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10 / 03 / 2025 | 41 vues
Eric Peres / Abonné
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Les femmes dans le numérique: Une sous-représentation persistante

L'Apec a publié une étude détaillant la place des femmes dans le secteur du numérique en France. Malgré une prise de conscience croissante des entreprises et diverses initiatives pour améliorer l’inclusion, les inégalités restent marquées. L’étude met en lumière les obstacles à leur entrée dans ce domaine, les discriminations qu’elles rencontrent et les difficultés d’évolution professionnelle auxquelles elles font face.

 

Un accès freiné dès la formation

 

Dès le choix d’orientation, les jeunes filles se dirigent moins souvent vers les filières scientifiques et informatiques. En 2022, elles représentaient 44 % des diplômés en masters scientifiques, mais seulement 23 % dans les spécialités informatiques. Cette tendance s’explique par une perception négative de ces filières : 62 % des lycéennes estiment qu’être une fille dans une école d’informatique ou d’ingénieur est difficile en raison du sexisme ambiant.

 

Les stéréotypes de genre et les représentations masculines de ces métiers jouent un rôle dans ces écarts d’orientation. Une majorité de lycéennes considère que les femmes diplômées d’écoles d’ingénieurs sont moins reconnues que leurs homologues masculins. L’environnement scolaire et les mécanismes d’orientation influencent aussi ces trajectoires différenciées.

 

Des cultures masculines marquées

 

La faible proportion de femmes dans le numérique a contribué au développement d’une sous-culture masculine qui peut se montrer excluante. La « culture Bro », inspirée des codes du jeu vidéo et du hacking, renforce un esprit de compétition et d’entre-soi masculin, où les références et interactions restent largement genrées.

 

Cette ambiance peut s’accompagner de comportements sexistes. L’étude Gender Scan révèle que 46 % des femmes du secteur du numérique ont été victimes de propos discriminants, humiliants ou menaçants liés à leur genre, contre 38 % dans les autres secteurs. Par ailleurs, 26 % rapportent des situations de harcèlement moral et 8 % de harcèlement sexuel.

 

Un plafond de verre bien ancré

 

Les écarts de rémunération entre hommes et femmes existent aussi dans le numérique. Le salaire médian brut annuel des cadres masculins du secteur informatique s’élève à 54 000 €, contre 50 000 € pour les femmes. Mais au-delà de la rémunération, l’accès aux postes à responsabilité reste limité : seuls 22 % des postes de direction dans le numérique sont occupés par des femmes.

 

Les entrepreneuses du secteur rencontrent également des difficultés pour financer leurs projets. D’après le baromètre Sista-BCG, les femmes lèvent en moyenne 1,6 fois moins de fonds que les hommes. Lorsqu’elles s’associent avec un cofondateur masculin, cette somme est 3,4 fois plus importante que lorsqu’elles s’associent avec une autre femme.

 

Un taux d’abandon élevé en milieu de carrière

 

Les femmes du numérique quittent le secteur à un rythme plus élevé que les hommes. En milieu de carrière, près d’une femme sur deux quitte la Tech, soit un taux deux fois supérieur à celui des hommes. Parmi les raisons évoquées : le manque de reconnaissance, un sentiment d’isolement, ainsi que des conditions de travail exigeantes, incluant une forte disponibilité et une charge mentale élevée.

 

Cette pression se traduit aussi par un risque accru d’épuisement professionnel. La nécessité de se former en permanence et la culture du travail en dehors des horaires classiques compliquent la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, un enjeu qui pèse encore majoritairement sur les femmes.

 

Des initiatives pour améliorer la mixité

 

Face à ces constats, les entreprises du numérique développent des actions pour favoriser l’inclusion des femmes. Elles soutiennent des associations et des programmes de formation dédiés à la féminisation du secteur. Certaines mettent en place des politiques internes, comme la formation des managers à la diversité, le mentorat, ou encore l’identification active de profils féminins lors des recrutements.

 

D’autres mesures visent à améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle : horaires de réunion encadrés, blocage des mails en soirée, congés parentaux plus longs ou encore facilités pour le télétravail. Ces dispositifs cherchent à rendre les carrières numériques plus attractives et accessibles aux femmes.

 

L’Apec accompagne ces dynamiques en soutenant des initiatives pour la mixité des emplois dans le numérique. Son programme Novapec appuie notamment le projet FEMA, porté par Social Builder, qui vise à aider plusieurs milliers de femmes à intégrer ce secteur. L’objectif est de contribuer à un changement durable en agissant à la fois sur la formation, l’insertion professionnelle et l’évolution des carrières féminines dans le numérique.

 

Lien vers l’étude : urlr.me/XY8KfF 

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49 recommandations de la Défenseure des droits sur le signalement et les enquêtes internes

 

 

Face aux nombreuses difficultés rencontrées par les employeurs privés et publics dans la conduite des enquêtes internes sur la discrimination et le harcèlement sexuel, la Défenseure des droits a publié, le 5 février 2025, une décision-cadre contenant 49 recommandations précises sur le sujet.

Télécharger la DÉCISION-CADRE DU DÉFENSEUR DES DROITS · PDF ↴

Les discriminations et le harcèlement au travail restent une réalité préoccupante en France. Selon le dernier baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT, près de 70 % des actifs estiment que de nombreuses personnes sont victimes de discriminations liées à leur état de santé, leur handicap, leur origine ou leur sexe. Plus d’un tiers des travailleurs a déjà été témoin de telles situations, et près d’un sur trois en a personnellement été victime. Pourtant, les dispositifs de signalement et de protection restent peu utilisés, souvent par crainte de représailles ou par manque d’information sur les démarches à entreprendre.

Les employeurs ont donc une responsabilité renforcée : ils doivent prévenir ces situations et réagir efficacement lorsqu’un employé se dit victime ou témoin de discrimination ou de harcèlement. Cela implique la mise en place d’enquêtes internes rigoureuses, respectant les principes de confidentialité, d’impartialité, d’objectivité et de rigueur.

Dans cette décision-cadre, plusieurs recommandations structurent la méthodologie à adopter :

  1. La cellule d’écoute et le dispositif de signalement doivent être facilement accessibles au travers de différents canaux : e-mail, téléphone, chat en ligne et/ou accueil physique.
  2. La cellule d’écoute et le dispositif de signalement doivent être largement accessibles à l’ensemble des agents et salariés, y compris les intérimaires, stagiaires, apprentis, volontaires en service civique et bénévoles.
  3. Dans certaines hypothèses où il y a une pluralité d’employeurs, l’entité qui reçoit le signalement ne sera pas nécessairement celle qui aura l’obligation de le traiter ; l’enquête interne peut être menée conjointement.
  4. Afin d’améliorer l’efficacité des dispositifs de signalement, l’entreprise privée ou l’administration publique doit accuser réception de tout signalement.
  5. Le fait qu’un signalement soit anonyme ne doit pas empêcher son traitement ; il faut tenir compte de la gravité des faits et des éléments transmis.
  6. Le dispositif de signalement doit garantir la stricte confidentialité des informations recueillies.
  7. Informer les personnes ayant signalé les faits de l’ouverture d’une enquête interne, sauf si cela présente un risque de pression.
  8. Les représentants du personnel doivent être informés lorsqu’ils sont à l’origine du signalement dans le cadre de leur droit d’alerte.
  9. Anticiper la reprise d’activité des victimes en échangeant avec elles sur les mesures de protection à mettre en place.
  10. Prendre en compte la dégradation de l’état de santé de la personne qui a signalé les faits et proposer un aménagement du poste de travail si nécessaire.
  11. L’éloignement temporaire de la personne mise en cause peut être nécessaire pour protéger la victime présumée et l’intérêt du service.
  12. Rappeler aux victimes et aux témoins qu’ils sont protégés contre les représailles.
  13. L’interdiction des représailles doit être rappelée par écrit à la victime présumée et aux témoins le plus tôt possible.
  14. La méthodologie de l’enquête interne doit être fixée en amont et formalisée après information des instances représentatives du personnel.
  15. Chaque étape de l’enquête doit être retranscrite par écrit afin d’en assurer la traçabilité.
  16. L’information de la personne mise en cause doit être privilégiée pour garantir l’impartialité, sauf si un risque de pression existe.
  17. L’enquête doit être menée ou supervisée par au moins deux personnes pour garantir l’objectivité et l’impartialité.
  18. Lorsque l’enquête interne est menée conjointement avec des représentants du personnel, ceux-ci doivent être impliqués à chaque étape de la méthodologie.
  19. L’employeur doit s’abstenir d’exercer toute forme de pression sur l’enquêteur.
  20. L’enquêteur doit être une personne extérieure au service où se sont déroulés les faits.
  21. Les enquêteurs doivent être formés juridiquement sur les discriminations, le harcèlement sexuel et les techniques d’audition.
  22. Avant de confier une enquête à un prestataire externe, s’assurer des compétences juridiques de l’intervenant.
  23. La victime présumée, la personne mise en cause et les témoins pertinents doivent être auditionnés.
  24. La victime présumée ou la personne mise en cause en arrêt maladie doit pouvoir être entendue si elle le souhaite.
  25. Les auditions doivent être retranscrites de manière quasi exhaustive et soumises à la signature de la personne auditionnée.
  26. Le rapport d’enquête doit exposer les faits allégués, les mesures de protection mises en place, les étapes de l’enquête, les justifications de la personne mise en cause et les propositions de qualification juridique.
  27. Les enquêteurs doivent veiller à la rédaction objective du rapport d’enquête.
  28. La qualification juridique des faits revient à l’employeur et doit être réalisée avec la plus grande attention.
  29. Éviter de minimiser les faits ou de les justifier par leur caractère humoristique.
  30. L’encadrant qui s’abstient de transmettre un signalement de discrimination doit faire l’objet de sanctions disciplinaires.
  31. Dans l’emploi public, les victimes présumées doivent être entendues dans le cadre de la procédure disciplinaire.
  32. Informer les victimes de l’issue de la procédure disciplinaire.
  33. Prendre en compte la situation des salariés et agents postérieurement à l’enquête interne et proposer un accompagnement à long terme.
  34. Transmettre aux référents égalité et représentants du personnel un bilan annuel des signalements anonymisés.
  35. L’enquête interne doit permettre de recueillir des éléments probants en garantissant le respect des droits de toutes les parties.
  36. Une attention particulière doit être portée aux cas de harcèlement sexuel d’ambiance.
  37. Les enquêteurs doivent être formés aux biais cognitifs pour éviter des interprétations erronées.
  38. Organiser un suivi post-enquête pour éviter d’éventuelles représailles ou conséquences négatives pour la victime.
  39. Diffuser régulièrement l’information sur les dispositifs de signalement auprès des agents et salariés.
  40. Mettre en place une communication spécifique sur les droits des victimes et des témoins.
  41. Être particulièrement vigilant quant aux justifications invoquées par les mis en cause.
  42. Impliquer activement la hiérarchie dans la prévention et le traitement des discriminations.
  43. Assurer la confidentialité des signalements même en cas de contentieux judiciaire.
  44. Veiller à ce que les sanctions disciplinaires soient effectives, proportionnées et dissuasives.
  45. Garantir le respect du contradictoire tout au long de l’enquête interne.
  46. Mettre en place des procédures internes de réexamen des conclusions des enquêtes.
  47. Accorder une attention spécifique au harcèlement discriminatoire et à ses impacts.
  48. Renforcer l’implication des médecins du travail dans l’accompagnement des victimes de discrimination.
  49. Garantir la prise en compte des signalements de harcèlement et discrimination au sein des bilans sociaux annuels.

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Des progrès freinés par des inégalités persistantes

 

 

Alors que la féminisation des filières scientifiques et techniques progresse à certains niveaux, l’étude Gender Scan 2025 met en lumière des freins structurels encore très présents. Découragement, stéréotypes, inégalités de traitement et de reconnaissance : les étudiantes restent confrontées à un environnement qui peine à se transformer en profondeur.

 

Une féminisation en hausse… à certains niveaux seulement

 

Entre 2013 et 2021, la France a enregistré une croissance de +50,4 % du nombre de femmes diplômées dans le numérique, passant de 4 002 à 6 020 diplômées. Cette progression, bien que significative, reste inférieure à la moyenne européenne (+89 %). Elle s’explique principalement par une amélioration dans les diplômes de cycle court et de niveau licence.

 

Mais cette dynamique ne s'étend pas aux niveaux master et doctorat, ni aux spécialisations industrielles, où la proportion de femmes chute. En 2021, la part de femmes diplômées dans le numérique reste inférieure à 20 %, et certaines fonctions techniques ne comptent toujours que 14 % à 18 % de femmes en poste.

 

Des freins genrés toujours bien ancrés

 

Plus de 40 % des étudiantes en école d’ingénieurs déclarent avoir été dissuadées de s’orienter vers les STIM (sciences, technologies, ingénierie, mathématiques), un taux stable par rapport aux années précédentes. À l’inverse, la proportion d’hommes se sentant découragés est en baisse, creusant un écart notable selon le genre.

 

Dans le numérique, les chiffres sont plus préoccupants encore : 56 % des étudiantes indiquent que les motifs de découragement sont liés à leur genre. 26 % d’entre elles déclarent avoir entendu que ce ne sont “pas des métiers pour les femmes” et 30 % évoquent une hostilité du milieu. Chez les hommes, cette dernière proportion tombe à 1 %.

 

Stress, sentiment d’illégitimité et perte de reconnaissance

 

Les étudiantes se déclarent de moins en moins “très satisfaites” de leur parcours, à l’inverse des étudiants, pour qui cette satisfaction est en hausse. Dans les STIM hors numérique, cette chute est de -3 points entre 2021 et 2025 ; dans le numérique, elle atteint -8 points. Parmi les causes évoquées : un sentiment de ne pas être à sa place, une reconnaissance moindre pour le travail accompli, et un accompagnement perçu comme insuffisant.

 

Les chiffres sont parlants : 51 % des étudiantes STIM hors numérique affirment ne pas avoir le niveau pour réussir, contre 39 % des hommes. Le stress est également plus présent chez elles, avec un écart de 22 points par rapport aux hommes dans les STIM hors numérique, et de 23 points dans le numérique.

 

Stéréotypes sexistes : des reculs timides

 

Les comportements sexistes restent fortement ancrés dans l’expérience des étudiantes. En 2025, une étudiante sur cinq a été témoin de harcèlement sexuel dans son cadre d’études. Un tiers a entendu que “les femmes sont faites pour s’occuper des enfants”, et une sur trois affirme avoir entendu que les filières STIM ne sont pas faites pour elles.

 

Si la proportion de victimes de comportements sexistes diminue (-10 points dans les STIM hors numérique, -2 points dans le numérique), ces chiffres témoignent encore d’une ambiance perçue comme excluante. Et cette perception est aggravée par une réalité : les femmes sont toujours nettement sous-représentées dans les fonctions d’encadrement et les rôles spécialisés.

 

Entrepreneuriat : des ambitions freinées dès la formation

 

Les étudiantes et étudiants connaissent globalement les mêmes dispositifs d’accompagnement à l’entrepreneuriat, mais leur impact est inégal. Seules 15 % des étudiantes en STIM estiment que leur participation à ces dispositifs a renforcé leur envie d’entreprendre, contre 32 % des étudiants. Dans le numérique, l’écart est similaire.

 

Les verbatims recueillis dans l’étude révèlent que les étudiantes évoquent majoritairement des motivations personnelles ou une volonté d’impact, mais très peu parlent de l’apport direct des dispositifs. À l’inverse, 55 % des étudiants du numérique les jugent utiles. Cela pose la question de leur accessibilité réelle et de leur capacité à répondre aux besoins spécifiques des futures entrepreneuses.

 

Lien vers l’étude : urlr.me/cxwNvj