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27 / 09 / 2024 | 52 vues
Theuret Johan / Membre
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Il convient de ne pas oublier l’utilité sociale des dépenses des collectivités locales 

En quittant le ministère de l’économie, Bruno Le Maire a tenté de s’exonérer de sa responsabilité dans l’envolée du déficit public qui, fin 2024, devrait atteindre 5,6 % du produit intérieur brut (PIB). Il accuse pour cela les collectivités locales de dérapage financier, énonçant sans donnée sérieuse que leurs dépenses pourraient augmenter de 16 milliards en 2024. Il discrédite ainsi les gestions locales et les rend responsables de creuser le déficit public.

 

Rappeler ce que représente réellement la contribution des collectivités à la dépense publique permet de relativiser cette responsabilité. En 2023, la dépense publique a été répartie entre trois acteurs :
 

– 43 % pour les administrations de sécurité sociale (hôpitaux publics, régimes général et spéciaux…) ;

– 39 % pour l’Etat ;

– 18 % pour les administrations publiques locales.

 

Pour financer leurs dépenses publiques en 2023, les collectivités ont engendré un déficit de 5,3 milliards d’euros alors qu’en 2021 et en 2022, elles étaient quasiment à l’équilibre. Ces 5,3 milliards d’euros de déficit des collectivités locales doivent être comparés aux 156,4 milliards d’euros de déficit de l’Etat. Entre 2022 et 2023, le déficit de l’Etat a augmenté à lui seul de 7,3 milliards d’euros, montant supérieur au déficit de toutes les collectivités locales.

 

Concernant la dette, en 2023, celle de l’Etat représentait 91,7 % du PIB, et celle des administrations locales était de 8,9 % du PIB. Concrètement, en 2023, sur les 3 101 milliards d’euros de dette publique, celle des collectivités avoisinait 250 milliards et celle de l’Etat, 2 513 milliards. Pourquoi une telle différence ? La règle d’or impose aux administrations locales d’équilibrer leur budget de fonctionnement. Dès lors, leur dette ne finance que des dépenses d’investissement. Pour sa part, la dette de l’Etat peut indistinctement financer des dépenses de fonctionnement et d’investissement.

 

L’importance de l’achat public

 

Comme pour l’Etat, on déplore parfois l’insuffisante évaluation des politiques publiques des collectivités. La pertinence de certaines de leurs dépenses est parfois questionnée par les chambres régionales des comptes, comme le fait la Cour des comptes pour l’Etat. Tous doivent faire preuve de vigilance budgétaire.

 

Dès lors, il est regrettable de discréditer le fonctionnement des collectivités locales, de présupposer leur mauvaise gestion ou de généraliser des errements isolés. Rappelons que leur déficit était plus important avant la décentralisation de 1982. Alors placées sous le contrôle de l’Etat et dotées de compétences moindres, elles avaient pourtant un déficit supérieur à 1 % du PIB, contre 0,35 % du PIB en 2023.

 

Par ailleurs, il convient de ne pas oublier l’utilité sociale de leurs dépenses. Ces dernières contribuent, comme toutes les dépenses publiques, à la réduction des inégalités de revenus. Selon l’Insee, avant redistribution effectuée par les administrations publiques, les ménages aisés ont un revenu dix-huit fois plus élevé que celui des ménages modestes, et seulement trois fois supérieur après redistribution. En plus des transferts monétaires, les transferts en nature, comme l’éducation, le logement ou l’action sociale, sont les principaux vecteurs de réduction des inégalités. Or ces services publics constituent les compétences prépondérantes exercées par les administrations publiques locales.

 

Dans un contexte de faible croissance économique, la critique des dépenses locales oublie en outre de rappeler l’importance de l’achat public dans le soutien à l’activité économique. Certains secteurs d’activité, comme le bâtiment et les travaux publics, apprécient que les collectivités territoriales assurent 56 % des achats publics, notamment au travers de leurs dépenses d’équipement.

 

Investissements verts

 

Par ailleurs, face aux enjeux de la transition écologique, il est légitime que les dépenses y contribuant s’accroissent. Selon l’Institut pour le climat et l’économie (I4CE), les besoins d’investissements verts supplémentaires des collectivités, par rapport à ce qui est déjà réalisé, s’élèvent à 11 milliards d’euros par an sur la période 2024-2030. En 2023, ces investissements verts du bloc local ont déjà représenté 10 milliards et sont encore appelés à croître si on souhaite faire face au réchauffement climatique.

 

Enfin, tandis qu’en 2024 plusieurs facteurs, comme les charges de personnel et l’inflation, participent à la fragilisation budgétaire des collectivités, la critique de la gestion publique locale occulte complètement la fragilisation de leurs recettes. Depuis 2017, les gouvernements ont unilatéralement supprimé des impôts perçus par les collectivités (taxe d’habitation, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et les compensent plus ou moins bien par des recettes fiscales et des dotations inadaptées.

 

Par-delà la fragilisation budgétaire qu’elles occasionnent sur les budgets des collectivités, ces baisses d’impôts se révèlent également très coûteuses pour les finances publiques. La Cour des comptes estime qu’en 2023, ce sont 62 milliards d’euros de recettes en moins pour l’Etat.

 

Bruno Le Maire, en fustigeant la hausse des dépenses des collectivités territoriales, fragilise la relation de confiance entre l’Etat et les administrations décentralisées. Cette relation de confiance oblige à une visibilité budgétaire pluriannuelle, nécessite la reconnaissance réelle de la place des collectivités dans les enjeux de transition écologique et appelle la sécurisation de leurs recettes. Satisfaire ces enjeux financiers milite pour l’instauration d’une loi de financement spécifique aux collectivités comme il en existe une pour la Sécurité sociale. Dans le cadre d’un débat parlementaire annuel, les collectivités disposeraient alors d’une trajectoire financière claire.

 

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Tribune publiée également dans le Journal Le Monde 

 

 

 

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