Plan d’amélioration des performances du salarié : outil de harcèlement ou de licenciement ?
Le plan d’amélioration des performances est une pratique utilisée dans la société qui m’emploie depuis des années. Mes activités de syndicaliste et mes heures de délégation dérangent. Je suis élue au CSE, DS, conseillère du salarié et défenseur syndical (37 heures par mois). Alors depuis 2019, la direction a innové avec la mise en place d’une procédure d’amélioration de mes performances. J’en suis à mon troisième plan d’amélioration successif.
Tout a commencé par un entretien professionnel qui s'est conclu par une notation (chez nous de 1 à 5). On est très proche de la pratique du « ranking », remise en cause par la jurisprudence. Après plus de vingt ans dans l’entreprise, une mauvaise revue « sur mesure » des performances a entraîné ma mise sous plan d'amélioration.
Dans la société qui m’emploie, le plan d’amélioration des performances (PIP) est un document structuré. Pour moi, 20 points d’amélioration ont été énumérés.
- J'étais face à mon N+1 et à mon N+2. La réunion s'est déroulée en mode judiciaire et en anglais. Pendant une heure, les motifs d’insatisfaction se sont accumulés. L’échange était biaisé du fait de la langue et du dialogue impossible car non voulu par mes managers. Même si j'étais censée me justifier, la cause était entendue. Je suis cadre autonome mais on m'a traitée comme une enfant rebelle. Les propos ont été injurieux, on m'a traitée de menteuse, on m'a reproché de ne pas en faire assez voire pas du tout, mal et moins que les autres. De PIP en PIP, la liste de mes tâches s’est allongée. Curieuse manière d’accompagner une salariée qui n'est soi-disant pas performante.
Finalement, je suis ressortie de cette procédure laminée, épuisée et avec un fort sentiment d’incompétence professionnelle, d’incapacité et d’injustice. Le PIP est une sanction mais aussi un instrument de harcèlement moral efficace. Oui, cette procédure et cette méthode de gestion mises en œuvre par mon supérieur hiérarchique et sa répétition contribue à la dégradation de mes conditions de travail, porte atteinte à mes droits et à ma dignité, altère ma santé physique et mentale et remet en cause trente années d’expérience professionnelle et mon avenir professionnel.
Dans la littérature, le plan d'amélioration des performances est conçu pour faciliter les discussions constructives entre un membre du personnel et son superviseur afin de clarifier le travail exact devant être amélioré.
Il est mis en place à la discrétion du manager lorsqu'il devient nécessaire d'aider un membre du personnel à améliorer son rendement, de l'aider à atteindre le niveau de performance souhaité et de poser les bases de la réussite à long terme.
- Lorsque l’on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage. Le PIP est bien souvent utilisé pour justifier le licenciement d’un salarié pour insuffisance professionnelle ou pour le pousser au départ. Avec ce document, la direction construit artificiellement de prétendues insuffisances professionnelles en dévalorisant les performances du salarié et crée ainsi les motifs d’un licenciement sur la base des « insuffisances » constatées.
Avec une telle finalité, le PIP est un piège et un engrenage où tout est toujours faux, où l’activité réelle ne compte plus mais uniquement les métriques, la mesure et, surtout, la démesure. La mesure de l’efficacité du salarié doit reposer sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié à l’exclusion de toute cause imputable à sa santé, à l’entreprise ou à une conjoncture économique défavorable. Ce contexte est rarement pris en compte. Plus de subjectivité que d’objectivité...
Quid des ressources humaines dans tout cela ?
Agnès Hauenstein
- Organisation du travail
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia