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10 / 09 / 2019 | 357 vues
Esprit Libre / Membre
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Formation sociale des managers : un impératif catégorique

Beaucoup de gens accédant à des responsabilités managériales en entreprise n’ont pas suffisamment conscience des enjeux humains de leur fonction. Pourtant, le rôle qu’ils sont appelés à jouer en tant que « N+1 » est chargé d’une forte dimension sociale qui est à ne surtout pas prendre à la légère. En réalité, les responsables hiérarchiques font, pour la plupart, leur apprentissage social du management sur le tas et souvent à leurs dépens.
 

Gérer les gens ne s’improvise pas, cela s’apprend. C'est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de gérer des représentants du personnel. Ce défi se pose en imposant la question suivante aux employeurs : comment renforcer l’efficacité des managers face à des salariés protégés ?
 

L’acquisition par le personnel encadrant d’un socle minimal de connaissances en droit social est absolument indispensable : qu’est-ce qu’un délit d’entrave ? Qu’est-ce qu’un droit d’alerte ? Qu’est-ce que le statut protecteur ? Qu’est-ce qu’une heure de délégation ? Peut-on interdire l’accès à l’entreprise à un élu en dehors de ses heures de travail etc. ? Ces questions renvoient à autant de situations auxquelles tout manager est confronté un jour ou l’autre. Il faut donc anticiper sur les événements en donnant à ces managers les moyens intellectuels de qualifier les situations et d’avoir les bons réflexes pour y faire face.
 

Pour certains représentants du personnel, il n'est pas toujours aisé de faire admettre à leurs managers qu’ils n’ont pas à prévenir ces derniers avant de prendre des heures de délégation ou avant de se déplacer dans l’établissement. S’opposer à ces droits du représentant du personnel expose l’entreprise au délit d’entrave. En outre, lorsque le délit d’entrave s’accompagne d’une discrimination syndicale, les peines prévues pour chacun de ces deux délits se superposent [1]. Un manager ne peut pas savoir ces choses sans un vernis de notions juridiques qu’il est nécessaire de lui inculquer. Cette responsabilité échoit à la direction. En effet, de nombreux cas de discrimination syndicale naissent à la suite d’erreurs managériales. Ce sont parfois des « erreurs bêtes », c’est-à-dire des erreurs qui auraient largement pu être évitées si la direction avait pris des mesures pro-actives pour former et sensibiliser l'encadrement.
 

Dans de fréquents cas, lors de l'entretien annuel d'un salarié protégé et souvent par écrit, le manager, avec une sincère naïveté, évoque l’engagement syndical de celui-ci pour justifier le refus opposé à sa demande d’augmentation salariale. Cela revient pour le manager à reprocher au collaborateur sa contribution supposée « mineure » aux performances de l’équipe du fait du temps passé par ce dernier à son ou ses mandats. Ce genre de bourde peut être évitée si le manager est sensibilisé au fait « qu'un employeur ne peut, fût-ce pour partie, prendre en compte les absences d'un salarié liées à ses activités syndicales pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement et la rémunération » [2].
 

En matière de lutte contre la discrimination syndicale, la meilleure manière d’agir est de prévenir et la prévention passe notamment par la formation du personnel d’encadrement. Cette formation est d’autant plus importante que les représentants syndicaux, eux, reçoivent des formations sociales de la part de leurs fédérations. Donner au manager des bases juridiques consistantes sur les questions sociales, c’est donc rétablir l’équilibre d’une certaine manière. Mieux encore, cette formation est un tremplin qui contribue à accroître le leadership du manager sur l’ensemble de son équipe, dans la mesure où « les nouveaux modes de gestion des ressources humaines concurrencent efficacement le syndicalisme. Lorsque toute la ligne hiérarchique est formée à gérer son personnel, à l’écouter afin d’éviter les tensions, à l’impliquer dans la marche de l’atelier, le rôle du délégué [NDLR : délégué syndical ou délégué du personnel] devient difficile ou anachronique » [3].
 

Toutefois, la formation sociale du manager ne doit pas simplement se limiter à l'aspect légal, elle doit s'étendre notamment à l'aspect comportemental. Le droit social n'est pas au management une fin mais un moyen, une sorte d’outil parmi d’autres. C'est d’autant plus vrai que ni le code du travail ni le code de la Sécurité sociale ne donnent une formule magique pour résoudre un conflit social. C’est tout un pan de la culture managériale française qui est ici à revisiter. À ce titre, plutôt que de tenter d’affaiblir le poids d’un délégué syndical ou d’un membre du nouveau CSE en les discriminant, ne pourrait-on pas plutôt s’ingénier à rehausser celui du manager de demain en faisant de l’initiation à la gestion des relations sociales une matière non optionnelle dans toutes les écoles françaises formant les futurs cadres et dirigeants d’entreprise, quelle que soit la filière (marketing, finance, audit etc.) ?

 

[1] Cass. crim., 29 octobre 1975, n° 73-93.253.

[2] Cass. soc., 20 février 2003, n° 10-30028.

[3] Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau, Les relations sociales en Europe, Éditions Liaisons, Paris, 2005.

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