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03 / 04 / 2019 | 244 vues
Pascal Huet / Membre
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Brexit et services douaniers : que d'incertitudes !

À la date où cet article est finalisé, de fortes incertitudes et de vives inquiétudes planent toujours sur le déroulement du Brexit, avec actuellement deux hypothèses :
 

  • une absence d’accord de retrait, entraînant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne initialement fixée au 29 mars 2019 à minuit, date finalement repoussée au 12 avril ;
  • l’aboutissement d’un accord qui permettrait la mise en place d’une période de transition jusqu’au 31 décembre 2020.


L’application d’un accord doit cependant être soumis au vote des deux Parlements (britannique et européen). Un vote contre des Britanniques en janvier 2019 a, pour l’instant, renvoyé les conditions du Brexit à la première hypothèse, celle d’un non-accord.


Mais au vu des enjeux, le report de la date du 29 mars a bien été confirmée au 12 avril, avec en dernière date butoir le 22 mai, du fait des élections européennes du 26 mai 2019.
 

En effet, sans accord et sans sortie effective en mars, le Royaume-Uni, alors toujours membre à part entière de l’UE, pourrait potentiellement être repris dans ces mêmes élections.


Pour rappel, le Royaume-Uni est le deuxième partenaire économique de la France, avec lequel notre balance commerciale est positive (contrairement à notre premier partenaire qu’est l’Allemagne). Il faut également préciser que, du fait de la libre circulation des biens et marchandises entre nos deux pays, le « chiffrage » exact de nos échanges est difficilement quantifiable en deçà des données fournies par les déclarations d’échanges de biens (DEB), qui ne concernent que les principaux échanges et non leur intégralité.


C’est dans ce florilège d’incertitudes que la direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI) a dû préparer ses services aux effets du Brexit, en affichant une volonté de se préparer à l’échéance la plus proche. Mais en affichage seulement.

Effets du Brexit sur la DGDDI

Pour les bureaux de douanes, cela impliquera principalement de procéder à des formalités déclaratives là où le dédouanement n’existait plus, avec une attention toute particulière sur le traitement des déclarations nécessitant des contrôles sanitaires et phytosanitaires (SPS), qui amènera la douane à s’aligner sur le dispositif que le Ministère de l’Agriculture via la Direction générale de l’alimentation (DGAL) mettra en place dans le cadre du Brexit.
Dans ce contexte, les contrôles physiques seront effectués si nécessaires soit par les services des opérations commerciales (OPCO), soit par les services de la surveillance, notamment aux jours et heures non ouvrables.

Pour les services de la surveillance, cela impliquera un renforcement des contrôles migratoires, avec vérification de visa (sauf dispense), de la durée de séjour et une application des formalités douanières relatives aux ressortissants d’un pays tiers (contrôle et taxation, contrôle des animaux de compagnie à l’import, détaxe et contrôle des déclarations à l’export…).

Les services de la DGDDI touchés par le Brexit

Ceux-ci se situent principalement dans la zone de franchissement Manche/Mer du Nord, nécessitant la reconstruction d’une frontière aux caractéristiques spécifiques avec le Royaume-Uni dans les Hauts-de-France.


En effet, cette frontière est essentiellement constituée d’un trafic routier via ferries ou navettes Eurotunnel, avec un trafic continu 24 heures/24, 7jours/7 (plus de 4 millions de camions par an dans les secteurs de Calais et Dunkerque) et d’un trafic de voyageurs, du fait de la proximité avec le Royaume-Uni et de la fréquence des rotations.


Mais d’autres zones de franchissement seront également affectées, à savoir les aéroports avec une forte proportion de vols britanniques, qui nécessiteront des contrôles migratoires plus poussés et des formalités douanières, les gares du réseau Eurostar et les ports bretons et normands.
 

Principales difficultés rencontrées

D’abord, des infrastructures inadaptées ou inexistantes, au vu notamment du peu de surface disponible au sein des infrastructures portuaires ou d'Eurotunnel ne permettant pas la création de zones de stockage ou de parking, notamment pour les contrôles physiques.


Les services d’opérations commerciales devront également prendre en charge l’accroissement important du nombre d’opérateurs économiques effectuant des opérations à l’international avec le Royaume-Uni.
Les services des douanes devront également prendre en compte les missions de formalités douanières des voyageurs en provenance et à destination du Royaume-Uni.

Principales réponses apportées

La première réponse au Brexit, prise dès 2017, a été la décision d’un recrutement supplémentaire de 700 agents, réparti sur trois ans (250 en 2018, 350 en 2019 puis 100 en 2020).


Concernant la zone plus spécifique des Hauts-de-France, de nouveaux services des opérations commerciales et de surveillance seront créés et certaines structures existantes, brigades et bureaux, seront renforcés.


Plus concrètement, concernant le dédouanement des marchandises, la zone du Calais sera pourvue de nouvelles structures spécifiques et inédites, avec la création de deux bureaux de contrôle des opérations commerciales, Dunkerque Ferry et Calais Port/Tunnel, fonctionnant 24h/24, 7j/7 et constitués par des agents des opérations commerciales, ce qui est inédit pour des agents n’appartenant pas à la catégorie active mais sédentaire, mis à part l’existence d’une unité spécifiquement dédiée au dédouanement de nuit à l'aéroport de Roissy.


La DGDDI prévoit également la mise en place pour Calais tunnel et le trafic ferries d’un nouveau dispositif, dont l’objectif et de garantir un passage de frontière routière fluide tout en restant en conformité avec le code des douanes de l’Union : « la frontière intelligente ».


Ce système est prévu pour tous les processus douaniers (import, export et transit) et consiste à appairer les déclarations de marchandises avec leur moyens de transports (camions) pour simplifier leur suivi au maximum et utiliser le temps de transport entre le Royaume-Uni et le continent pour finaliser les procédures de validation des déclarations, d’analyse de risque et de ciblage pour contrôles éventuels.


Concernant les services de la surveillance, les principales mesures envisagées pour les points de passage frontalier (PPF) aériens et maritimes sont la création de filtres déclaratifs « vert » (rien à déclarer) et « rouge » (déclaration en douane), la mise en place de bornes de détaxe pour les voyageurs, de dispositifs de visites pour les contrôles à l’import et à l’export ainsi que les contrôles migratoires, de processus de contrôle des animaux de compagnie et des marchandises périssables.


Au niveau du tunnel sous la Manche, les contrôles seraient effectués au départ pour garder une cohérence avec le dispositif prévu par le protocole de Sangatte, avec traitement des déclarations et taxations des voyageurs.


Le schéma arrêté pour les gares Eurostar prévoit à terme d’effectuer les opérations de contrôle et de taxation sur le territoire britannique (Saint-Pancras, Ashford et Ebbsfleet). Dans l’attente d’un protocole le permettant, ces contrôles s’effectueront embarqué dans les trains, après convention à passer avec Eurostar pour en déterminer les modalités, sans changement dans le dispositif des contrôles de sûreté.


Un dispositif spécifique dans les Hauts-de-France est donc prévu concernant les contrôles Eurostar en gare de Lille, avec la création d’une nouvelle brigade (BSE Lille ferroviaire) qui assurera l’ensemble des contrôles douaniers à Saint-Pancras, pour toutes les destinations en France, par l’envoi d’une équipe de contrôle chaque jour, ces contrôles s’effectuant dans un premier temps en embarqué.


Enfin, plus spécifiquement pour les voyageurs, la DGDDI développera également une application mobile pour effectuer la détaxe, qui utilisera les données de géolocalisation pour vérifier la présence du voyageur en zone d’embarquement.

Problèmes persistants

Pas des moindres, à maintenant très courte échéance de la mise en place du Brexit : pratiquement tout ce qui a été cité précédemment n’existe actuellement toujours qu’à l’état de papier et de projet, peut-être de moins en moins vague au fur et à mesure que les jours passent.


D’abord, quasiment aucune des nouvelles structures ou infrastructures précédemment citées n’a encore été créée ou est sortie de terre à l’heure où ces lignes sont écrites.

Aucun des nouveaux dispositifs techniques présentés n’a été finalisé ou testé dans des conditions réelles et opérationnelles, permettant d’en évaluer leur réelle faisabilité et les difficultés pouvant en découler.


De plus, depuis le vote des Britanniques en 2016, comment expliquer qu’un coordinateur national pour gérer les conséquences du Brexit sur le territoire n’a été nommé que mi-octobre 2018 ? À sa nomination sur ce poste, Vincent Pourquery de Boisserin s’est alors vu confier la mission de rencontrer les élus locaux afin de mettre en place les adaptations pratiques et les questions matérielles qui se poseraient, « territoire par territoire et port par port », 5 mois avant l’échéance de fin mars 2019 !


Sur un tel sujet, les impératifs budgétaires combinés aux incertitudes politiques ont donc mené l’administration des douanes à n’élaborer, jusqu’il y a peu, que des projets, plus ou moins aboutis, sans vraie réflexion sur leurs conditions de réalisation mais surtout rien de concret permettant d’affirmer que la Douane sera prête à reconstruire une frontière fin mars 2019.


Certes, nos homologues des autres pays de l’Union n’ont apparemment pas fait mieux, avec le même discours rassurant de « nous nous préparons au pire et nous serons prêts » eux aussi. Pour eux également, la réelle perspective d’un Brexit « dur » n’avait pas pour vocation d'être sérieusement pris en compte.


Certes, des effectifs supplémentaires ont été prévus dans le cadre du Brexit mais vu les trafics commerciaux et passagers entre la France et le Royaume-Uni, nous ne pouvions alors difficilement faire autrement, quelle que soit la forme que prenait le Brexit. À l’heure actuelle, qu’en est-il des structures d’accueil pour ce personnel ?


Par ailleurs, il faut bien préciser que la DGDDI n’est pas la seule administration touchée, bien qu’étant en première ligne sur le sujet. Qu’en est-il alors des nouveaux dispositifs de la Police de l’Air et des Frontières ? Qu’en est-il également des dispositifs de la DGAL concernant les contrôles SPS sur lesquels la douane doit se calquer ?


Là aussi, peu de choses de concret en vérité et le compte à rebours s’égrène inéluctablement avec une multitude d’incertitudes tant pour les agents des douanes que, plus généralement, pour les citoyens.

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Depuis plusieurs semaines, dans différents départements, des actions sont menées par des agents des Finances Publiques et de la Douane, pour la défense de leurs missions, de leurs emplois, pour une amélioration de leurs traitements, de leurs conditions de travail et pour un service public physique sur l’ensemble du territoire.

Ces actions sont multiples et se déroulent sous diverses modalités, démocratiquement débattues dans les services.

Au lieu de privilégier le dialogue social, le ministre et ses directeurs généraux sont passés, depuis quelques jours, à l’étape d’intimidation en menaçant les agents de sanctions disciplinaires.

En Haute Garonne, le directeur de la DDFiP a franchi la ligne rouge en assignant les grévistes et les représentants syndicaux locaux au tribunal administratif.

Du jamais vu à Bercy !

La fédération des finances FO, dans un communiqué,  apporte tout son soutien à ses collègues et camarades convoqués ce jour au tribunal.

La répression dont font preuve les dirigeants de Bercy est inadmissible et intolérable

Est-ce cela le nouveau management dans le nouveau monde ?

Il serait urgent de revenir   à un véritable  dialogue social avec les représentants du personnel pour répondre aux légitimes revendications des personnels.