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17 / 09 / 2019 | 476 vues
Eric Peres / Abonné
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Négociation sur le statut de l’encadrement : pour un nouveau contrat de confiance

L’article 8 de l’accord du 30 octobre 2015 sur les retraites complémentaires qui entérine la disparition de l’AGIRC comme régime de retraite complémentaire des cadres a prévu l’ouverture d’une négociation nationale interprofessionnelle sur la définition de l’encadrement avant le 1er janvier 2018. Cette négociation a débuté le 21 décembre 2017. Depuis cette date, la négociation est restée au point mort, le MEDEF ayant successivement annulé ses réunions. Lors de la séance de négociation du 29 mai, le MEDEF a précisé « ne pas avoir de mandat pour travailler à une définition interprofessionnelle de l’encadrement ». Pour FO-cadres, « c’est une occasion manquée au regard des attentes des cadres ; c’est aussi l’avenir de la négociation interprofessionnelle qui est ici posée ».
 

À la demande de l’ensemble des syndicats, les discussions ont repris avec un nouveau rendez-vous fixé au 20 septembre. Entre temps, trois groupes de travail se sont réunis pour consolider l’ensemble des propositions.

L’enjeu

L’objectif de la négociation est d’obtenir une définition générale du salarié cadre, quel que soit son secteur d’activité.

Pour nous, une définition des cadres sur des critères professionnels partagés par l’ensemble des branches professionnelles est un enjeu essentiel pour conforter leur rôle et leur place dans l’entreprise. La croissance numérique de cette population contribue à flouter les contours d’une catégorie professionnelle en perte de reconnaissance.

Que recouvre la fonction cadre ? Quelles sont les préoccupations professionnelles des cadres ? Quelle protection pour quelles missions ? Quels nouveaux droits ? Comment redonner du sens à leur travail ?
 

Pour apporter des réponses concrètes, FO-cadres a choisi de recueillir l’expression des cadres pour élaborer ses propositions syndicales. Pour cela, elle a donné la parole aux cadres via une consultation publique.
 

De nombreuses attentes et préoccupations se sont exprimées avec un constat général : le statut cadre tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est plus adapté aux évolutions du monde du travail et au besoin des entreprises de les fidéliser. De moins en moins associé à la réussite, à la reconnaissance et aux avantages catégoriels justifiés, il se résume plus fréquemment à un outil de flexibilité au sein de l’entreprise, avec pour corollaire une intensification du travail, des journées sans fin, un manque de reconnaissance et une rémunération minorée.
 

Pour nous, il est indispensable de rétablir un contrat de confiance entre les cadres et l’entreprise. Il faut impérativement rétablir l’équilibre entre la contribution et la rétribution, tout en restaurant le collectif là où prévaut l’individuel. Restaurer le rôle et la place des cadres est un défi que nous devons et pouvons relever par le dialogue social.
 

Une négociation en 3 étapes


Étape 1 : la définition de la figure du cadre
 

Pour nous, une identification des caractéristiques récurrentes identifiées par les conventions collectives, la jurisprudence et les pratiques d’entreprises laisse transparaître un faisceau d’indices constituant les fondations du statut actualisé. Six critères répartis en deux blocs peuvent servir de base à une définition interprofessionnelle des cadres.
 

Les critères de base
 

  • Le niveau de qualification : il est acquis par une formation initiale ou continue validée par un diplôme.
  • Le niveau des responsabilités : ce critère renvoie à la capacité du cadre à prendre des décisions, des initiatives ou assumer la représentation d’une délégation des pouvoirs de l’employeur.
  • L’autonomie : c’est un critère essentiel dans l’activité du cadre. L’autonomie du cadre s’exerce en matière de moyens, de temps de travail et de l’exécution de la mission confiée.
     

Les critères complémentaires
 

Afin d’étoffer ou de suppléer aux conditions conventionnelles, la logique d’un faisceau de critères caractérisant les cadres doit permettre de retenir :
 

  • le niveau hiérarchique,
  • le niveau d’expertise,
  • l’exigence de compétences clefs (le management ou la gestion de projets, à titre d’exemple).

 

Étape 2 : le rappel des droits directs associés au statut
 

FO-cadres entend que les droits directement liés à leur statut soient sauvegardés au niveau interprofessionnel tels que :
 

  • le bénéfice d’un contrat de prévoyance obligatoire financée par le prélèvement du 1,5 % sur la tranche du salaire allant jusqu’au plafond de la Sécurité sociale à la charge de l’employeur. Ce droit s’inscrit dans l’accord du 14 mars 1947 du régime des retraites complémentaires et repris dans l’ANI du 17 novembre 2017. Elle revendique le maintien d’une couverture de prévoyance renforcée au bénéfice de la population des cadres. En raison de l’évolution des conditions de travail et de l’apparition de nouveaux risques professionnels (stress, épuisement professionnel… ), il doit être possible d’envisager leur prise en charge dans le cadre de la mise en œuvre d’un 1,5 % renforcé, à l'échelle professionnelle ;
  • un accès renforcé aux services de l’APEC. FO exige un droit d’information pour tous les cadres concernant leurs droits liés à l’APEC. Ce « droit d’information » doit être porté à la connaissance de chaque cadre, dans chaque entreprise par une information obligatoire délivrée par les services de ressources humaines des entreprises à l’occasion de l’embauche, par courrier national adressé tous les cinq ans à l’ensemble des cadres bénéficiant des services de l’APEC.
     

Étape 3 : les dispositifs conventionnels pour une reconnaissance de l’engagement professionnel des cadres
 

Afin de participer à une meilleure protection de l’engagement professionnel des cadres, FO propose :
 

  • la mise en place d’une protection juridique pour les cadres engageant leur responsabilité civile et pénale dans leurs fonctions professionnelles. Il est nécessaire de renforcer la protection des cadres quant à l’engagement de leur responsabilité civile et pénale. Le statut ne doit pas induire une prise de risque inconsidérée pour le cadre, notamment en matière de responsabilité pénale ;
  • la tenue d’un registre de délégation pour formaliser les délégations de pouvoir dans le temps afin d’en clarifier l’amplitude et le contenu. La délégation de pouvoirs doit s’accompagner d’une transparence dans les modalités de sa mise en œuvre ;
  • la mise en œuvre d’une clause de conscience ou d’un droit de retrait éthique dont l’objectif est de permettre à un cadre responsable de se prémunir contre un changement de contrôle non souhaité de l’entreprise susceptible de compliquer l’exercice de ses attributions ou affectant notablement son activité, voire heurtant la direction stratégique ou éthique de l’entreprise. Ce droit de retrait ou « clause de conscience » doit s’accompagner du maintien des droits et des indemnités auxquels peut prétendre le cadre. Les cadres sont une population à la fois salariée et proche de la direction. Cette position délicate ébranle parfois leur liberté d’expression et souligne l’opportunité de leur aménager un droit de retrait propre ;
  • l’encadrement des dispositifs d’évaluation professionnelle : le contrôle et l’exigence productive promus dans l’entreprise ne peuvent plus faire l’impasse sur l’exigence des cadres à plus de transparence dans ces dispositifs d’évaluation et leur effet sur les conditions de travail. La transparence de leurs modalités de fonctionnement sont portés à la connaissance des salariés. Dès lors que les dispositifs sont de nature à porter atteinte à l’intégrité de la personne, à sa vie privée, il doit être permis à chaque salarié de s’y opposer ;
  • la consolidation et la certification des compétences managériales tout au long du parcours professionnel. Les cadres doivent pouvoir entretenir et développer leurs compétences managériales sans entrave.
     

Notre organisation syndicale propose la mise en place de dispositifs de certification professionnelle (VAE, certification de type Cléa…) adaptés pour valoriser et reconnaître cette compétence en entreprise. Le management n’est pas qu’une simple responsabilité, c’est une compétence à part entière. Cela doit permettre de définir un « socle commun » des qualifications et des compétences clefs au management.
 

Une attention particulière doit être apportée aux primo-encadrants qu’il convient de reconnaître et de valoriser. Nous  souhaitons qu’une formation systématique des « primo-encadrants » soit rendue obligatoire.
 

  • La reconnaissance des compétences nécessaires en mode projet. L’établissement de passerelles entre les filières « expert » et « manager » pour offrir la possibilité de passer de l’une à l’autre par la reconnaissance de qualifications et de compétences acquises.
  • Un suivi de carrière complété d’un index des inégalités spécifiques pour les cadres. Cette démarche devra s’appuyer sur un bilan confié à l’APEC sur la base des données liées aux index sur les inégalités hommes/femmes.
  • L’encadrement des forfaits-jours plafonnés à 217 jours maximum et dont l’accès est limité aux seuls cadres bénéficiant d’une réelle autonomie dans la gestion de leur temps de travail et dans l’exercice de leur activité professionnelle. Rappelons que l’encadrement de ce mode d’organisation du travail ne doit pas méconnaître le droit au repos. Le décompte du temps de travail doit être envisagé pour limiter les dérives d’intensification horaire.
  • La réactualisation l’ANI sur le télétravail de 2005 afin de rendre la mise en œuvre du droit à la déconnexion effective, notamment pour les cadres au forfait-jours.
  • La sécurisation du parcours professionnel (notamment en fin de carrières pour les cadres seniors) dont seulement 5 % des offres d’emploi leurs sont aujourd’hui consacrés (APEC).
  • La garantie d’un salaire minimum pour les cadres. En dépit de leur investissement professionnel, du nombre d’heures effectuées, de leur prise de responsabilité au quotidien, de nombreux cadres demeurent dans la fourchette basse des rémunérations. En 2017, la dispersion des salaires des cadres est telle que 80 % des salaires varient entre 34 et 85 K euros annuels (source APEC). On estime que 33 % des cadres perçoivent une rémunération en dessous du plafond de la Sécurité sociale. Cette garantie d’un salaire minimum notamment pour les cadres débutants doit permettre à ce que les jeunes diplômés ne puissent percevoir une rémunération inférieure à 36 000 euros bruts annuels dès leur première embauche.
     

L’ensemble de ces revendications sont de nature à redonner du sens au statut cadre. Elles participent de la volonté de restaurer le rôle et la place de ces salariés cadres dans le monde de l’entreprise. Il est indispensable d’obtenir un accord afin de redonner du sens au statut de cadres et apporter des garanties qui correspondent aux nouveaux défis de cette population.

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