Contrôle fiscal : trop robot pour être honnête !
Dans le cadre de projets numériques du Service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF), un groupe de travail avec les organisations syndicales de Bercy a été organisé fin juin avec pour objet la présentation de l’évolution des projets informatiques en cours de développement au sein de la sphère du contrôle fiscal. Pour le responsable du contrôle fiscal cette transformation est une nécessité notamment au regard du développement croissant du commerce électronique.
Survie numérique ?
Ce rapport sur la transformation numérique du métier juridique de la DGFIP à l’horizon 2025/2030 a pour objectif de faire un retour sur l’évolution du métier juridique au sein de la DGFIP. La DGFIP doit absolument évoluer afin d’être à égalité des armes face à des parties adverses de plus en plus pointues, tels les cabinets d’avocats.
Cette transformation s’opérera au travers de trois modules :
- un système d’échanges dématérialisés entre les demandeurs avec un projet d’entrée unique pour l’ensemble des demandes, couplé à un ensemble d’outils collaboratifs et progiciels permettant de suivre l’évolution du dossier ;
- un système expert en l’absence de base documentaire recensant les rescrits, à savoir la base des précédents qui concernera uniquement les rescrits les plus significatifs et la base documentaire qui comportera, notes, mémoires ainsi que les revirements de jurisprudence, de contentieux ;
- un système prédictif qui utilisera l’intelligence artificielle afin que la DGFIP détermine en amont les tendances du contentieux.
En réponse à nos inquiétudes, le chef du contrôle fiscal répond qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le projet numérique et les suppressions d’emplois mais que le seul objectif est de surseoir à la perte de mémoire et de compétences liée aux départs à la retraite dans les Directions des Affaires Juridiques. Nous ne sommes pas dupes !
Pourtant ce même rapport souligne que la progression des recours en contentieux et des rescrits met en difficultés les services en raison des départs non remplacés et que cette informatisation est une question de survie !
Intelligence superficielle plutôt qu’artificielle
La mise en oeuvre du projet CFVR (Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes) a pour but d’améliorer le contrôle fiscal en ciblant les opérations de contrôle.
- Il convient de rappeler que ce projet est financé par le Fonds de Transformation de l’Action Publique (FTAP) qui, en contrepartie de son financement, demande à la DGFIP de sacrifier 500 emplois Équivalent Temps Plein !
La DGFIP se targue de résultats 2021 satisfaisants alors que la réalité est tout autre car sont inclus dans les résultats, les rehaussements liés à la défaillance déclarative qui relève du contrôle de régularisation et que ces mêmes résultats sont comparés à 2020, année blanche en matière de contrôle fiscal.
Pour nous il importe d'insister également sur le fait que ces « supers » statistiques semblent bien différentes de la réalité de terrain. Force est de constater que les directions locales n’hésitent pas à modifier l’origine du contrôle au détriment de la programmation locale ou privilégient le traitement des listes issues du datamining toute affaire cessante. Rappelons que c’est bien l’humain qui trouve les anomalies et non le data mining.
Notre syndicat a tenu à soulever également les problématiques liées aux croisements des données internationales et aux moyens juridiques mis en oeuvre en matière d’achat numérique notamment sur ALI express géré par la Chine, le crowfounding, Paypal géré par le Luxembourg, Stripe par les Etats-Unis, les comptes Trésor non répertoriés…
De Dune à Pilat, le terrain reste mouvant
Le projet PILAT (PIlotage et Analyse du conTrôle) a pour cible de centraliser tous les échanges possibles en matière de contrôle fiscal, remplaçant les applications ALPAGE, RIALTO/MEMO et CFIR ainsi que tous les outils de pilotage. Ne nous leurrons pas, la mise en oeuvre de ce projet n’a là encore qu’un seul objectif : la suppression de 150 ETP pour compenser le prétendu cadeau du Fonds de Transformation de l’Action Publique (FATP).
Alors que le Gouvernement prône la soi-disant lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, l’évasion fiscale n’a jamais atteint un niveau aussi important. Pourtant l’État continue à faire des économies sur les moyens de contrôles.
- Rappelons que seulement 10% des droits rappelés au titre du contrôle fiscal ont pour origine des dossiers sélectionnés via l’IA...
Poursuivre la destruction des services locaux de recherche (BCR) et des brigades de vérification (BDV,) mettre en place le pôle national de CSP à distance, fixer un objectif de 50 % de fiches issues du data mining, les suppressions d’emplois vont contribuer largement à la remise en cause de l’égalité de traitement des usagers devant l’impôt. Et quelle est la place des pôles de contrôle expertise (PCE), des Pôles Contrôle Revenus Patrimoine (PCRP) qui connaissent le terrain, le tissu fiscal dans la cible du data mining ?
Notre organisation syndicale entend bien s’opposer à toute tentative d’unification des réseaux de recouvrement des recettes fiscales et sociales et réaffirme que la lutte contre la fraude fiscale est plus que jamais un enjeu démocratique, civique, économique et budgétaire majeur.