La pénibilité psychique
Contrairement à ce que l’on observe pour la pénibilité physique, la charge mentale ne dépend pas de la catégorie socioprofessionnelle. Elle frappe en revanche certains secteurs plus que d’autres : la santé, le social, l’hébergement et la restauration.
La pénibilité psychique est fortement ressentie : 47 % des actifs interrogés estiment que leur travail est psychologiquement pénible. « Les questions liées à la santé au travail, surtout la santé mentale et le traitement, si possible préventif, d’une charge psychique excessive, doivent devenir des préoccupations centrales », recommandent les auteurs du rapport précité.
Ce qui est en cause, c’est l’intensification du travail et ses nouvelles formes d’organisation envahissantes. On peut avoir une charge psychique lourde en travaillant trente-cinq heures, d’autant qu’on ne déconnecte plus .
Dans les différents travaux et missions et travaux instaurant les référentiels de pénibilité, il y a en effet, absence totale de prise en compte de la pénibilité psychique et de la charge mentale.
Il faut distinguer la pénibilité psychique de la dimension physique dans tout secteur d'activité et la compréhension de ses articulations avec le stress et l'épuisement professionnel afin de mieux saisir ses enjeux.
Dans la thèse précitée de 2016, 39 salariés d’une industrie agroalimentaire et 32 salariés d'une entreprise de prestation de services ont pris part à cette étude. Les analyses ont diagnostiqué la présence de la pénibilité psychique dans les deux secteurs d'activité et les résultats montrent qu'elle constitue l'un des prédicteurs du stress et de l'épuisement professionnel.
Cette pénibilité est distincte de la pénibilité physique, se caractérise à la société agroalimentaire par les facteurs indirects liés à l'activité, tels que le poids de la responsabilité relatif au poste occupé, l'inexpérience dans un poste de travail, la crainte de commettre une erreur à lourde conséquence pour l'entreprise et l’hyper vigilance imposée par le rythme de la machine.
Dans l’entreprise de prestations de services, elle se caractérise par une forte pression de travail liée au travail de dernière minute, aux contraintes de délais très courts, au travail dans l'urgence, à une charge de travail importante associée à l'ajout régulier des dossiers, à un style de management trop directif, à une organisation du travail inappropriée et au manque de reconnaissance du travail de certaines catégories socioprofessionnelles par la hiérarchie.
En outre, la satisfaction au travail et le sens du travail participent à la variabilité interindividuelle de la pénibilité psychique.
La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a instauré diverses dispositions relatives à la prise en compte des effets à long terme du travail sur la santé des salariés. Elle complète les principes généraux de la prévention des risques professionnels (Code du travail, art. L. 4121–2) en précisant que l’employeur doit mettre en place des actions de prévention de la pénibilité au travail.
En marge de ces facteurs, on peut distinguer une « pénibilité » plus subjective, difficile à mesurer et à prévoir mais qui concerne aussi la santé physique des travailleurs (par le biais des processus physiologiques du stress).
Définie, de manière très générale, comme les conséquences sur la santé de facteurs susceptibles d’affecter le psychisme des individus, la pénibilité mentale au travail (à la fois cognitive et émotionnelle) est assimilable aux troubles psychosociaux. En effet, ces derniers peuvent être définis comme des difficultés, des perturbations ou des pathologies affectant un individu (troubles du sommeil, retrait, addictions, agressivité, démotivation, anxiété, dépression, burn out, etc) ou un collectif (conflits, harcèlement, absentéisme, exclusion, baisse de productivité, difficultés de communication, etc.) en raison de leurs conditions d’emploi, de facteurs organisationnels ou relationnels au sein de leur unité de travail.
Cependant, à la différence des « traces sur la santé » visées par la définition juridique de la pénibilité, les conséquences des troubles psychosociaux ne sont pas nécessairement irréversibles.
Le stress au travail est une perception subjective. Or l'aspiration, les attentes que l'on a vis-à-vis de son travail ont considérablement évolué ces dernières décennies. Si le travail sert à gagner sa vie, personne n'a plus envie de perdre sa vie à la gagner. Chacun attend de son travail une certaine source d'épanouissement.
Or quelles sont les caractéristiques du travail pour la plupart des collaborateurs aujourd'hui ? La première tendance est d'optimiser au maximum le travail de chacun. Cela se fait par l'intermédiaire de « process » qui décrivent ce que chacun doit faire. La majorité des collaborateurs se sentent de purs exécutants, dont la productivité et le rythme de travail doivent s'améliorer d'année en année. S'y ajoute la sollicitation émotionnelle de toute une partie des salariés en contact avec la clientèle. De plus en plus exigeante, celle-ci se montre souvent agressive face aux représentants de l'entreprise qui, la plupart du temps, n'a d'autres choix que d'absorber cette agressivité comme elle le peut. Enfin, l'entreprise a une nécessité d'adaptation vis-à-vis de l'environnement, qui suppose de faire changer ses collaborateurs très souvent.
La pénibilité psychique est en grande partie due à ce trio : travail contraint à un rythme qui s'accélère, sollicitation émotionnelle, changements répétés sans être accompagnés. Il est d'ailleurs frappant de voir l'omniprésence de la fatigue dans l'entreprise. Pour réduire cette pénibilité, il faut redonner de l'espace aux collaborateurs, les aider pour faire face aux sollicitations émotionnelles et surtout les accompagner dans le changement.
La pénibilité psychique n’est pour ainsi dire pas spécifiquement reconnue sauf si l’on considère que certaines formes de pénibilité physique (certains rythmes de travail notamment) sont génératrices de difficultés sur la santé mentale des salariés. Cette absence de traitement particulier ne signifie pas pour autant que l’employeur est exsangue de toute obligation. En effet, il n’en reste pas moins que l’obligation générale de sécurité vise autant la santé physique que mentale. Il y a donc lieu de traiter la pénibilité mentale de ses salariés et ce sans avoir forcément des critères et des seuils de références.
Suivant la thèse de doctorat en Psychologie du travail de Mick Sédric Ngoulou-Kobi , le rapport des actifs au travail de L’Institut Montaigne publié, jeudi 2 février 2023 et un article paru en 2010 dans les Echos d’Eric Albert.
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