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07 / 03 / 2025 | 26 vues
Rita CHACRA / Membre
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L’expertise risque grave : comment définir le risque grave pour recourir à cette expertise ?

L’expertise risque grave : une ressource externe du CSE
 

L’expertise risque grave est un outil du CSE permettant un diagnostic de l’activité par un cabinet d’expertise habilité après un constat d’une dégradation des conditions de travail risquant de porter atteinte à la santé et à la sécurité du personnel ou d’une sinistralité alarmante (accident de travail, maladie professionnelle, absentéisme, etc.). Le recours à expertise du CSE pour risque grave est régi par l’article L2315-94 du Code du travail précisant que « Le comité social et économique peut recourir à un expert habilité […] en cas de risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou des éléments objectifs constatés ».
 

Ainsi, il est obligatoire de réunir deux conditions pour recourir à une expertise risque grave. Il faut que le risque soit :

Identifié : constater une dégradation des conditions de travail signalée par des salariés ou par des représentants du personnel par tous les moyens (témoignages, échanges en CSE, alertes…) ou ATMP/incidents répétés.

Actuel : démontrer que les causes supposées du risque sont toujours présentes dans les situations de travail et que la prévention du risque est insuffisante, le risque pouvant potentiellement produire ou ayant déjà produit des dommages.

La contestation possible de l’expertise

Il est important de noter que l’employeur a la possibilité de contester le principe de l’expertise au tribunal judiciaire sous 10 jours après désignation de l’expert. En cas de contestation, le juge étudie la pertinence de l’expertise au regard des critères légaux (un risque identifié et actuel). Le CSE doit alors, en cas de contestation, pouvoir démontrer la nécessité de l’expertise avec des éléments objectifs et précis (témoignages des salariés, comptes rendus d’enquête ou d’inspection du CSE, PVs du CSE/CSSCT, observations de la médecine du travail, observations de l’inspection du travail, alertes du CSE, droit de retrait, etc.).

Comment faire appel à un expert habilité ?

Un minimum de formalise est nécessaire pour désigner l’expert. Le CSE doit adopter une résolution à la majorité de ses membres par un vote sur le principe de l’expertise et le choix du cabinet d’expertise. Voici les étapes clés :

  • Préparer une résolution abordant la motivation de recours à expertise et le choix du cabinet d’expertise ;
  • Mettre le point suscitant le recours à expertise à l’ordre du jour de la plénière (réunion ordinaire ou extraordinaire) ;
  • Lire la résolution en CSE ;
  • Faire 2 votes : 1 vote sur le principe de l’expertise et 1 vote sur le choix du cabinet d’expertise ;
  • Donner mandat au secrétaire du CSE/de la CSSCT (ou tout autre membre élu) de prendre contact avec l’expert et de représenter le CSE en cas de litige.

Important : Il est conseillé, en amont de la désignation, de se rapprocher de l’expert qu’on souhaite désigner pour obtenir une assistance et des conseils sur la pertinence de l’expertise et la rédaction de la résolution de recours expertise.

Financement de l’expertise

Cette expertise est financée à 100% par l’employeur. Il peut cependant contester le coût de l’expertise sans que cela ne remette en question sa réalisation.

Le travail de l’expert

L’expert réalise une analyse des conditions de travail et des déterminants organisationnels pouvant être à l’origine d’un risque pour la santé et la sécurité des salariés. Ce diagnostic repose sur des entretiens avec les salariés, des observations et/ou un questionnaire sur les conditions de travail afin d’accéder au travail réel. L’utilité de l’expertise repose également sur :

  • Des préconisations d’amélioration des conditions de travail ;
  • Un dialogue social constructif sur les conditions de travail permettant d’aboutir à un plan d’action en vue de prévenir, limiter ou supprimer les risques professionnels ;
  • L’alimentation des documents de prévention : DUERP et programme annuel de prévention.

Pour réaliser ce travail, l’expert accède librement à l’entreprise et l’employeur lui fournit toutes les informations nécessaires à l’exercice de sa mission (Article L2315-82 et 83 du Code du travail).

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Danger grave et imminent : Quels recours pour le CSE en cas de désaccord avec l'employeur ?

 

Dans une décision du 12 février 2025, la Cour de cassation a clarifié le rôle du comité social et économique (CSE) en matière de signalement d’un danger grave et imminent. Elle a ainsi précisé que si un désaccord survient entre le CSE et l’employeur quant à la reconnaissance d’un tel danger, seul l’inspecteur du travail est habilité à saisir le tribunal judiciaire en référé, sur le fondement de l’article L. 4132-4 du Code du travail.

 

Une compétence exclusive de l’inspecteur du travail

 

Lorsqu’un danger grave et imminent est constaté, les membres du CSE disposent d’un droit d’alerte pour en informer l’employeur. Une enquête est alors diligentée conjointement, et des mesures doivent être mises en place pour y remédier.

 

A défaut, s’il existe une divergence sur la réalité du danger ou sur les éventuelles mesures à adopter, le CSE doit être réuni en urgence dans un délai de 24 heures. A l’issue de cette réunion, si le désaccord persiste, l’employeur doit saisir l’Inspection du travail qui pourra mettre en œuvre l’une des  procédures suivantes :

  • mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles pour remédier à la situation dangereuse ;
  • saisir le juge judiciaire pour qu’il statue en référé (en urgence), afin d’ordonner des mesures pour faire cesser le risque.

 

Cette clarification a été apportée par la Cour de cassation à la suite d’un litige survenu lors d’une réorganisation impliquant la relocalisation de salariés dans de nouveaux locaux. Face à un risque potentiel lié à la structure du bâtiment, le CSE avait saisi le juge en référé pour demander une expertise technique et la suspension du projet. Le tribunal judiciaire, incertain quant à sa compétence, avait sollicité l’avis de la Cour de cassation, qui a confirmé l’irrecevabilité des demandes du CSE sur ce fondement.

 

Un cadre strict pour la saisine du juge judiciaire

 

La Cour a ainsi rappelé :

  • que le CSE n’est pas recevable à solliciter du juge judiciaire statuant en référé une mesure d’expertise sur le fondement de l’article L. 4132-4 du code du travail. Il peut être sollicité exclusivement par l’inspecteur du travail. 
  • qu’une organisation syndicale n’est pas recevable dans sa prétention tendant à exercer une prérogative propre du CSE, quand bien même elle invoquerait au nom de l’intérêt collectif de la profession le fondement juridique de la procédure d’alerte pour danger grave et imminent. 

 

Des alternatives pour le CSE en cas de désaccord

 

L’impossibilité pour le CSE d’agir en référé sur le fondement de l’article L. 4132-4 ne signifie pas pour autant qu’il est démuni. Le CSE peut, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, saisir le juge des référés au nom de l’obligation de sécurité pesant sur les employeurs, pour qu’il puisse ordonner la suspension d’une mesure constituant un risque de danger grave et imminent.

Cour de cassation, chambre sociale, avis, 12 février 2025, n° 24-10.010