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Plasturgie : quand un accord de branche descend le SMIC
À l’heure où on entend dire qu’il faudrait passer par des accords de performance collective pour baisser les salaires, certains partenaires sociaux de la branche de la plasturgie ont apparemment trouvé une alternative que même le libéral Plastalliance n’a pas osé faire : établir un accord sur les salaires minimaux de 2020 avec le premier coefficient en-dessous du SMIC.
En effet, l’accord du 28 mai sur les salaires de 2020 proposé et rédigé par la Fédération de la plasturgie et des composites (FDPC) et signée par elle, la FCE-CFDT et la CFE-CGC chimie fixe le salaire minimum à attribuer au coefficient 700 à 1.539 euros. Or, le SMIC 2020 est fixé à 1.539,42 € depuis le 1er janvier 2020 (décret n° 2019-1387 du 18 décembre 2019 portant relèvement du salaire minimum de croissance).
S’il peut arriver que certains minima d’un accord de branche se fasse rattraper par l’augmentation du SMIC au 1er janvier, il n’est jamais arrivé en plasturgie (et peut-être même ailleurs) qu’un minimum soit placé en dessous du SMIC plus de cinq mois après la mise en vigueur de la nouvelle valeur.
- Le cas le plus similaire mais beaucoup moins grave pour les signataires concernés était celui de l’accord sur les salaires pour les minima de 2018 dans la chimie (voir ici). L’accord de la chimie avait été signé le 21 décembre 2017 par la FCE-CFDT au niveau du SMIC 2017 pour le premier coefficient, ce qui était légal. Sauf que la valeur au 1er janvier 2018 ayant été déjà annoncé, la FNIC CGT, la fédéchimie FO et la CFE CGC chimie ont fait opposition et ont fait tomber l’accord pour ce motif notamment.
Le cas de la plasturgie est bien plus grave. Il sera intéressant de voir la réaction de la CGT et de FO (opposition majoritaire à l'accord ?) car nous sommes tout de même devant la violation d’une règle d’ordre public qui peut induire des entreprises qui se baseraient sur l’accord de branche en erreur.
Rappelons qu’en application de l’article L 3231-6 du Code du travail, la participation des salariés au développement économique de la nation est assurée par la fixation du salaire minimum de croissance chaque année, avec effet au 1er janvier.
Rappelons que la violation du SMIC est pénalement réprimée en vertu des articles R 3233-1 du Code du travail et 132-11 et 132-15 du Code Pénal (pour la récidive dans ces deux derniers cas).
Rappelons que « le salaire minimum de croissance assure aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles la garantie de leur pouvoir d'achat ; (...) le manquement de l'employeur à son obligation de paiement d'une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance cause nécessairement un préjudice au salarié dont il appartient au juge d'apprécier le montant » (Cass. soc. 29 juin 2011, n° 10-12884, BC V n° 170).
Il est important de savoir que les négociations sur les minima de salaire 2020 ont commencé en octobre 2019 (déjà) et que près de quatre grilles différentes ont été proposées en 2020 par la FDPC avec, à chaque fois, le premier coefficient en-dessous du SMIC 2020.
Lors d'une réunion, Plastalliance avait d’ailleurs soulevé la nécessité de respecter le SMIC, ce à quoi un représentant de la FDPC avait répondu que, bien évidemment, cela serait le cas…
Plastalliance avait également demandé un délai supplémentaire jusqu’au 2 juin 2020 pour recueillir le maximum d’avis auprès des entreprises adhérentes sur l’opportunité de signer ou non un accord.
Car, à Plastalliance, ce n’est pas le président, le bureau exécutif, le CA, le secrétaire général, ou un comité réduit de type « CRH » qui décide de signer ou pas un accord ; ce sont les adhérents.
Ces derniers (à 100% des répondants) ont clairement indiqué ne pas vouloir de cet accord qui, par ailleurs, augmente les autres coefficients de près de 2,2 % à terme, ce qui est une folie au vu de la crise actuelle et dont le pire reste à venir.
Malgré les efforts qu’il faut saluer de la représentante du Ministère du Travail pour obtenir un court délai supplémentaire et permettre à Plastalliance de définitivement se positionner, ce délai a été refusé.
La FDPC a indiqué qu’elle s’en remettait à l’avis des OSS.
La FCE CFDT et la CFE-CGC chimie ont refusé le délai supplémentaire (FO ne s’est pas prononcée car non signataire et la CGT est absente des réunions non présentielles), la CFE-CGC parlant même de manœuvre dilatoire de la part de Plastalliance.
Nous voyons aujourd’hui le résultat, selon nous, de l’amateurisme et de la précipitation. Car l’accord a été signé électroniquement le même jour (ce qui est également une première dans la branche) et notifiée par courriel dès le lendemain (idem, jusqu’à présent c’était la lettre RAR).
En effet, les signataires voulaient absolument que l’accord entre en vigueur au plus tard le 15 juin, le délai d’opposition étant par ailleurs de 15 jours.
Pour Plastalliance, cette histoire ne fait que confirmer la nécessité de permettre aux entreprises de négocier elles-mêmes le pacte social librement consenti par elles avec leurs DS, élus et salariés et d’éviter de s’appuyer sur un paritarisme de branche qui réussit simultanément à nuire aux salariés les plus précaires et aux entreprises les plus économiquement fragiles.