Organisations
Plein le dos des actions faites sur le dos d'autres parties prenantes
Deux événements récents (la crise du porc et le scandale Volkswagen) amènent à mettre en exergue la tendance à concevoir des actions dans le monde du travail en sachant pertinemment qu'elles se font au détriment des parties prenantes. Elles résultent souvent d'un déséquilibre des pouvoirs ou d'un déficit d'éthique, voire de morale.
En illustration du déséquilibre des pouvoirs, prenons deux cas de figure. Le premier avec des actions réalisées au détriment du fournisseur, influencées par la loi de l'offre et de la demande. Moi, organisation, je peux créer de la pression sur mes fournisseurs ou fournisseurs potentiels car l'offre est plus large que la demande. Cette pression peut prendre différentes formes, certaines se traduisant dans les interactions humaines (humiliation, par exemple), pouvant constituer un risque psychosocial et, a minima, un déficit de qualité de vie au travail (QVT) pour les personnes concernées chez les fournisseurs, nonobstant les conséquences psychosociales liées à la dégradation potentielle de l'activité économique. La crise du porc en est un exemple.
Deuxième cas de figure en termes de déséquilibre : une répartition des fruits du travail qui se fait de manière exagérément inégale au détriment de salariés ou de certaines catégories de salariés et au profit des actionnaires et des dirigeants. Les tentatives de rééquilibrage se heurtant ostensiblement au refus des derniers.
Le cas de Volkswagen relève d'un autre phénomène : la triche. Une triche sur le dos de plusieurs parties prenantes : les clients, les États (des primes versées pour des voitures censées être écologiques) et les habitants de notre planète (pollution). N'oublions pas non plus tous les collaborateurs de Volkswagen et les actionnaires qui ne se retrouvent pas dans de telles méthodes.
Avec ma casquette de spécialiste de la qualité de vie au travail, je veux penser aussi aux éventuelles personnes qui auraient pu être dans la confidence, pouvaient ne pas être d'accord et auraient pu considérer qu'elles n'avaient pas d'autre choix que de taire cette escroquerie et de vivre avec. La fierté du travail bien fait constitue une dimension essentielle de la qualité de vie au travail ; il est clair que de tels agissements ne nourrissent pas cette dimension. D'autant plus qu'il n'y a pas que la fierté du travail bien fait : il y a aussi la fierté de l'équipe et de l'organisation à laquelle on appartient. Elle peut même être plus large et Volkswagen en est (était ?) un bel exemple : le fleuron de l'industrie allemande, de quoi susciter la fierté d'une grande partie de la population. Cette affaire constitue un séisme outre-Rhin et au-delà car elle crée non seulement la déception mais potentiellement le doute : d'autres constructeurs utiliseraient-ils aussi ce même type de procédé, voire d'autres industries ?
Volkswagen est sous les feux de la rampe, mais n'oublions que d'autres organisations trompent les consommateurs à des niveaux divers (et aussi diversement interprété), pensons entre autres à certains phénomènes d'obsolescence programmée (1). Voir à ce sujet le documentaire Prêt à jeter diffusé sur Arte et pensons aussi à certains agissements en termes de marketing, évoqués dans cette vidéo (2).
Une organisation contribue indéniablement à la qualité de vie au travail dès lors qu'elle cherche à cultiver des équilibres entre les parties prenantes internes et avec les parties externes. Le développement d'une responsabilité sociale des entreprises (RSE) assumée et authentique va dans ce sens, avec l'idée de coopérer avec les parties prenantes pour la construction d'actions visant au maximum les intérêts communs (ce qui nécessite d'enquêter dessus). Elle crée et cultive également la confiance, ingrédient essentiel pour la coopération entre parties prenantes.
Il ne s'agit alors pas de rechercher un profit maximum pour une ou des parties prenantes, sur le dos d'autres parties prenantes, mais de poursuivre des objectifs communs profitables à tous. L'un de ces objectifs communs étant d'assurer la durabilité de la bonne coopération des parties prenantes. La durabilité étant également un critère essentiel pour la construction des actions.
C'est aussi une vision plus satisfaisante de la relation entreprise-consommateur : l'entreprise considère le consommateur comme partenaire et le consommateur devient consomm'acteur. C'est également une façon à la fois de supprimer l'étanchéité entre le côté travailleur et le côté consommateur d'un même individu et d'y introduire la citoyenneté.
(1) Le 23 juillet 2015, le parlement français a voté une pénalisation de 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour les organisations qui mettraient sur le marché des produits dont la durée de vie auraient été délibérément réduite pour augmenter le taux de remplacement.
(2) Prenez connaissance du texte associé à cette vidéo pour bien comprendre les conditions de tournage. Mais faites-le seulement après avoir vu cette vidéo.