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23 / 04 / 2025 | 65 vues
Carole CEBE / Membre
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Inscrit(e) le 22 / 04 / 2025

Comment prendre soin de soi pour mieux défendre les autres ?

Quand les représentants du personnel s'oublient face à la tempête sociale. Accompagner des collègues frappés par un plan social massif, tout en étant soi-même potentiellement concerné, est une épreuve humaine et militante majeure. Le choc du PSE chez CCF (ex-HSBC) a mis en lumière une réalité trop souvent ignorée : les représentants du personnel, en première ligne, ne sont pas des super héros. ils sont humains, engagés... et vulnérables.
 

C’est un peu comme dans un avion. Avant le décollage, l’hôtesse de l'air rappelle que, en cas d’urgence, il faut d’abord mettre son propre masque à oxygène avant d’aider les autres.


Chaque fois que j’entends cette consigne, des questions fusent dans mon esprit :

  • serais-je capable de faire cela, si mon fils ou une personne en détresse est à mes côtés ?
  • merci à l’hôtesse de décider pour moi — c’est sûrement plus sûr, statistiquement...
  • oui mais…


Le 4 décembre : la déflagration


Quand le plan de sauvegarde de l’emploi a été annoncé au CCF, touchant près de 1 500 salariés, il n’était plus question de masque à oxygène. Le téléphone sonnait dans tous les sens. nous nous sommes jetés dans la bataille. Nous avons répondu, écouté, absorbé la sidération. Certains n’imaginaient pas un instant que leur poste pourrait être supprimé. c’était violent.
 

Une équipe elle-même fragilisée
 

Chez FO CCF, première organisation syndicale de l’entreprise, nous pensions nous être préparés : à écouter, à soutenir, à défendre. Une formation récente sur les risques psychosociaux nous avait alertés sur notre propre niveau d’engagement, déjà trop élevé depuis 2019 — date à laquelle notre entreprise a été mise en vente.
Mais nous étions loin d’imaginer l’ampleur du plan.


Plus de la moitié de notre équipe est directement concernée par des suppressions de poste. Nous connaissons personnellement des dizaines, voire des centaines de salariés concernés. Dans le secteur bancaire, jamais un plan de cette envergure n’avait été observé.

Ecouter, soutenir, mais à quel prix ?

Décembre 2024 a été un mois terrible.
Les entretiens s’enchaînaient, non pas pour expliquer le projet, mais le déroulement des mois à venir.
Personnellement, je me suis mise à parler aux collègues avec une bougie entre les mains, pour me réchauffer face à ce qui glaçait mon cœur.

 

C’est en écoutant les salariés que nous pouvons :

  • comprendre leurs besoins
  • défendre leurs emplois
  • revendiquer
  • négocier


Pour porter leur voix, il faut les connaître vraiment, rester connectés au terrain. c’est ce lien qui nous rend légitimes, crédibles.

Pas des psys… 
 

Mais cette proximité a un prix. Parce que nous ne sommes pas formés comme des pros, nous absorbons une charge émotionnelle intense, avec tous les risques que cela comporte :
 

  • fatigue émotionnelle : sentiment de vide ou de saturation après les échanges
  • culpabilité : impression de ne jamais faire assez
  • difficulté à dire non : même quand l’agenda est plein
  • responsabilité sur la portée des négociations


Entre passion et devoir 
 

S’engager dans un mandat, ce n’est pas un hasard. c’est un choix profond : défendre un collectif, refuser l’injustice, agir là où d’autres subissent. Ceux qui croient encore que l’on prend un mandat pour se "protéger" n’ont pas vu la réalité depuis longtemps.


Chez HSBC / CCF, nous avons bien expérimenté la « protection » toute relative d’un mandat, quand au moment de la cession de l’entreprise, nous n’avons pas été transférés en même temps que nos collègues, mais seulement 1 mois et 7 jours après, avec plusieurs conséquences possibles : licenciement, risque ne pas transférer avant les élections dans la nouvelle entité….
 

On apprend à donner beaucoup pour sauver un peu. on s’oublie, parfois, un peu trop…
 

Un quotidien bouleversé et une nouvelle organisation a trouver

En dehors des crises, nous travaillons en binôme pour chaque dossier : 

  • l’un est en direct, à l’écoute du salarié, 
  • l’autre aide à prendre du recul. Cela permet d’analyser la situation, de partager le fardeau pour mieux aider nos collègues. 

.
Quand :

  • 68 % des 1 836 salariés risquent de perdre leur emploi,
  • Les plus de 2 000 autres, qui resteront après le PSE, s’interrogent sur leur avenir et devront revoir leur façon de travailler,
  • et que nous ne sommes que 25 représentants du personnel — dont seulement 3 à temps plein,


…la tâche se complique : 

  • comment accompagner les plus récents dans leur mandat ?
  • comment ne pas oublier ceux qui ont plus d’expérience mais qui, de fait, en prennent plus sur leurs épaules ?
  • comment se partager entre les salariés qui appellent de toute part, et les porteurs de mandats qui ont besoin de prendre du recul par rapport aux informations qu’ils collectent et par rapport à leur propre situation ?


La double pression : terrain + négociation

Chaque semaine, les réunions extraordinaires du CSE s’enchaînent.
Les négociations sur le pse aussi.
Et toujours, le besoin de garder le lien avec le terrain pour représenter fidèlement les salariés.
Mais comment tenir ce rythme sans s’épuiser ?
Comment continuer à représenter les autres sans se perdre soi-même ?


Pour aller plus loin : préparer, anticiper, encadrer, alerter


Ce que nous vivons montre une chose : il est urgent de mieux préparer les représentants du personnel. il faut anticiper ces situations critiques.


Récemment, nous avons été entendus à l’assemblée nationale dans le cadre d’une commission d’enquête sur la défaillance des pouvoirs publics face à la multiplication des plans de licenciements.


Multiplication des plans de licenciements

Peut-être faut-il construire un cadre pour protéger ceux qui prennent soin des autres. Une question collective


Ce jeudi, 24 avril à 9h00, un débat est organisé sur Miroir Social autour de ce thème.

Nous devons changer de regard sur les représentants du personnel.
Pas des héros, ni des psys.
Mais des femmes et des hommes engagés, qui ont besoin eux aussi d’écoute, de cadre, de reconnaissance. 
Imaginez un monde privé du dévouement des élus syndicaux, comme certains semblent le souhaiter.
Un monde plus froid, plus dur, moins juste ?
Plus que jamais, l’effort et la solidarité collective sont essentiels.
Parce que prendre soin des autres commence aussi par prendre soin de ceux qui les défendent.
 

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