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Ouvrons l'accès des salariés aux déclarations sociales nominatives
Si vous êtes gestionnaire de paie, vous connaissez la déclaration sociale nominative (DSN). Si vous êtes salarié, loin des enjeux paie des services de ressources humaines, vous ne la connaissez sans doute pas mais vous, elle vous connaît.
La DSN, une norme évoluant depuis 2013
La DSN est une norme de paie matérialisée par un fichier texte, produit à partir du logiciel de paie de votre entreprise. Ce fichier est le vecteur de communication des informations nécessaires à la gestion de la protection sociale des salariés, aux organismes et administrations concernés, permettant de remplacer l’ensemble des déclarations périodiques et diverses formalités administratives adressées jusqu’à aujourd’hui par les employeurs à une diversité d’acteurs (CPAM, URSSAF, AGIRC ARRCO, organismes complémentaires, Pôle Emploi, centre des impôts, caisses de régimes spéciaux etc.).
Ce fichier est transmis sur la plate-forme Net entreprise et les organismes y piochent l’information dont ils ont besoin. Ainsi, vos droits de salarié, en indemnités journalières, votre impôt, vos allocations chômage et vos droits à la retraite sont calculés. Pour la norme NEODES (qui décrit les règles de transmission de ces informations), le logiciel de paie produit ce fichier texte selon ses instructions, le transmet et les droits des salariés sont calculés par des organismes en mesure de le faire à partir des données recueillies. Bien que très souvent parfaite, la mécanique officielle masque les détails dans lequel le diable aime à se nicher.
Une norme ambitieuse
Avant de faire le bilan, précisons que nous étudions cette norme de paie depuis la phase 2 en 2015 auprès de PME et ETI essentiellement, sur des secteurs d’activité divers couverts par des éditeurs de paie très divers également. Nous pensons que la mise en place de cette norme unique dans un environnement aussi complexe que la paie française est une performance à saluer. Enfin, nous n'avons pas connaissance d’un autre pays au monde ayant institué un tel dispositif, ce qui fait de la France un précurseur. Pour conclure, nous défendons ce dispositif porteur de simplification et de transparence avec ferveur. Justement, la proposition ici portée au débat a pour objectif de regarder la qualité des DSN en face, en vue de sécuriser les intérêts de toutes les parties prenantes : les organismes de protection sociale, les entreprises et les salariés.
Comment la DSN est-elle vécue dans les entreprises ?
Après avoir formé de nombreux gestionnaires de paie, nous constatons qu’ils sont souvent désorientés relativement à la DSN et aux transmissions de données qu’ils opèrent par ce canal. En effet, la DSN est produite par le logiciel de paie sous un format texte dont les règles de constitution sont décrites dans une norme représentée par le cahier technique. Cette norme NEODES décrit le résultat du fichier texte aux éditeurs, charge à ces éditeurs de respecter la production de ce format. Force est de constater que les éditeurs n’ont pas tous la même réponse et le même niveau d’avancement dans les exigences de la norme.
La DSN est une retranscription de la paie, c’est-à-dire que le logiciel de paie conserve ses fonctionnalités originales pour produire la paie et ajoute souvent une couche pour répondre à la production de ce format. La retranscription est plus ou moins heureuse, sans doute en fonction de la compatibilité du logiciel avec l’écriture de cette norme. De ce fait, il est plus que courant de constater des écarts importants entre les informations exigées, l’information réellement transmise et l’information affichée dans le logiciel. À force de contrôles, il est permis de penser que les logiciels et les gestionnaires de paie finiront par réduire ces écarts. Il n’est pourtant pas si simple pour les gestionnaires de paie d'efficacement contrôler leurs DSN, à moins d’être équipés de logiciels spécialisés.
La difficulté à contrôler les DSN
Les gestionnaires de paie de PME sont souvent dépourvus pour correctement analyser leurs DSN parce que le format proposé n’est pas facilement lisible par leurs propres moyens. Il faut imaginer qu’un fichier DSN pour 30 salariés est un fichier de plus de 6 000 lignes (soit environ 200 lignes par salarié pour un mois) et que ces 200 lignes sont corrélées entre elles par une hiérarchie décrite par la norme, avec des codes informatiques comme par exemple le bloc S21.G00.30 individu, lequel est lié au bloc contrat S21.G00.40.
Pour faire simple, l’organisation du fichier et la forte technicité nécessaire à corréler les informations entre elles font que les gestionnaires de paie sont, pour la plupart, incapables de contrôler leurs DSN. Ils font donc très souvent une confiance aveugle à leur éditeur de paie, en omettant néanmoins que :
- l’entreprise reste responsable de ses déclarations,
- les salariés peuvent être les victimes collatérales de ces imprécisions.
Des informations mal retranscrites mais sans anomalies
Pour étayer nos propos d'exemples, évoquons les cas de ces entreprises qui, en étudiant lesdits fichiers texte DSN transmis, se sont aperçues qu’elles ne transmettaient pas le salaire brut de leurs salariés parfois depuis plusieurs années, ces heures rémunérées et d’absences ne correspondant pas aux informations exigées par la norme, ces temps de travail au contrat inexacts, ces salariés déclarés en agent de maîtrise quand ce sont des ouvriers… Sans pouvoir citer toutes les imprécisions rencontrées, il ressort que nous n'avons pas rencontré d'entreprise présentant des données DSN entièrement conformes et que les informations erronées qu’elles transmettent ne génèrent très souvent aucune alerte, ni anomalie. Tout se passe dans l’indifférence générale, tant pour l’entreprise que pour les organismes de protection sociale. Comme si personne ne s’en apercevait ou que tout le monde regardait ailleurs.
Une question se pose pourtant souvent : quelles conséquences ces manquements auront-ils sur les droits des salariés concernés, leurs indemnités journalières, leurs droits au chômage et leurs droits à la retraite ?
Avoir une vision d’ensemble des conséquences est complexe car les méthodes de calcul de nos droits ne sont pas toujours si simples. Que dire aussi des interactions des données entre elles. Si c’est déjà complexe aujourd’hui et que la mémoire est fraîche, qu’en sera-t-il alors dans trente ans, quand ledît salarié devra liquider sa retraite ?
Nous pourrions nous dire que les logiciels vont s’améliorer et que les gestionnaires de paie contrôleront mieux leurs déclarations. C’est certain. Mais qui mieux que le salarié peut finalement confronter l’historique enregistré par l’organisme à ses propres fiches de paie et à la situation qu’il connaît ?
Alors que l’on utilise ses données personnelles pour améliorer les services de l’État, optimiser le traitement des organismes de protection sociale et pour simplifier la vie des entreprises, pourquoi le salarié ne tirerait-il pas lui aussi bénéfice de cette information partagée ?
Pour un droit d'accès par salarié à son segment de DSN
C’est la raison pour laquelle, nous pensons que les organismes de protection sociale devraient mettre les informations DSN les concernant à la disposition des salariés, pour ainsi permettre un droit de regard à ces derniers sur le calcul de leurs droits. Il serait question de leur fournir une information lisible, avec un niveau de détail suffisant permettant une transparence rassurante aux plus avertis.
À terme, la machinerie numérique de la DSN sera une optimisation majeure pour les entreprises, les organismes de protection sociale et l’État. Il ne faudrait pas que cette optimisation puisse rogner les droits des salariés, sans leur laisser des voies de recours transparentes et accessibles.