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12 / 11 / 2010 | 132 vues
Philippe Leclercq / Membre
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Crédit à la consommation : la nouvelle loi n'apporte rien, mais l'ancienne, si !

Encore une nouvelle loi va voir le jour, et Christine Lagarde s'en félicite !
Mais cette loi n'apporte rien : c'est un cautère sur une jambe de bois !
 
Détaillons...
  • Réduction de la durée des plans de surendettement de 10 à 8 ans. La Banque de France dispose de 3 mois (au lieu de 6) pour décider de l'orientation des dossiers de surendettement. Abaissement de 8 à 5 ans des délais d'inscription au fichier FICP, qui recense les personnes concernées par le surendettement.
  • Les expulsions de logement pourront être suspendues sur décision du juge.

Ben voyons... Et le consommateur surendetté a-t-il son mot à dire ? D'autant que ces « mesures » ne sont rien :

  • la réduction de durée du plan de surendettement va augmenter les montants mensuels de remboursement, qui sont déjà très élevés ;
  • la Banque de France décide de l'orientation des dossiers, mais toujours sans véritable considération sociale, économique ou juridique : juste un ragers « moral » ;
  • le fichage FICP voit sa durée abaissée : ainsi, les organismes de crédit pourront de nouveau et un peu plus tôt fourguer à 18% ;
  • le JEX est déjà compétent en matière d'expulsion, et, heureusement, il n'a en général pas la main trop lourde.

Mais bien d'autres choses, et des plus dérangeantes, sont passées sous silence.

Parlons d'abord des délais de paiement, en cas de difficultés : chômage, maladie, divorce…
Contrairement à ce que disent beaucoup d'organismes de crédit, la loi a prévu ces cas, et le juge peut accorder, en application de l'article L313-12 du Code de la Consommation, une suspension de paiements, sans intérêts, allant jusqu'à deux ans. Et le créancier n'aura rien à dire et ne pourra pas ficher le débiteur ainsi protégé.

Crédits-revolving


Allons faire un tour du côté des crédits-revolving, ou réserves d'argent, enfin, des crédits par découvert en compte, renouvelables et utilisables par fraction.

Ces crédits sont très intéressants : les prêteurs ne respectent pas la loi et il est donc assez facile d'obtenir des tribunaux les sanctions prévues.

D'abord, l'augmentation de plafond : à la souscription de ces crédits, le prêteur distingue entre découvert utilisable, et découvert accordé. Par exemple, 1 000 € disponibles tout de suite, mais 10 000 € « accordés » pour… plus tard.

Or, une telle clause est considérée comme abusive, et donc non écrite (Commission des Clauses Abusives, 27 mai 2004, avis n° 04-02).

Il ressort donc de cette considération que chaque augmentation de plafond d'utilisation du crédit, même à l'intérieur de « l'autorisation » initiale, doit s'accompagner d'une nouvelle offre préalable porteuse d'un bordereau de rétractation. Et, dans la plupart des cas, les sociétés de crédit se contentent d'un simple « avenant », qui n'a aucune valeur légale.

Il y a deux sanctions réservées à cette infraction : la première, c'est la forclusion. La loi considère en effet qu'une augmentation de plafond sans nouvelle offre préalable fait courir un délai de deux ans, à dater de cette augmentation, à l'issue desquels le créancier ne peut plus rien tenter pour se faire payer : c'est le délai biennal de forclusion (L311-37 du Code de la Consommation).

  • Il suffit de soulever ce point devant le juge pour n'avoir plus rien à payer ! Précisons qu'environ un dossier de crédit-revolving sur deux est concerné…

La seconde, c'est la déchéance du droit aux intérêts : le prêteur a, en augmentant le plafond du crédit sans émettre de nouvelle offre préalable, contrevenu aux dispositions des articles L311-8, L311-9 et L311-33 du Code de la Consommation, permettant ainsi la pleine application de l'article L311-33 du même code, qui prévoit la déchéance du droit aux intérêts.

En pratique, cela signifie que le prêteur devra rembourser les intérêts perçus. Ainsi, pour un crédit-revolving âgé de quelques années, non seulement l'emprunteur ne devra plus rien, mais il pourra toucher en sus un chèque d'un montant non-négligeable : 51 015 000 €…

Autre cause de déchéance du droit aux intérêts dans le cadre d'un crédit-revolving, l'information annuelle de l'emprunteur : tous les ans, trois mois avant la date anniversaire du contrat, l'emprunteur doit recevoir un formulaire d'information, reprenant les éléments du crédit, signalant les éventuelles modifications de ses conditions particulières, et comportant un bordereau détachable permettant à l'emprunteur de ne pas renouveler le contrat (L311-9 du Code de la Consommation).

  • Les tribunaux considèrent que la simple mention de ces éléments sur un relevé mensuel n'est pas suffisante, et que le créancier doit envoyer à l'emprunteur un document spécifique. Sanction : déchéance du droit aux intérêts.

Crédits à la consommation

Passons aux crédits à la consommation, c'est-à-dire tous les autres, inférieurs à 21 500 €. Là aussi, les prêteurs sont souvent dans l'illégalité, notamment en ce qui concerne les conditions de forme de l'offre préalable. Et donc, là aussi, s'applique l'article L311-33 du Code de la Consommation : déchéance du droit aux intérêts !

Pour toutes ces infractions, une autre disposition peut être soulevée : les obligations définies par le Code de la Consommation sont d'ordre public. Et nul ne peut y déroger, sauf nullité du contrat, en application de l'article 6 du Code civil.

Qu'est-ce que la nullité du contrat ? Chacun des co-contractants doit être remis dans la position qui serait la sienne s'il n'avait pas contracté.

En pratique, dans le cas d'un contrat de crédit :

  • l'emprunteur rembourse le capital emprunté, et seulement celui-ci ;
  • le prêteur rembourse les intérêts perçus depuis l'origine du contrat.

À titre d'exemple, un jugement récent du tribunal de Charenton-le-Pont a ainsi condamné la société Sofinco à rembourser 9 000 € à un consommateur. Lequel consommateur a touché son chèque quelques jours après l'audience !

Comment savoir si vous êtes concerné ?

 

Pour chacun de vos dossiers de crédit-revolving, regardez si une augmentation de plafond vous a été accordée. Si c'était il y a plus de deux ans, vous ne devez plus rien. Sinon, vous pouvez au moins vous faire rembourser les intérêts payés.

Pour les prêts à la consommation, il vous faut calculer le total des sommes payées depuis l'origine, afin de savoir, si le contrat n'est pas régulier, quelle sera la situation : devrez-vous encore quelque chose au prêteur, ou celui-ci deviendra-t-il votre débiteur ? Une action en justice est-elle judicieuse ?

  • Pratiquement, environ deux dossiers sur trois sont dans l'illégalité…


Mais une action en justice, c'est long, et ça coûte cher.
Mais non ! Ce sont là deux idées reçues.

Toutes les actions relatives aux crédits à la consommation, et aux crédits immobiliers (dans le cadre d'une demande de délai) sont recevables devant le Tribunal d'Instance de votre domicile (et pas celui du siège social du prêteur, comme on le dit souvent : l'article L141-5 du Code de la Consommation permet au consommateur d'assigner au T.I. de son domicile !).

Devant le Tribunal d'Instance, pas besoin d'avocat : on peut plaider soi-même, avec l'aide d'une association de consommateurs, par exemple…

Et ça n'est pas très long, un à deux mois, pas plus, pour obtenir une date d'audience.
Environ 80 € d'honoraires d'huissier, pour faire signifier l'assignation, et un peu moins de 200 € pour obtenir tous les documents nécessaires à votre défense, c'est ce que propose l'association Cosmagora, qui suivra votre dossier de bout en bout.

Il est donc urgent, pour tous les titulaires de contrats de crédit, de se poser la question : dois-je encore quelque chose, et combien ?

Et ce, même si un dossier de surendettement a été soumis à la Banque de France. La commission de surendettement, en effet, ne vérifie pas les créances, et se contente d'une déclaration des créanciers. Mais aurez-vous besoin d'un plan de surendettement si votre dette se retrouve réduite de 50%, voire davantage, après votre recours en justice ?

Parlons aussi des officines de recouvrement et autres huissiers : méfiance !

Entre les sommes fantaisistes, les sociétés de rachat de créances qui tentent de vous faire payer une dette forclose, et tous ceux qui vous menacent sans même détenir un titre exécutoire, ne vous laissez pas avoir ! Dans ce cas, une seule tactique : n'écrivez rien, ne signez rien, ne payez rien. Et, en cas d'injonction de payer, faites opposition immédiatement ! C'est une excellente occasion de rencontrer votre créancier devant la justice, et de faire respecter vos droits.

Enfin, dans bien des cas, en attendant une décision de justice, il existe une arme contre les créanciers : l'exception d'inexécution.
Simplement signifiée par lettre recommandée, elle vous permet de contester un contrat de crédit, et d'arrêter tout paiement. À manier avec précaution, certes, mais dans bien des cas, elle permet d'attendre en empêchant au créancier toute initiative fâcheuse…

L'endettement des ménages, voire le surendettement, ne sont pas si critiques que ça, si l'on considère que près d'un contrat de crédit sur deux, délinquant aux obligations du Code de la Consommation, encourt la nullité, la déchéance du droit aux intérêts, la forclusion…
Ce n'est pas une réforme qu'il faut mais une simple application de la loi. Bien sûr, la Banque y est hostile. Mais enfin, les tribunaux ne s'y trompent pas, n'hésitant pas à condamner ces créanciers indélicats.


Il suffit de le leur demander.

Emptor debet esse curiosis…

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« Ce n’est jamais que la onzième réforme sur le sujet en vingt ans. Ce qui n’a empêché en rien le doublement des dossiers de surendettement, ni la progression quasi exponentielle du crédit revolving maintenant couramment utilisé par un tiers des ménages français ». Extrait de, La tyrannie du marketing, éditions ere, 2010 (En vente dans toutes les librairies de France, Belgique et Suisse).