donc sur une évaluation des traits de personnalité. Les termes « curiosité, passion, clairvoyance, imagination… » que nous avons relevés dans des grilles ou supports aux entretiens d’évaluation reflètent cette dérive. Et la fonction principale de l’évaluation devient alors de vérifier le degré d’adhésion des salariés aux normes de l’entreprise ! 

Quelles limites aux dérives ?

Les salariés sont-ils protégés de ces dérives ? Question complexe. Le Code du Travail pose un principe fort, avec l'article l.1222-2 : « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes. ». Toute fois, il n’y a encore eu que peu d’exemples pour sanctionner et donc limiter cette nouvelle forme de pression sur les salariés. De ce point de vue, on peut indiquer la décision du Tribunal de Grande Instance de Nanterre (5/9/2008) : « la multiplication de critères comportementaux détachés de toute effectivité du travail accompli implique la multiplication de performances à atteindre qui ne sont pas dénuées d’équivoques et peuvent placer les salariés dans une insécurité préjudiciable. Insécurité renforcée par l’absence de lisibilité, pour l’avenir, de l’introduction de nouveaux critères d’appréciation des salariés, ce qui est préjudiciable à leur santé mentale ».

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