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25 / 03 / 2013 | 2 vues
Ghislaine Peneaut / Membre
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Préserver les prérogatives du CHSCT dans le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi

La montée en puissance des CHSCT est un constat unanime des acteurs et des observateurs du monde du travail. Les questions de santé au travail et de conditions de travail sont devenues centrales dans le dialogue dans l’entreprise. L’accord interprofessionnel du 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi a pour ambition de renforcer ce dialogue au travers de la place de la négociation et de la consultation des institutions représentatives du personnel (IRP). Nous nous inscrivons dans cette dynamique.

  • Des risques sur leur fonctionnement

Concernant les CHSCT, le projet de loi soulève des risques spécifiques sur leur fonctionnement et sur les moyens dont ils disposent pour remplir leur mission de prévention des risques professionnels.

Syndex souhaite porter publiquement ses convictions dans le débat social, en complément des actions menées auprès des législateurs afin d’améliorer le texte législatif.

  • La question des CHSCT locaux

La création d’une instance de coordination, occasionnelle, dans la consultation sur des projets communs à plusieurs CHSCT, (projets importants modifiant les conditions de travail et projets de restructuration et de compression d’effectifs) pose la question de la place des CHSCT locaux. Le débat sur ce point est avant tout une prérogative des organisations syndicales.

Sur ce plan, une articulation plus respectueuse des prérogatives des CHSCT, dans l’esprit de celle qui existe entre les CCE et les comités d’établissement lors des restructurations, est désormais prise en compte dans le projet de loi par rapport à l’avant-projet : seul un accord d’entreprise peut prévoir que la consultation de l’instance de coordination se substitue aux consultations des CHSCT locaux.

Nous insistons sur quatre points :


1- Depuis plusieurs années l’articulation entre le CE et le CHSCT est un facteur essentiel de l’efficacité des représentants du personnel, notamment dans les situations de restructuration. De plus en plus fréquemment les CE, consultés sur une réorganisation, en particulier celles qui s’accompagnent d’un PSE, demandent au CHSCT de conduire une analyse de l’impact de l’organisation que l’employeur met en place sur les conditions de travail des salariés qui restent en poste ainsi que sur les enjeux de santé et de sécurité. Ils suspendent leur avis aux conclusions émises par le CHSCT. Cette articulation apporte au CE un éclairage essentiel dans son appréciation des enjeux d’emplois.

  • Le projet de loi affaiblit l'articulation CE-CHSCT

Si la consultation du CHSCT sur les PSE est désormais explicitement actée, certaines dispositions du projet de loi affaiblissent l’articulation du CE et du CHSCT, en calant la consultation du CHSCT dans les mêmes délais que ceux du CE. De ce fait, la coordination entre les deux instances est limitée jusqu’à la rendre impossible. Au final, c’est la défense simultanée de l’emploi et des conditions de travail qui se trouve affaiblie, d’autant plus qu’à l’expiration des délais, les instances, CE comme CHSCT, seront réputées avoir été consultées.

 

2- Le recours à l’expertise est un moyen dont disposent les CHSCT pour instruire les enjeux d’un projet de compression d’effectifs. La procédure d’agrément des experts, récemment redéfinie et validée par les partenaires sociaux, encadre leur travail. Le projet de loi vient la contredire, notamment en réduisant les délais de réalisation des expertises, ce qui a pour effet d’amputer la phase préalable nécessaire d’instruction de la demande des représentants du personnel et de choix des terrains d’investigations explicitement décrite dans les critères d’agrément.

  • L'expert s'appuie sur l'analyse du travail concret

Les travaux  de l’expert valent, certes parce qu’ils s’appuient  sur un corpus de connaissances de l’homme au travail,  mais aussi parce qu’ils sont enracinés sur une analyse du travail concret. La production de cette analyse nécessite des enquêtes de terrain qui impliquent un temps incompressible. C’est ce temps qui fera défaut demain et réduira l’analyse de l’expert à une analyse « hors-sol » donc sans effet utile pour les élus du CHSCT dans l’avis qu’ils devront rendre.

Dans les situations de compressions d’effectifs, le projet de loi, en fixant la date de remise du rapport de l’expert, acte de fait le démarrage de ce délai dès la désignation de l’expert soit lors de la première réunion de l’Instance, notamment dans les PSE inférieurs à cent suppressions de postes. L’application de la procédure et des délais inscrits dans le projet de loi peut conduire, dans ce cas, à réaliser une expertise en neuf jours ! Par ailleurs, il faut relever que l’indicateur du nombre de licenciements qui détermine la durée de la consultation du CE ne peut être un indicateur suffisant pour un CHSCT faisant appel à un expert. Dans les projets qui concernent plusieurs établissements, c’est aussi leur nombre qui est significatif.

  • Eviter l'affaiblissement de la mission CHSCT

La compression des délais d’expertise CHSCT, la désignation de l’expert lors de la première réunion de l’Instance, la consultation réputée acquise du CHSCT à l’expiration du délai  fixé affectent les actions de prévention des risques que l’expert met en débat au sein du CHSCT, et affaiblissent au final la mission dévolue au CHSCT dans le processus engagé.

  • Début de l'expertise : valider la jurisprudence

3- Concernant les autres projets, les délais d’expertise sont actuellement de trente à quarante-cinq jours. La réglementation actuelle ne précise pas, pour ces projets, la date de démarrage du délai. Nous avons toujours défendu l’idée que l’expertise ne peut commencer qu’à compter du moment où l’expert a les moyens de mener ses travaux et que le CHSCT doit pouvoir disposer des informations suffisantes pour donner son avis. La jurisprudence que nous avons largement contribué à construire, tend à valider ce point de vue. L’expérience montre que les dérapages sont très exceptionnels et sanctionnés par le Juge lorsqu’ils ne sont pas justifiés.

L’identification dans l’article L. 4614-12, d’un motif spécifique de recours à l’expert CHSCT dans les projets de restructurations avec réductions d’effectifs, distinct des autres projets, était prévue dans l’avant-projet de loi. Elle n’a pas été reprise dans le projet de loi. Cela ouvre un risque que les dispositions particulières relatives aux expertises sur les restructurations avec PSE soient à terme élargies à l’ensemble des projets sur lesquels les CHSCT sont informés et consultés. Le Parlement devra y être attentif.

  • Renforcer l'instance et son utilité

4- Les questions de santé et de conditions de travail doivent trouver toute leur place dans les procédures d’information-consultation des CHSCT, sous peine de nier le rôle de l’instance.
Pour construire leur avis sur les projets qui leur sont présentés par l’employeur, les CHSCT doivent être consultés sur la base de documents qui décrivent l’impact de leur mise en œuvre sur les conditions de travail et la santé des salariés. C’est aujourd’hui rarement le cas. Une information insuffisante, dans des délais contraints, dégrade encore plus le travail du CHSCT. Le projet de loi ne doit pas rester silencieux sur ces questions, car elles sont structurantes de la reconnaissance de l’instance et de son utilité dans la prévention des risques.

  • Donner du temps aux instances

Dans les semaines à venir, le texte adopté au Conseil des ministres du 6 mars dernier va entrer dans sa phase législative. Notre cabinet continuera à agir, pour renforcer les prérogatives des CHSCT au plus près du travail réel, ainsi que leur capacité à bénéficier d’expertises leur permettant d’émettre un avis éclairé sur tous les projets présentés par l’employeur.

Il nous paraît nécessaire que le travail législatif redonne du temps aux instances pour se coordonner, réaffirme la capacité des CHSCT à émettre un avis sur la base de documents spécifiques adaptés à leur mission, sécurise des délais suffisants à l’expert pour apporter au CHSCT un examen solide des enjeux de travail et de santé, notamment dans les PME où le rapport de forces est souvent plus difficile à construire.

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Camus disait de Sartre : "il a les mains pures mais il n'a pas de mains". Votre article très intéressant est plein de bonnes intentions que nous partageons tous, mais quand on lit le texte de loi (en ligne depuis le 5 mars) on se demande si on est sur la même planète : art L4616-5, p 24 : un chef d'entreprise peut supprimer les CHSCT au profit d'un comité théodule, par simple accord d'entreprise. Art 4616-2, p23 : les CHSCT sont remplacés (pour la prévention et l'expertise de tout ce qui touche à plus d'un établissement) par un comité interdisciplinaire patronal - cet article abroge de fait les L4613-1 et 2 dans ce cas. Art L4616-3 p 23 et art L4614-12 p 53 : le délai de réalisation d'une expertise est limité à... 9 jours dans 90% des cas (= le cas des réorganisations avec moins de 100 licenciements) ; évidemment il faut lire le reste de la loi et savoir faire une addition pour comprendre le résultat, mais on peut penser qu'un expert l'aura déjà fait. On pourrait continuer longtemps cette lecture bien plus instructive que les beaux discours. Une loi est une loi, c'est pas les bonnes intentions qui s'appliqueront et il sera un peu tard pour jurer "honteux et confus qu'on ne nous y reprendra plus".