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Rebâtir un service public de l’enseignement supérieur
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a présenté son avis « Investir dans l’avenir : rebâtir un service public de l’enseignement supérieur ». ll appelle à un contrôle renforcé des établissements privés à but lucratif
L'enseignement supérieur en France a évolué vers une plus grande autonomie des universités. Il est aujourd’hui confronté à des défis majeurs, notamment un financement insuffisant, une accumulation de missions sans hiérarchisation claires, et des inégalités croissantes entre les établissements et les étudiants.
Alors que le Gouvernement présente un projet de loi sur la modernisation et la régulation de l'enseignement supérieur, le CESE s’est saisi du sujet, afin d’y apporter les préconisations de la société civile organisée, appelant notamment à des réformes structurelles pour améliorer l'équité, la qualité et l'efficacité du système éducatif.
Cet avis, élaboré par Kenza Occansey Vice-Président du CESE et membre du groupe des Organisations étudiantes et des mouvements de jeunesse ainsi que président du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant a été adopté en séance plénière le 9 juillet.
Que retenir des réflexions et propositions du CESE?
L’enseignement supérieur en France fait aujourd’hui face à des défis structurels et financiers majeurs qui l’empêchent de remplir pleinement ses missions de service public. Les fractures sociales, territoriales et institutionnelles fragilisent l’accès à l’enseignement supérieur. Parallèlement, plusieurs alertes récentes ont mis en évidence les dérives de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, en soulignant notamment une qualité d’enseignement inégale et un modèle souvent orienté vers la rentabilité au détriment de l’intérêt pédagogique. Des faits préoccupants alors que 26 % des étudiants français sont aujourd’hui inscrits dans le secteur privé.
À travers de multiples auditions et travaux préparatoires, le CESE dresse un constat clair. Il est urgent de repenser les politiques publiques afin de faire de l’enseignement supérieur une priorité nationale en garantissant un financement adéquat, une meilleure régulation du secteur privé, et une amélioration de l'équité et de la qualité de l'enseignement pour tous les étudiants. Car l’enseignement supérieur porte une responsabilité majeure : celle de former des citoyennes et citoyens capables de s’adapter, de comprendre, d’agir et de construire l’avenir.
Ainsi, l’avis établit 18 préconisations autour de quatre axes pour apporter des solutions concrètes et renforcer le système d’enseignement supérieur.
- Donner au service public de l’enseignement supérieur les moyens de préparer l’avenir et de remplir ses missions d’intérêt général
Le CESE préconise:
- de clarifier les missions de l’enseignement supérieur, son organisation et le rôle de chacun de ses acteurs, afin de mieux définir les priorités et les responsabilités, notamment par l’organisation d’un débat démocratique associant tous les acteurs et tous les publics pour redéfinir une nouvelle stratégie nationale de l’enseignement supérieur.
- de rehausser le niveau de financement en faveur de l’enseignement supérieur à 2 % du PIB par an (hors budget recherche). L’augmentation du financement public pour les universités doit correspondre à une augmentation d’un milliard par an sur 10 ans, dans le cadre d’un plan pluriannuel de financement.
L'une des mesures clés consiste à revaloriser et à répartir plus équitablement la subvention pour charge de service public, garantissant ainsi un financement durable des missions des établissements publics et une plus grande équité entre eux.
En outre, le CESE recommande la mise en place d’un cadre national de contractualisation entre l’État et les établissements, dans le but de simplifier les dispositifs existants et de renforcer la coordination et la coopération.
- Sortir de la logique de marché : renforcer le service public, réguler les concurrences et favoriser la coopération
Le CESE appelle à renforcer les contrôles de la DGCCRF afin de lutter contre les pratiques commerciales abusives dans les établissements privés. Des contrôles réguliers des formations inscrites sur Parcoursup sont nécessaires, pour en garantir la qualité pédagogique et la pertinence en matière d’insertion professionnelle.
Il préconise que les formations référencées sur Parcoursup qui ne conduisent pas à un diplôme d’État ou reconnu par l’État, fassent l’objet de contrôles périodiques des contenus pédagogiques, de l’accompagnement étudiant et de leur insertion professionnelle, sous l’autorité de l’État. Les formations contrevenant aux normes académiques ou pédagogiques de qualité attendues et les établissements faisant l’objet de sanctions liées à des « pratiques commerciales trompeuses », doivent être déréférencées de la plateforme.
Par ailleurs, le CESE propose que tout projet d’installation d’un établissement privé à but lucratif puisse faire l’objet d’un avis conforme préalable du rectorat, afin d’assurer une meilleure visibilité et cohérence de l’offre de formation.
Il invite aussi à repenser les appels à projets : ils devraient être définis de manière démocratique, avec l’implication de l’ensemble des acteurs concernés, et conçus pour encourager la coopération et l’innovation, afin de garantir une utilisation équitable et efficace des financements, sans compromettre les besoins fondamentaux des établissements.
- Renforcer les capacités d’action des établissements et des personnels
Le CESE appelle à lancer un plan pluriannuel d’investissement dans les ressources humaines, incluant la création de postes de titulaires et la titularisation des contractuels. Il est nécessaire de corriger les inégalités d’encadrement entre établissements, d’améliorer les conditions de travail et de garantir un accompagnement de qualité pour tous les étudiants.
Il propose également de mieux structurer et valoriser l’offre des universités en matière de formation continue, afin de la rendre plus visible, plus accessible, et mieux adaptée aux besoins du marché du travail. Afin de garantir la lisibilité, la reconnaissance et le financement de ces formations, le CESE recommande que, par principe, toutes les formations universitaires soient inscrites au RNCP, sauf exception justifiée.
Par ailleurs, il appelle à développer et généraliser les conseils de perfectionnement pour renforcer la préparation à l’insertion professionnelle des étudiants, en lien avec les dynamiques locales et les conseils nationaux sectoriels. Le CESE insiste sur la nécessité que l’État compense intégralement, à l’euro près, les mesures salariales et statutaires qu’il met en œuvre, y compris le Glissement Vieillesse Technicité (GVT), afin de garantir aux établissements les moyens de remplir leurs missions sans subir de charges financières supplémentaires.
- Ancrer davantage l’enseignement supérieur dans les territoires et en faire un levier de développement durable et de cohésion sociale
Le CESE préconise la mise en œuvre d’un vaste plan de rénovation du patrimoine immobilier universitaire, à hauteur de 15 milliards d’euros sur 20 ans. Ce plan vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments, à réduire les coûts de fonctionnement, et à offrir de meilleures conditions de travail et d’études. L’avis propose aussi de densifier le maillage territorial de l’enseignement supérieur en créant de nouvelles universités de proximité ou antennes universitaires dotées de moyens propres.
Enfin, il appelle à une réforme du système de bourses sur critères sociaux, avec une augmentation des montants, alignée sur le seuil de pauvreté, et la reconnaissance des étudiants comme public à besoins spécifiques. Cette réforme vise à assurer à tous des conditions de vie et d’études dignes, propices à la réussite académique et à l’insertion professionnelle.