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19 / 04 / 2016 | 109 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Efi Automotive : analyse croisée d’une GPEC de terrain

Loin des débats sur la loi sur le travail, DRH et représentants du personnel d’EFI Automotive ont partagé dans le cadre d’un double café social lyonnais puis parisien leur approche d’une GPEC opérationnelle et originale, en rupture avec le PSE de 2009.

Quels regards ont porté les experts partenaires sur une ingénierie sociale qui a su dépasser les contraintes réglementaires ?

Les partenaires du café social de Lyon (10 mars)

Les partenaires du Café Social de Paris (24 mars)

Vous avez trois ans pour réduire de 20 % les charges fixes. En d’autres mots, la direction d’EFI Automotive accepte de reporter de trois ans les gains de productivité attendus en France. Les performances de cet équipementier automobile à l’international le permettent puisque d’ici 2018, 60 % de l’activité se fera hors de France à travers des filiales américaines, chinoises, turques ou mexicaines. Sur les 1 400 salariés, 720 sont encore en poste en France. L’histoire d’une entreprise familiale créée il y a 80 ans et dont l’ambition de la direction est de conserver de la production et de la recherche et du développement en France en transformant l’implantation historique de Beynost (agglomération lyonnaise) en site d’excellence. Le tout en résistant à la pression de certains donneurs d’ordres…

En 2009, en pleine crise de l’automobile, EFI Automotive a connu son premier PSE : 80 salariés ont quitté le site français dans le cadre d’un plan de départs volontaires ; seuls 8 se sont reclassés en interne. Depuis, la direction explique aux salariés qu’il ne lui était plus possible de garantir un emploi à vie à ses salariés. Un changement d’autant plus radical que la restructuration n’a pas anticipé les conséquences sur les salariés qui restaient. « L’optimisation des processus et du travail n’a pas été menée car l’horizon économique s’est subitement éclairci en 2010, avec des embauches à la clef. Cela a amplifié les écarts de compétences par rapport aux besoins générés par la stratégie », explique Franck, Fernez, DRH d’EFI Automotive, arrivé juste après ce PSE et à qui la direction générale a laissé carte blanche pour mettre sur pied une GPEC à partir de 2014. Structurellement, au-delà d’une « simple baisse des frais fixes », le site de Beynost doit se transformer pour répondre aux exigences de l’internationalisation et de l’automatisation (avec une maintenance plus complexe). C’est dans ce contexte que la direction lance sa démarche de GPEC avec la double volonté d’aligner les compétences sur la stratégie et de « mettre en mouvement » les salariés pour qu’ils soient acteurs de leur employabilité.

Information-consultation sur les orientations stratégiques

Mais avant cela, il fallait délivrer une information-consultation sur les orientations stratégiques dont le processus commençait à l’automne 2014 avec le cabinet Syndex pour accompagner le CE. C’est finalement mi-2015 que le processus s’est achevé avec une consolidation des informations pouvant présenter quelques analogies avec un livre II, tant les incidences sociales de la stratégie sont précisées. « L’exercice s’est déroulé sur plusieurs mois avant de se stabiliser. Nous étions en mode projet avec un pilotage partagé. Cela a bien permis de déterminer le contexte dans lequel la GPEC allait se mettre en place », explique Claire Monnier, responsable de Syndex Lyon. Cette capacité d’une direction à mettre sur la table ses choix stratégiques n’est pas commune, surtout à un niveau de groupe. « Les élus se heurtent encore à trop souvent à des directions qui refusent de partager les orientations stratégiques du groupe et toutes les interdépendances que cela sous-entend. Cela alimente des consultations stériles illustrant des relations sociales manichéennes. C’est ce déficit de confiance que l’on retrouve sans surprise dans les réactions au projet de loi sur le travail », témoigne Eladia Delgado, avocate associée du cabinet Delgado & Meyer, qui n’hésite pas à aller aux contentieux pour accéder à un niveau d’information plus stratégique, au niveau des groupes.

Mais que pensent les avocats d’entreprise d’une telle démarche ? « Cette information-consultation sur les orientations stratégiques illustre à quel point la ligne est parfois difficile à circonscrire entre des orientations stratégiques et le projet de réorganisation devant donner lieu à information consultation au titre de la marche générale de l’entreprise, voire au titre du livre I (projet de licenciement économique collectif). Cela mériterait davantage de souplesse dans les seuils qui obligent à mettre en place un PSE. Les entreprises ont besoin de capacité d’adaptation », considère Joël Grangé, avocat associé du cabinet Flichy Grangé avocats qui n’est pas intervenu sur ce dossier. Qui dit projet de réorganisation, dit expertise du CHSCT sur projet important. Une mission qu’assure IDée consultants, un cabinet spécialisé en ingénierie sociale, choisi par le CHSCT, sur proposition de la direction. Sa mission est de délivrer une étude sur les conséquences du projet de transformation en termes de conditions de travail. À noter que ce cabinet n’a pas l’agrément d’expert CHSCT. La restitution de l’étude doit se faire simultanéement auprès du CE et du CHSCT et des délégués du personnel. Une approche pour le moins originale, non contrainte par le champ règlementaire mais sans pour autant s’en affranchir. Selon François Coutard, avocat associé, responsable de CMS Francis Lebevre de Lyon (qui n’est pas non plus intervenu dans le dossier), « il est intéressant de voir des partenaires sociaux prendre des libertés pour développer une ingénierie sociale partagée par tous les acteurs pour avancer. Cela sous-entend une bonne dose de confiance pour qu’une direction accepte de lever le voile sur sa stratégie sans se limiter à des orientations ».

Un accord GPEC à intégrer dans le quotidien

« C’est un accord qui se veut pédagogique. On sent qu’il a été rédigé pour être lu par les salariés. C’est rarement le cas ».Un accord de méthode va cadrer les articulations entre l’information-consultation sur les orientations stratégiques et l’accord GPEC qui sera signé en décembre 2015. Simultanément, une lettre circulaire a été adressée au domicile des gens dont les postes était menacés, soit une dizaine pour 2016. « Nous avons assuré la bonne articulation entre l’information-consultation et l’accord GPEC mais nous n’avons pas rédigé ce dernier. Ce sont vraiment la DRH et les représentants du personnel qui l’ont rédigé. C’est une première pour moi que d’intervenir dans de telles conditions d’appropriation par les acteurs internes. Cela sous-entend de l’humilité et la « juste place » pour les intervenants externes », illustre Gilles Amiet, directeur associé d’Oasys Consultants. Et Nicolas Innocenzi, délégué syndical CFDT (seul syndicat représenté dans l’entreprise), de confirmer : « Nous avons co-construit cet accord avec la DRH en mettant l’union régionale CFDT dans la boucle. Nous l’assumons et le portons, notamment auprès des managers, pour qu'ils s’impliquent. C’est un travail quotidien que de faire vivre cet accord. Il aurait été plus simple de refaire un PSE ou alors une fausse GPEC ». Les moyens d’une vraie GPEC sont réels avec une petite dizaine de postes menacés en 2016 et autant en 2017 et 2018. En face, 130 postes sont en forte évolution. À charge pour les encadrants d’intégrer la démarche au cours des entretiens d’évaluation de 2016. Pas facile pour eux, alors que le site est en pleine charge, de laisser filer en formation longue des collaborateurs. La communication a été soignée par un autre cabinet de conseil RH : MCG consultants. Une plaquette réalisée par ce cabinet décrypte les modalités de l’information-consultation sur les stratégies en 2017 et 2918. « C’est un accord qui se veut pédagogique. On sent qu’il a été rédigé pour être lu par les salariés. C’est rarement le cas », reconnaît François Coutard. Même écho de la part de Joël Grange sur le ton de l’humour : « c’est effrayant de constater qu’un accord puisse ne pas être rédigé par un avocat ».

La communication est une chose ; restent la pratique et les moyens qui vont avec. Le budget pour la formation est ainsi quasiment multiplié par 2 sur les trois prochaines années. L’enveloppe passe de 250 000 euros par an à 450 000. « Plutôt que de chercher à sécuriser les licenciements, l’État devrait intensifier les financements des actions de formation », estime Franck Fernez. Un espace développement animé par des consultants d’Oasys est ouvert depuis décembre. « Les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations de l’accord nous a apporté la légitimité pour nous positionner également sur l’accompagnement de la mobilité. Il n’y a pas de conflits d’intérêt. Nous connaissons très bien le contexte », considère Gilles Amiet. Qu’ils soient sur des postes menacés ou non, 52 salariés ont déjà été accueillis. Certains suivant jusqu’à 4 entretiens et 50 % sont dans une logique de mobilité. Un bon début. Selon Franck Fernez, « il y a encore des salariés qui attendent qu’on leur dise que leur poste est supprimé. Notre défi est de leur faire changer cette façon de voir leur employabilité ».
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