Organisations
Commission Kaspar à La Poste : une opportunité ou un leurre ?
Après le discours de bienvenue du président Kaspar, les membres de la commission ont été invités à se présenter et à indiquer leurs attentes par rapport à la commission, de même que la contribution qu’ils pourraient apporter à la réflexion.
Au cours de cette réunion, chaque directeur de métier a tenu à rappeler l’intérêt d’une telle commission et sa satisfaction à y participer.
Le délégué général a rappelé que La Poste avait réagi immédiatement aux suicides qui avaient eu lieu en convoquant les syndicats et en prenant 10 mesures. À ce stade, on ne sait toujours pas comment elles sont déclinées sur le terrain.
Concernant le travail de la commission, il a indiqué que LP entendait transcrire dans l’entreprise les propositions qui seront faites.
Le directeur du courrier a rappelé qu’il avait le devoir de transformer l’entreprise et de l’adapter aux évolutions conjoncturelles ; à défaut, l’entreprise courrait un risque.
Néanmoins, il s’est dit d’accord pour « remettre en cause » certaines pratiques, notamment en mettant en œuvre les préconisations de la commission.
Le directeur de l’enseigne a mis l’accent sur le fait que l’entreprise devait poursuivre sa transformation et qu’elle avait besoin, pour ce faire, d’un personnel motivé, heureux d’accomplir ses tâches…
Le directeur de la Banque Postale considère que l’installation de la commission est une chance. Il voit en elle une opportunité d’écoute et de conduite efficaces du changement dans les meilleures conditions humaines possibles.
Calendrier des travaux
À l’issue de ce tour de table, auquel ont également participé les syndicats et les personnes qualifiées, le calendrier des travaux de la commission a fait l’objet d’une discussion. Les dates des prochaines réunions sont les suivantes :
- 14 mai 2012
- 29 mai 2012
- 12 juin 2012
- 26 juin 2012
- 3 juillet 2012
Modalités de fonctionnement
Les modalités de fonctionnement de la commission sont les suivantes :
- Diagnostic. La Poste s’est engagée de produire devant la commission les conclusions des nombreux audits réalisés jusque-là sur la santé dans l’entreprise et le dialogue social, notamment le dernier rapport du contrôle général…
- Discussion et échanges contradictoires,
- Propositions qui déboucheront, selon les engagements pris par La Poste, sur l’ouverture de négociations avec les syndicats quant à leurs modalités d’application.
Au cours de ces différentes étapes, des auditions voire des groupes de travail pourront être mis en place. Les syndicats pourront proposer des personnes à auditionner. Des audits complémentaires pourront être également diligentés à la demande de la commission.
S’agissant de la deuxième étape : d’ores et déjà, un certain nombre de chantiers et de thèmes ont été identifiés :
- entreprise et travail : nouvelles donnes ; autrement dit, les mutations qui « requestionnent » le travail ;
- les nouvelles attentes des salariés ;
- gouvernance des entreprises, régulation sociale et dialogue social ;
- conditions de travail, RPS et gestion des suicides ;
- gestion du changement, du management. Comment créer des liens et de la proximité au sein des entreprises.
La première audition : le président Bailly
Le président est intervenu sur le thème de la présentation de La Poste et de sa stratégie.
Les idées forces à retenir de cette intervention :
- La Poste est un « modèle réduit » de la France ; à ce titre, elle reproduit naturellement les problématiques que rencontre la société française.
- La Poste est une entreprise qui n’est pas comme les autres : différentes compétences requises par la diversité des métiers, différents statuts (fonctionnaire et salarié), des établissements de taille différenciée (de 1 personne à plus de 1 000), diversité géographique et culturelle (zone rurale, zone de montagnes, DOM…), diversité des conventions collectives… Par ailleurs, La Poste est un groupe présent à l’international (15 % de son chiffre d’affaires).
- La Poste travaille dans un environnement concurrentiel : 85 % des ressources de La Poste proviennent des acteurs économiques (entreprises). Cet environnement concurrentiel est à la fois une menace et une chance. Une menace : diminution du volume du courrier (1 % de baisse se traduit par une diminution de 100 millions d'euros de résultat pour La Poste), diminution de la demande exprimée aux guichets (- 10 % entre 2007et 2011). Une opportunité : dynamique de réinvention, d’innovation et de remise en cause permanente...
Partant de ce constat, le président a indiqué que les choix qu’il a privilégiés ont été les suivants :
- nécessité de faire une forte productivité ;
- s’appuyer sur le savoir-faire des postiers en réorientant éventuellement leurs compétences. Il a indique que ce modèle social avait un coût ;
- « métiériser » les activités pour mieux prendre en compte la « diversité » de l’entreprise et pour faciliter son fonctionnement du fait du poids de chaque branche d’activité (par référence au CA, le courrier est la 40ème entreprise de France, la BP la 59ème, le colis et l’express, la 60ème, l’enseigne, la 63ème et La Poste, avec 21 milliards de CA, est la 26ème entreprise française). Pour le président Bailly, s’adapter est une nécessité vitale pour La Poste. En 2011, LP a dégagé un résultat de 670 millions d'euros ; si La Poste avait maintenu ses coûts au niveau de 2002, le résultat accuserait un déficit de 1,5 milliard;
- s’agissant du mal-être des postiers, le président a indiqué que La Poste n’était pas plus « touchée » qu’une autre entreprise. Pour cela, il s’est appuyé sur un certain nombre d’indicateurs qui avaient tendance à attester que les postiers avaient une opinion plutôt positive sur l’entreprise et sur leur travail (référence : questionnaires « de vous à nous » du courrier…).
Le mal-être au travail pourrait s’expliquer par des difficultés managériales, des échecs professionnels et personnels se combinant avec des problèmes de santé et de fragilité personnelles. Par ailleurs, la population vieillissante de La Poste (le modèle social choisi par La Poste excluant un renouvellement brutal de la population) serait une cause de l’augmentation de l’absentéisme.
Et de renvoyer la problématique de la santé à La Poste d’une part à une problématique plus large, de nature sociétale, avec l’incapacité de la population de s’adapter de manière générale aux changements, d’autre part, à la faiblesse des corps intermédiaires dans notre société, qui aurait pour conséquence d’accroître le niveau d’exigences vis-à-vis des entreprises.
Commentaires de FO
I) - En dépit de réserves émises sur son impartialité, FO a fait le pari de travailler dans cette commission… Notre syndicat refusant de travailler sur les chantiers ouverts par La Poste aussi longtemps que l’arrêt des réorganisations actuelles et à venir ne serait pas décrété par La Poste. FO a réaffirmé clairement et sans ambiguïté cette position au cours de la réunion du « front syndical », qui s’est tenue le 17 avril matin.
En refusant d'arrêter les réorganisations, La Poste demande aux syndicats de s’engager dans un « dialogue social » tronqué, lui servant d’alibi pour poursuivre sa politique de démolition et pour se donner bonne conscience après les tragiques événements qui ont frappé l’entreprise. FO refuse de rentrer dans ce jeu de dupes et d’être l’otage d’une stratégie perfide.
II) - À l’attitude de La Poste de montrer que la situation n’est pas pire dans l’entreprise qu’ailleurs en se référant à des éléments statistiques et autres questionnaires auprès des postiers, FO répond que le mal-être au travail est un sujet trop grave pour se résumer à une simple question de chiffres dont d’ailleurs la pertinence et la fiabilité peuvent être mises en cause ; et de citer comme exemple la baisse du nombre d’accidents présentée par La Poste comme la résultante de sa politique de prévention alors que chacun sait que cette baisse est la traduction arithmétique de la diminution des effectifs.
De même, la prise en compte de l’accidentologie dans le calcul de la prime d’équipe au courrier incite les postiers à ne pas déclarer les accidents pour ne pas pénaliser financièrement leurs collègues.
D’aucuns savent que le déni de la réalité n’a jamais été une attitude saine et constructive : le mal-être au travail n’est pas un mythe à La Poste mais il est bel et bien une réalité…
III) - FO espère ardemment que la commission Kaspar soit suffisamment libre, indépendante et courageuse pour faire remonter les vrais problèmes dans le cadre du diagnostic qu’elle aura à élaborer et pour, ensuite, faire des préconisations dignes de ce nom. Ces préconisations doivent être à la hauteur du mal-être ressenti par les postiers, en tant qu’acteurs de l’entreprise et de leurs espérances axées sur le respect et la considération en tant qu’hommes.
FO entend s’impliquer activement sur ce chantier, avec de nombreuses propositions… Au demeurant, notre syndicat saura prendre ses responsabilités en cas de « faux espoir » entretenus.
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