Gouvernance des grandes entreprises : vers des directives objectives ?
La gouvernance des entreprises est devenue un sujet central dans la vie des affaires. Sous la pression conjuguée des institutions financières, des investisseurs et d’activistes sociétaux toujours plus vigilants, les moindres faux pas peuvent désormais avoir des conséquences fâcheuses. Une crispation parfois excessive mais avec laquelle les dirigeants doivent apprendre à naviguer.
En matière sociétale, les entreprises américaines ont une longueur d’avance, pas forcément enviable vu d’Europe. On se rappelle qu’en novembre dernier, le patron de la célèbre enseigne de restauration rapide, Steve Easterbrook, avait dû démissionner de son poste à la suite de la révélation d’une relation amoureuse jugée « inappropriée ». Bien que consentie, cette relation contrevenait à la « politique de l’entreprise » en la matière, puisque concernant une subordonnée. Une situation sur laquelle les règles « corporate » des grands groupes européens sont notoirement plus souples.
Du point de vue de la « compliance », les États-Unis avaient également instauré des règlementations bien plus contraignantes que sur le vieux continent mais l’Europe s’est peu à peu ajustée. En France, la loi Sapin 2, par exemple, visait précisément à « porter la législation française aux meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption ». Elle établit ainsi des règles de bon sens concernant la transparence dans les relations d’affaires.
Au-delà de ces règles internes ou juridiques qui pèsent sur elles, les entreprises doivent aussi adopter un comportement préservant leur respectabilité et leur réputation. C’est ici que les choses se corsent...
Dans le contexte de la « cancel culture », on a récemment pu voir des entreprises américaines faire des choix de prestataires, de partenaires ou de salariés sur le fondement de leur image publique. Disney, par exemple, a récemment renoncé à travailler avec l’actrice Gina Carano, qui avait exprimé des opinions jugées choquantes sur Twitter. En France, à l’inverse, un groupe aussi visible que LVMH peut continuer d'employer quelqu'un, Nicolas Bazire, mis en cause dans des faits graves de corruption concernant des ventes d’armes sans que Bernard Arnault ne craigne que ce stigmate ne l’atteigne indirectement. Aux États-Unis, une situation pareille serait inimaginable.
Dans le cadre de l’état de droit et de la présomption d’innocence, il est toujours inquiétant de voir des gens licenciés pour avoir exprimé des opinions (même radicales) ou être simplement mis en cause dans une affaire, comme cela arrive trop souvent aux États-Unis. Inversement, les entreprises françaises font parfois preuve de trop de légèreté en fermant les yeux sur le pedigree de certains de leurs salariés (sur les affaires de harcèlement, par exemple). Seuls des critères objectifs et précis permettront de trouver un terrain préservant les intérêts de toutes les parties prenantes, sans tomber dans l’excès de précaution mais sans négligence non plus.