Organisations
Transition écologique : des directions poussées à agir sous peine de voir leur marge de manœuvre se réduire
L’étude réalisée par Technologia avec le partenariat de France Inter et les 9 journaux quotidiens du groupe Ebra, a démontré qu’actuellement, une intense réflexion avait lieu au sein des entreprises afin de réduire leur empreinte carbone. Cette réflexion ne débouche pas encore sur une forte impulsion du top management mais des actions devraient en surgir. Une avant-garde d’entreprises est déjà engagée. En métropole, on recense environ 200 projets significatifs d’investissements pour réduire les émissions carbonées.
Les dirigeants sont confrontés à une forte complexité. Cette transition écologique impose une remise à plat des instruments de production et les questionne tant sur le plan scientifique que technologique et organisationnel. Les investissements sont lourds. Ils sont déterminants sur le plan stratégique et une erreur dans la décision peut s’avérer critique. Les dirigeants se trouvent aussi avec la peur d’altérer leur outil de production dans un marché devenu ultra concurrentiel pratiquement dans tous les secteurs de l’économie et donc d’altérer leurs revenus et leurs richesses.
L’étude a montré que ce retard dans l’action conduisait aussi à une sorte de schizophrénie chez les salariés/citoyens. En majorité, au-delà de leur fonction ou de leur statut, de leur âge et de leur genre, ils savent que le temps est compté pour lutter contre les dérives du climat. Ils attendent une impulsion, un programme un plan général pour que le train de l’environnement se mette enfin en marche. Ils adoptent dans l’attente des actions d’ordre individuel qui obéissent à une forme d’autodiscipline (nous avons présentées celles-ci lors des deux premiers papiers publiés sur Miroir Social).
- Agir en faveur de l’environnement au sein de l’entreprise : la vision actuelle des dirigeants et des salariés
- Lutte contre les dérives du climat : pédagogie de 7 actions concrètes à mettre en place au sein des entreprises
Cette mise en mouvement nationale ne devrait plus tarder. Les grandes entreprises françaises (plus de 5000 salariés en France ou 10 000 dans le monde) ont désormais une obligation légale très contraignante en matière de préservation de l’environnement et des droits des humains au travail. La France a adopté en effet, en 2017, une réglementation qui impose à ces sociétés un devoir de vigilance en la matière. Cette vigilance concerne leurs actions, celles de leurs filiales mais aussi celles de leurs fournisseurs et sous-traitants ou qu’ils soient dans le monde. Les poursuites judiciaires engagées contre la firme française Yves Rocher par des syndicats en Turquie en témoignent.
Cette réglementation devrait être étendue à plus 10 000 entreprises en Europe en 2025 par une directive de l’Union Européenne en cours d’adoption. Même s’il faut garder vigilance, les salariés français demeurent en ligne générale préservés des attaques de grande ampleur contre leurs droits fondamentaux sur le plan humain. Cela en raison de l’action syndicale libre et indépendante, des instances publiques de régulation et bien entendu de celle des médias. Les émissions de gaz à effet de serre et autres atteintes à l’environnement seront en revanche au cœur des débats apportés par cette loi.
Dans notre pays, les entreprises vont être obligées d’avancer à marche forcée sur la réduction de leur empreinte carbone. L’obligation de faire est déjà bien présente et les marges de manœuvre juridiques restreintes. Les rythmes pour que cette décarbonation soit supportable devront néanmoins tenir compte de la nécessité de ne pas trop atteindre la compétitivité et l’emploi. Et l’on peut parier que les innovations avancées tant sur le plan social que technologique qui tiendront en compte ces deux contraintes seront plébiscitées.
Dans ce but « comment faire » au sein de l’entreprise pour favoriser l’action ? les pistes sont nombreuses (liste non exhaustive).
- Consommer moins de chauffage et modifier les sources de chaleur par la géothermie ou la cloachotermie ou encore par une mise en place de chaudière alimentée par la valorisation incinération des déchets.
- Réduire les déchets. Eviter les consommations d’emballages et de papier. Favoriser le compost pour les déchets organiques certains acteurs assurent la récupération de caissons pour l’exploitation en liaison avec des agriculteurs.
- Renforcer le recyclage des déchets : airbus a réussi l’exploit de faire voler un A380, le plus gros avion commercial du monde avec de l’huile de friture recyclée et sans une goutte de kérosène ; cette combustion réduisant très fortement les émissions de gaz à effet de serre.
- Faciliter les consommations à proximité pour les restaurations d’entreprise : Moins chères, plus fraîches que les livraisons de cuisine froide des grandes structures issues de la restauration collective. Plusieurs sociétés apparaissent sur ce segment comme Mille et Un Repas.
- Travailler avec des ressourceries. De plus en plus de sociétés recyclent leur matériel informatique, leur mobilier etc. en direction de sociétés ou associations qui leur offrent une seconde vie. Chaque déchet ou rebut peut être transformé.
- Financer et réaliser des travaux d’isolation pour tous les bâtiments
- Asservir les bâtiments pour les équiper en captation d’énergie solaire
- Assurer une meilleure maitrise des process de production pour en réduire l’entropie.
- Lancer des programmes d’investissement pour l’exploitation de l’hydrogène de source verte. Les innovations en cours devraient permettre d’ici quelques années de mettre en place de manière opérationnelle ces solutions pour satisfaire les besoins en énergie de l’humanité.
- Renforcer quand c’est possible l’usage de l’électricité comme source énergétique en remplacement des sources carbonées. (Par exemple faire passer les fours verriers dans les verreries à l’électricité ou encore les hauts fourneaux). Cette piste est à privilégier en France.
Pour être au rendez-vous d’une économie bas carbone de plus en plus d’entreprises de taille significative ont donc décidé de se donner des marges de manœuvre en investissant massivement dans ces nouveaux processus de production. Selon le ministère des finances des centaines de projets sont en gestation.
Ces approches nouvelles particulièrement celles des sources d’énergie pour limiter les coûts résultant du chauffage l’hiver ou de refroidissement l’été, sont rentables. Cette logique écologique répond ainsi aussi à des exigences financières. les réalisations se multiplient (voir la société Optic 2000 qui a lancé un lourd investissement en ce sens à Clamart.) Le gouvernement de plus a annoncé en début février débloquer près de 6 milliards d’euros pour aider la décarbonation dans l’’industrie.
Si les grandes entreprises et sans doute les moyennes structures peuvent se doter de quelques marges de manœuvre en diversifiant leurs sources d’énergie, ce n’est pas le cas encore pour les plus petites. Celles-ci devront attendre que des bâtiments plus économes en énergie soient construits (ou rénovés par leur propriétaire) : meilleure isolation, géothermie, valorisation des déchets etc.
A court terme la majorité des promoteurs immobiliers vont intégrer dans leur programme ces avancées qui profiteront au secteur tertiaire. Les PME pourraient aussi sur une base territoriale joindre leurs efforts pour investir en commun dans des projets limitant les émissions carbonées ou assurer le partage des équipements. Mais cette approche qui suppose confiance et travail en coopération est plus complexe à mettre en place sans la présence de relations harmonieuses et/ou d’un tiers garant.
Pour les entreprises la sobriété énergétique est au cœur des dispositifs à mettre en œuvre. Celle-ci dépend aussi de la source énergétique employée. La France sur ce plan offre un avantage essentiel pour les entreprises grosses consommatrices d’énergie, son électricité nucléaire et hydraulique ; C’est une marge de manœuvre importante.
En France la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre pourrait favoriser de plus la réindustrialisation. L’hexagone a en effet une offre d’énergie électrique peu chère et décarbonée et c’est un avantage conséquent par rapport à d’autres pays qui ont fait d’autres choix.
Pour bien en saisir l’importance prenons le cas d’une multinationale. Celle-ci doit satisfaire à ses obligations de production bas carbone. Elle décide d’investir dans une flotte de voitures électriques en remplacement de sa flotte traditionnelle de véhicules diesel dans le but d’assurer une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. En Pologne ce projet aura moins d’intérêt qu’en France. Une voiture électrique en Pologne n’émet que 25% de CO2 de moins qu’un véhicule diesel. En effet la production d’énergie électrique dépend dans ce pays énormément du charbon (154 centrales électriques à charbon). En France le même choix aboutit à une réduction de 80 % de CO2 car la recharge est essentiellement fournie par l’énergie nucléaire et hydraulique.
Les entreprises qui réfléchissent à ces multiples contraintes pourraient donc pour répondre à ces besoins nouveaux réviser des choix antérieurs d’implantation de leur production et/ou de leur circuit ou de leurs modalités de distribution. En effet bon nombre redoutent de pâtir des erreurs qui ont été commises par les édiles politiques en ce qui concerne les sources d’énergies au niveau national. Pour les dirigeants d’entreprises et sans doute pour les représentants des salariés il faut certes se garder de commettre d’autres erreurs mais surtout ne pas amplifier les impacts des erreurs déjà commises. Donc faire preuve de lucidité et éviter les biais de raisonnement.
Enfin les dirigeants vont se trouver contraint d’agir car les salariés citoyens n’ont pas vocation à demeurer dans une situation malaisante et schizophrénique. Les jeunes générations ainsi désertent certaines formations (master en pétrochimie par exemple) ou se refusent à intégrer des entreprises qui pratiqueraient le greenwashing ou qui se montreraient peu responsables envers l’environnement. Une majorité des salariés se déclarent aussi prête à quitter ce type d’entreprise. Les élus du personnel qui disposent de nouvelles prérogatives vont se montrer d’autant plus exigeants à l’avenir s’ils veulent demeurer en phase avec leurs mandataires.