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07 / 04 / 2016 | 6 vues
Jean-Claude Delgenes / Abonné
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Négocier la qualité de vie au travail : passons aux travaux pratiques !

Selon le Code du travail, l’obligation générale de santé et de sécurité s’impose aux employeurs. Malgré un infléchissement apporté le 25 novembre dernier par la chambre sociale de la Cour de cassation, consistant à limiter la portée de cette obligation en la ramenant à une obligation de moyens renforcés, la responsabilité civile et pénale du chef d’entreprise ou des cadres dirigeants peut être mise en cause en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Ce genre de mésaventure coûte alors fort cher à l’entreprise et dégrade non seulement son image mais aussi la carrière de ses dirigeants.

Cette obligation de préservation de la santé et la sécurité des salariés impose donc la mise en place d’une prévention des risques. A minima, il s’agira alors d’établir le document unique d’évaluation des risques professionnels (DU), au mieux l’entreprise s’appuiera sur un accord contraignant en la matière.

L’acte I de la prévention : quel bilan ?

Cela fait bientôt vingt ans que la France se bat avec ces questions de prévention sans que les avancées théoriques puis réglementaires ne transforment réellement les conditions de travail dans les entreprises.

Entre 2001 (mise en place du document unique d’évaluation des risques) et 2007-2009 (crises suicidaires chez Renault et chez France Télécom), la prévention des risques professionnels (notamment des risques psychosociaux) s’est invitée dans le champ de la santé au travail. À partir de 2010, le second plan « santé au travail » et l’apport des différents rapports (Nasse-Légeron en mars 2008 ou Lachman-Larose-Pénicaud en février 2010) ont cherché à faire des RPS un objet de dialogue social. De leur côté, les CHSCT ont gagné en compétences et en maturité sur ces questions. L’accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail en 2013 et la loi Rebsamen en instituant une négociation annuelle obligatoire sur la qualité de vie au travail et l’égalité hommes-femmes ont clos cette période. Pourtant, le bilan de cet « acte I » de la prévention n’a pas été encore formellement tiré.

Nous disposons désormais d’outils, d’études, de diverses réglementations et d’expérimentations ayant permis d’acquérir une connaissance approfondie de la qualité de vie au travail. Mais tous ces outils et méthodes ne valent que s’ils sont mis en œuvre. En d’autres termes,  encore faut-il que la qualité de vie au travail s’inscrive de manière durable dans les politiques RH et dans la vie de l’entreprise. Or, à ce jour, peu d’entreprises se sont pleinement engagées dans cette voie.

Cette logique pousse à agir vite de manière à se protéger du risque juridique plus qu’à tenter réellement d’améliorer les conditions de travail.
Comment est-il possible désormais de tirer les enseignements de ce passé proche afin d’éviter les errements préjudiciables à la prévention ? Car, à côté des avancées en matière de connaissance, la confusion s’est aussi instaurée dans les pratiques déployées dans les entreprises en matière de prévention des risques psychosociaux. Elle résulte, pourrait-on dire, autant de « l’offre » que de la « demande ».

En cas d’accident, la réglementation sur la santé et la sécurité pousse l’employeur à démontrer qu’il a satisfait à son obligation de résultat (ou à son obligation de moyens renforcés si la jurisprudence de la Cour de cassation devait se confirmer). Pour cela et avant tout chose, il devra prouver qu’il a bien respecté la loi et qu’il a mis en place des démarches de prévention des risques psychosociaux respectant la législation. Cette logique le pousse à agir vite de manière à se protéger du risque juridique plus qu’à tenter réellement d’améliorer les conditions de travail.

Cette « demande » de sécurisation rencontre alors une « offre » d’intervention de la part de cabinets privés. Ces démarches sont souvent cosmétiques et prioritairement axées sur des facteurs individuels de prévention. On privilégie principalement la formation des managers et des salariés. Ainsi, ce sont les mêmes typologies de formation managériale « gestion du stress » ou encore « gestion du stress et du changement » que l’on retrouve un peu partout. Avec l’ambition de développer les capacités individuelles à mieux supporter le stress... Il s’agit donc de changer les comportements et non l’organisation du travail en poursuivant l’objectif de montrer que l’entreprise est en règle avec ses obligations de prévention. On est loin de l’amélioration de la qualité de vie au travail !

Pourtant, même juridiquement, ces démarches ne prouvent rien. À côté des questions sur leur efficacité et leur coût, ces méthodes sont désormais jugées insuffisantes et irrespectueuses de la réglementation. Elles sont donc mises à l’index par les inspections du travail  et les juges les sanctionnent régulièrement en cas d’accident du travail. En effet, ces programmes de formation correspondent à une mesure de protection des salariés relevant de la prévention secondaire. Toutefois, une formation ne peut jamais être une fin en soi. Aussi, cette démarche de protection secondaire ne peut être considérée à elle seule comme une prévention suffisante.

Une démarche adaptée de prévention consiste à éviter de connaître des situations de stress ou, au moins, à en limiter la fréquence. Une bonne réponse à la problématique des RPS doit au contraire donner toute sa place à la prévention primaire qui, elle, consiste à éviter le risque. Seule la mise en place d’une telle mesure de prévention est de nature à répondre aux exigences d’application des principes généraux de prévention tels qu’ils sont posés à l’article L.4121-2 du Code du travail : éviter les risques, évaluer ceux qui ne peuvent pas être évités, les combattre à la source et enfin adapter le travail à l’individu.

La mise en œuvre d’une mesure de prévention en matière de risques psycho-sociaux doit donc questionner les processus de travail mis en œuvre au sein de l’entreprise. Elle doit nécessairement passer par le recueil d’indicateurs pertinents en la matière et présenter une collective (voir plus bas).

L’acte II de la prévention : passer aux travaux pratiques


Telle est aujourd’hui la situation dans laquelle se trouve la plupart des entreprises françaises : d’un côté un discours riche de connaissances en matière de prévention ; de l’autre, une pratique centrée essentiellement sur la protection juridique de l’employeur. Ce paradoxe n’est pas durable. D’autant moins que les expérimentations contenues dans l’accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail de 2013 ont été reprises dans la loi Rebsamen d’août 2015 qui crée une nouvelle obligation pour les entreprises.

Depuis le 1er janvier 2016, les entreprises sont tenues de combler leur retard en matière de prévention des risques psycho-sociaux en négociant avec les représentants des salariés des accords de qualité de vie au travail et d’égalité professionnelle hommes/femmes. Cette négociation annuelle peut cependant être portée à trois ans suite à la signature d’un accord majoritaire. Quoi qu’il en soit, l’ambition du législateur est de pousser enfin les entreprises aux travaux pratiques en matière de qualité de vie au travail de manière récurrente.

La négociation de tels accords de qualité de vie au travail va obliger les parties prenantes de la prévention dans l’entreprise à une réflexion régulière et cela annuellement. Une grande vigilance sera indispensable pour éviter de passer à côté d’une telle opportunité. Le changement est à portée d’accord ! Si bien sûr les partenaires sociaux ne se laissent pas déposséder d’un questionnement sur le travail réel. C’est-à-dire sur le quotidien des salariés et ce qui fait sens pour eux. Les partenaires sociaux s’ils veulent éviter à nouveau des accords « vitrines » devront ancrer leur exigence de changement dans une action récurrente et pluriannuelle.

C’est ici que prend toute sa place la question des indicateurs qui seront retenus pour appréhender l’activité, les risques psychosociaux et, finalement, pour négocier la qualité de vie au travail (voir tableau ci-dessous).

Il convient de construire des indicateurs collectifs tels qu’ils sont préconisés par l’INRS et de prendre comme point de départ l’identification  des éventuels signes de mal-être au sein de l’entreprise ou de l’organisme concerné. L’objectif n’est pas d’édulcorer la réalité des relations de travail mais de la transformer. C’est pour cela qu’il est indispensable de suivre dans le temps l’évolution de ces indicateurs. Le cas échéant, l’entreprise pourra se faire assister par un « tiers préventeur » capable de mener un diagnostic précis et partagé en impliquant l’ensemble des parties : dirigeants, représentants du personnel, médecine du travail, assistante sociale etc.

C’est pour satisfaire à cette exigence que Technologia a conçu un logiciel d’analyse et de pilotage de la qualité de vie au travail. Appuyé sur 25 ans d’expériences, notre méthode d’évaluation sociale permet d’éviter les faux-semblants et de se doter des moyens techniques d’un dialogue social renforcé et fructueux. Car c’est bien l’objectif du dialogue social dans le cadre de ces négociations sur la qualité de vie au travail : se donner les moyens de transformer les situations de travail en partant du principe que la prévention sera toujours un investissement rentable pour l’employeur et épanouissant pour les salariés.

INDICATEURS LIES AU FONCTIONNEMENT DE L’ENTREPRISE

1- Temps de travai
l
1-1 Absentéisme
1-1-1    répartition des journées d’absence par
•    Maladie
•    Accident de travail ou de trajet
1-1-2    Nombre moyen de jours d’absence
(nombre total de jours d’absence/effectif moyen)
1-1-3 absentéisme du vendredi, du lundi, du mercredi pendant les vacances scolaires
1-2 Durée annuelle du travail
1-2-1 Nombre de jours travaillés par salarié
1-2-2 Nombre moyen de jours de congés pris
(total des jours de congés pris pour l’ensemble des salariés dans l’année/effectif moyen mensuel
1-3 Horaires atypiques

2- Mouvements du personnel
2-1 Taux de rotation
Taux de rotation = somme des taux d’entrées et de sorties /2 avec
•    Taux d’entrées = (nombre de recrutements de l’année divisé par les effectifs totaux de l’année) x100
•    Taux de sorties= (nombre de départs de l’année divisé par les effectifs du début de  l’année) x100
2-2 Solde départs/embauches par an
2-3 Causes des départs
2-3-1 Démissions
2-3-2 Licenciements
2-3-3 Départs en cours de période d’essai
2-3-4 Départs en retraite
2-3-5 Mutations
2-3-6 Invalidité/décès
2-4 Nombre de travailleurs extérieurs ou temporaires (entreprises extérieure, intérimaires, stagiaires)
2-5 Postes non pourvus

3- Activité de l’entreprise
3-1 Productivité
3-2 Qualité des produits et services

4- Relations sociales dans l’entreprise
4-1 Représentation du personnel
4-2 Information et communication internes
4-2-1 Nature et périodicité des réunions d’information ascendante et descendante
4-2-2 Organisation du système des entretiens annuel
4-2-3 Procédure d’accueil des nouveaux embauchés
4-3 Procédures judiciaires en cours
4-4 Grèves
4-5 Actes de malveillance identifiés
4- Actes de violence au travail
4-7 Nombre de sanctions disciplinaires
4-8 Plans sociaux
4-9 Changement de structure de l’entreprise
Existence de projets de rachats, fusion, redéploiement, restructuration ou développement très rapide

5- Formation et rémunération
5-1 % de salariés dont le salaire dépend en tout ou en partie du rendement individuel
5-2 % de salariés dont le salaire dépend en tout ou en partie du rendement collectif
5-3 Formation professionnelle
6- Organisation de travail
6-1 Gestion de la production
6-2 Pauses
6-3 Contrôle du travail
6-4 Tâches entrecoupés

Indicateurs liés à la santé et à la sécurité
1- Accident de travail
1-1 Fréquence et gravité des accidents de travail
1-1-1 Nombre avec arrêt
1-1-2 Nombre de journées perdues
1-1-3 Durée moyenne d’arrêt
1-1-4 Taux de fréquence
1-1-5 Taux de gravité
1-2 Accidents du travail bénins
1-3 Cause des accidents du travail
1-3-1 Liés à des risques graves
1-3-2 Liés à des chutes de dénivellation
1-3-3 Occasionnés par des machines
1-3-4 Accidents de circulation, manutention, stockage
1-3-5 Occasionnées par des objets de masses

2- Maladies professionnelles
2-1 TMS déclarés
2-2 TMS reconnus
2-3 Maladies à caractère professionnel
2-4 Maladies reconnues en CRRMP

3- Situations graves
3-1 Suicides ou tentatives de suicides
3-2 Suicides ou tentatives de suicides attribués par des collègues et/ou la famille à la situation de travail
3-3 Harcèlement moral ou sexuel reconnu par la justice
3-4 Violence physique d’origine interne
3-5 Violence physique d’origine externe

4- Situations dégradées
4-1 Plaintes de harcèlement moral ou sexuel déposées aux instances judiciaires
4-2 Violence verbale, destruction de matériel d’origine interne
4-3 Violence verbale d’origine externe

5- Stress chronique

5-1 Symptômes physiques
5-1-1 Migraines et maux de tête
5-1-2 Troubles du sommeil
5-1-3 Symptômes digestifs
5-1-4 Malaise sur le lieu de travail
5-2 Symptômes émotionnelles
5-2-1 Crise de nerfs ou crise de larmes sur le lieu de travail
5-2-2 Sentiments de mal être ou souffrance attribués au travail
5-3 Recours à des substances psycho-actives
5-3-1 Consommation de médicaments psycho-actifs
5-3-2 Conduites addictives

6- Pathologies diagnostiquées et prises en charge
7- Activité du service santé au travail
7-1 Passage à l’infirmerie
7-2 Nombres de visites
7-3 Inaptitudes totales ou partielles
7-4 Orientations médicales
7-5 Demandes d’aménagement de postes
7-6 Durée moyenne des consultations

 

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Merci Jean Claude d'avoir bien posé le problème pour une ambition de prévention primaire pilotée entre les parties prenantes. Je vois avec plaisir que Technologia a embrassé le pilotage objectif et je m'en rejouis. Nous sommes au moins déjà 2 à le proposer et pour ton info l'IBET est sollicité pour ce pilotage des accords QVT. Tu en entendras parler au fur et à mesure et plus nous serons d'acteurs à déployer cette démarche, mieux c'est. C'est quand même autre chose que l'ambition initiale de la FIRPS ;-))) sur la prévention tertiaire et le risque lourd. bien à toi Victor