La Cour des comptes met enfin son nez dans la gabegie GMBI, le service en ligne pour les usagers propriétaires
La Cour des comptes met enfin son nez dans la gabegie GMBI (1) et elle ne fait pas semblant !
Tout ce que notre syndicat dénonçait depuis le lancement de ce chantier en 2023, à savoir qu’il constituait un accident industriel majeur, se trouve désormais sourcé et chiffré avec la rigueur que l’on connaît aux magistrats de la rue Cambon.
NOTRE SYNDICAT AVAIT POURTANT ALERTÉ
Dès le tout premier Groupe de Travail le 5/11/2020 où nous était présenté ce projet, vos représentants F.O.-DGFiP posaient la question de l’impact sur les services et pointaient le risque créé par la nouvelle obligation déclarative des propriétaires. Plus le projet se construisait (GT en 2022), plus nous alertions, en vain !
Aujourd’hui, qu’ils sont loin les prétendus « trémolos dans la voix » et « les larmes aux yeux » des américains devant le dernier bijou de modernisme fiscalo-numérique que leur présentait Gabriel Attal à l’époque.
Dans le rapport public thématique de janvier 2025 de la Cour des comptes intitulé « Gérer mes biens immobiliers – Une campagne 2023 chaotique aux très lourdes conséquences financières pour l’État », les magistrats reprennent point par point nos griefs maintes fois dénoncés.
- Une campagne de communication défaillante ne proposant qu’une procédure par internet, source de tracasseries multiples et variées pour une population de propriétaires souvent âgés et forçant les collègues à bricoler des formulaires papier clandestins ;
- Un outil mis en production en janvier 2023 sans être totalement finalisé ;
- Des difficultés techniques insuffisamment anticipées : multipropriétaires, SCI, bailleurs sociaux, collectivités territoriales ;
- Une obligation déclarative assortie d’une amende en cas de manquement, alors que seulement 50% des déclarants avaient effectué la démarche à une semaine de l’échéance, forçant la DGFiP à une pitoyable reculade en repoussant 2 fois de suite la date butoir à l’été 2023 ;
- La Cour explique que cet embrouillamini a conduit la DGFiP « à un afflux de demandes et de déplacements d’usagers dans les centres des impôts dans les derniers jours de juin et les premiers jours de juillet 2023, ce qui a mis les services de la DGFiP en grande difficulté »
- Au final, seuls 54,1 millions parmi les 71,4 millions de locaux (75%), dépendances comprises, ont été recensés à l’issue de la 1ère campagne, fragilisant ainsi l’établissement des rôles ;
- Un coût de 37,2 M€ pour l’outil (chiffré à12,7 M€ au départ), auxquels se rajoutent 20 M€ de frais annexes (recrutement de contractuels, prime GMBI aux personnels) pour une note finale à 56,4 M€ : « Le coût direct se révèle au final trois fois plus élevé que ce qui était prévu dans la saisine de la Dinum, et cinq fois plus élevé en intégrant les mesures d’urgence mises en place en 2023 » ;
- C’est pour colmater toutes ces voies d’eau du rafiot GMBI que la DGFiP a été contrainte de mettre en place plusieurs mesures d’urgence qui ont pesé sur les caisses de l’État, avec notamment une équipe spéciale mise sur pied à la hâte dédiée à l’accompagnement des déclarants les plus en difficulté (multipropriétaires, SCI etc...).
Toutes ces critiques, notre syndicat les avait dénoncées, et notamment le choix discutable du couplage avec la campagne déclarative de l’impôt sur le revenu 2023 sur les revenus 2022 et les communications égrenant un compte à rebours ou agitant la menace d’une amende qui ont semé la panique chez les propriétaires ; sans parler des files d’attente d’une ampleur inhabituelle accueillies dans des conditions parfois indécentes.
Le déploiement de GMBI a réussi le tour de force de transférer le travail aux usagers tout en accroissant démesurément la charge de travail des agents.
1,3 MILLIARD DE PERTE POUR L'ÉTAT QUE LA DGFIP A VOULU PASSER SOUS SILENCE
Les magistrats de la Cour des comptes expliquent que la note est encore plus salée si l’on intègre les conséquences des erreurs déclaratives, à savoir les erreurs de calcul de TH sur les résidences secondaires ou sur les logements vacants.
C’est ainsi que des centaines de milliers d’avis de Taxe sur les Logements Vacants (TLV) et Taxe d’Habitation sur les Logements Vacants (THLV) ont été émis à tort (parfois à des mineurs !) sur tout le territoire en 2024, exactement comme en 2023. L’État étant tenu de laisser aux collectivités (principales perceptrices de la TH sur les résidences secondaires) les trop-perçus et de rembourser les contribuables, il en découle donc « une perte de plus d’1,3 milliard d’euros pour le budget de l’État » soit 34 % du produit des trois taxes concernées en 2023, déplore la Cour.
Pire, on apprend dans le rapport que la DGFIP a dissimulé au Ministre le risque budgétaire lié à la prise en charge intégrale des dégrèvements sur le budget de l’État !
DES AVIS DE TAXES D'URBANISME NON ADRESSÉS : UNE PAILLE À 700 M D'EUROS !
Concernant les taxes d’urbanisme, « Il apparaît également que le contrôle informatique entre la surface déclarée par le propriétaire et celle figurant dans l’autorisation d’urbanisme n’est pas automatique, fragilisant les données récoltées ». La Cour écrit donc que « la DGFiP devra lever ces différentes difficultés pour permettre à GMBI de devenir un puissant outil de fiabilisation automatique d’une grande partie des données du cadastre ».
Nous écrivions lors d’un COSUI TU ( comité de suivi Taxe d'urbanisme) du 29/4/2024 : « Ces propos liminaires ne pouvaient se terminer sans dresser un constat d’échec, celui d’un ap- plicatif inabouti avec des premières taxes laborieusement mises en recouvrement. ».
Nous étions en dessous de la réalité puisque fuite dans la presse que la grande majorité des avis de taxation qui devaient être envoyés aux propriétaires devant s’acquitter de ces taxes n’ont pas été expédiés depuis plus d’un an, générant un manque à gagner d’environ 700 millions d’Euros dont les collectivités sont au final contraintes de supporter !
LA COUR TACLE SUR LE RGPD...
Pour se conformer aux obligations du règlement général sur la protection des données (RGPD), la DGFiP a eu du retard à l’allumage. « Au 30 octobre 2024, les textes relatifs aux finalités des traitements de données personnelles dans le cadre de GMBI n’ont toujours pas été publiés ».
La DGFiP indique avoir pris les mesures nécessaires en ayant soumis à la signature du gouvernement le 15 octobre 2024 le décret destiné à répondre aux demandes de la CNIL.
Parmi les recommandations, celle consistant à désigner « un directeur de projet transverse et de plein exercice rattaché au directeur général pour la conduite de projets informatiques à fort enjeux technique, juridique, administratif et financier » est primordiale pour nous. Elle aurait permis d’éviter peut être ce cataclysme mais aussi sans doute le crash de ROCSP.(RECOUVREMENT OPTIMISÉ DES CRÉANCES DE LA SPHÈRE PUBLIQU)
Pour nous, Il est largement temps de redonner aux services de la DGFiP les moyens humains, budgétaires et informatiques nécessaires à l’exercice quotidien des missions et de sortir de l’illusion coûteuse que la dématérialisation pourvoit à tout. L’obsession de la réduction de la dépense publique est une drogue dure et ce sont toujours les agents et les usagers qu’ils servent qui finissent par payer l’addiction.
Loin du pari du «tout numérique», la DGFiP doit se rendre compte qu’elle manque de moyens, tant humains qu’informatiques, et ce ne sont pas les nouvelles suppressions d’emplois qui contribueront à améliorer le service rendu ou à nous mettre à l’abri de nouveaux GMBI.
IL FAUT D’URGENCE INVERSER CETTE POLITIQUE DÉSASTREUSE ET PARADOXALEMENT COÛTEUSE DU « TOUJOURS PLUS AVEC MOINS » OU TOUT CELA FINIRA MAL.
(1) GMBI (Gérer mes biens immobiliers) : le service en ligne pour les usagers propriétaires
cf: https://www.miroirsocial.com/participatif/mea-culpa-sur-gerer-mes-biens-immobiliers