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05 / 11 / 2014 | 69 vues
Bernard Salengro / Abonné
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Supprimer la rencontre du médecin du travail et du salarié, c'est le priver de l'information nécessaire à son action

Le Sénat va examiner les 50 mesures de simplification proposées par le gouvernement. Au moment où  la France vient de ratifier « la convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail » et où le directeur général du BIT félicite notre pays sur la prise en compte de la politique nationale sur la santé et la sécurité en accord avec les partenaires sociaux, la CFE-CGC souhaite alerter sur deux d’entre elles qui concernent la médecine du travail : les mesures 21 et 22.

Dans notre pays, la médecine du travail est souvent la seule institution de prévention présente dans les TPE et PME.


Mesure 21 : simplifier la visite médicale

Ce chapitre évoque les visites périodiques « chronophages et peu ciblées, au détriment de la prévention ». Il indique que seules 15 % des visites obligatoires sont effectuées.

Tout d’abord, le chiffre de 15 % n’est pas celui que nous connaissons dans les services. Selon les statistiques des services de santé, seulement 30 % des demandes de visites ne sont pas honorées. De plus, au-delà de ce chiffre, la dernière réforme applicable en juillet 2012 (c’est-à-dire hier) permet de répondre sans aucun problème à tous les effectifs. En effet, il est possible d’espacer les visites au-delà de deux ans sans limite supérieure et de déléguer ces visites à des collaborateurs médecins généralistes qui se forment pour devenir médecins (la récente loi de santé publique l’a consacré). Il est également possible de faire faire ces visites par des internes en formation (L. 4623-1 ) et de déléguer à des infirmières de santé au travail qui réalisent des entretiens infirmiers (R. 4623-14) comme cela se fait ailleurs.

Concernant les visites périodiques et les visites d’embauche, nous entendons différentes solutions que la CFE-CGC tient à argumenter ou contre-argumenter ici .

  • Intégrer le médecin généraliste dans la santé au travail
  • Quelle est l’indépendance du médecin généraliste dépendant de sa patientèle ?
  • Quelle est la connaissance du médecin généraliste concernant le monde du travail ? On peut être étonné de voir se poindre cette solution alors que l’ordre national condamne régulièrement ceux qui ne sont pas médecins du travail et qui établissent des imputations professionnelles aux pathologies qu’ils constatent et l’on voudrait leur demander d’établir des certificats correspondants à des expositions professionnelles qu’ils ne connaissent pas ?
  • Suppression de la visite médicale tous les 6 mois pour les travailleurs de nuit (270 heures nocturnes par an).
  • Cela paraît indispensable. Elle n’a aucune utilité et est réellement chronophage. Peu de services l’assument.
  • Pour les travailleurs de nuit, une action pluridisciplinaire annuelle en santé au travail serait bien plus utile. Cette action doit être animée et coordonnée par le médecin du travail.
  • Évolution du marché du travail vers une augmentation des contrats courts avec une diminution du nombre de médecins. Ce qui amène à remettre en cause l’intérêt de la visite d’embauche.
  • Il faut maintenir la notion d’une visite d’embauche car c’est le moment où le médecin a un contact privilégié avec le salarié pour connaître son état de santé initial et pour lui apporter des préconisations en matière de prévention et de protection individuelle.
  • Cependant, dans de nombreux cas (à l'exception de certains postes exposés), cette première visite pourrait être faite par une infirmière en santé au travail sous protocole avec le médecin du travail qui reste juge de l'opportunité de cette délégation.
  • Une visite médicale pourrait alors être faite après 6 mois de présence dans l’entreprise. Cette visite aurait un intérêt pour analyser l’intégration du salarié à son poste de travail et dans l’entreprise.
  • Intérêt de la visite périodique remis en cause en matière de prévention
  • La visite périodique est un axe de prévention qui permet au médecin du travail de prendre des informations en examinant la personne exposée et de prendre des informations sur les conditions de travail dans un espace de parole confidentiel consacré au travail. La prévention devient alors collective puisque le rôle du médecin est de conseiller les employeurs et les instances du personnel.
  • L’actualité des risques psycho-sociaux et du stress n’est plus contestée et fait partie de la santé au travail, c’est un domaine où l’écoute du salarié par le médecin du travail est incontournable sous peine d’erreur de diagnostic et d’inefficacité.
  • Comment faire une alerte collective si l’on n’a pas été à l’écoute des salariés dans la confidentialité du cabinet médical par un médecin qui connaît le milieu professionnel

Mesure 22 : clarifier les notions d’aptitude et d’inaptitude professionnelles


Ce chapitre fait état de plus d’un million d’aptitudes « avec réserves », dont certaines restrictions constitueraient une inaptitude de fait. L’employeur ne pourrait remplacer son salarié au risque d’être poursuivi pour discrimination liée à l’état de santé du salarié et le salarié ne peut se reconstruire en envisageant une reconversion personnelle.

Tout d’abord, la terminologie exacte de ces aptitudes est « avec restrictions » ou « avec aménagement de poste ».

Nous voyons là la grande idéologie des employeurs : le salarié est apte ou il est inapte. C’est au salarié de s’adapter à son travail et non au travail de s’adapter à la santé des travailleurs…

Il est ici nécessaire de rappeler la procédure. Lorsqu’un médecin du travail voit un salarié, il analyse l’ensemble des données de sa santé et de son poste de travail et se prononce sur la possibilité du salarié de continuer ou non de travailler dans les conditions qui figurent sur la fiche de poste fournie (parfois) par l’employeur et telles qu’il les connaît grâce à ses visites dans l’entreprise. Dans l’immense majorité des cas, le médecin se prononce de manière claire en « apte » ou « inapte ».

Si le médecin estime qu’il faut limiter par des restrictions ou aménager un poste de travail, ceci est suivi d’un dialogue avec l’employeur (qui peut être à l’initiative du médecin comme de l’employeur) et d’une étude de poste si nécessaire. Mais il n’est pas dans l’idéologie des employeurs d’aménager le travail…

C’est aussi l’occasion de rappeler, qu’en cas d’inaptitude, l’employeur a une obligation de reclassement et le médecin du travail a une obligation d’indiquer le type de capacités professionnelles restantes du salarié.

Enfin, il est difficile de comprendre pourquoi les employeurs ne contestent pas plus souvent ces aptitudes auprès de l’inspection du travail comme ils en ont la possibilité. Ils doivent certainement estimer qu’elles ne sont pas si contestables et que ce serait un coup d’épée dans l’eau.

L’aptitude pour la CFE CGC est au contraire une protection du salarié en ce sens qu’elle garantit la confidentialité de sa santé, le médecin du travail étant tenu au secret médical. Sans cette aptitude, l’employeur qui a une obligation de résultat de sécurité devrait faire vérifier le bon état de santé de ses salariés comme il doit vérifier le bon état de ses machines, est-cela que l’on veut mettre en place ?

 

La CFE-CGC a d’autres propositions

  • Donner à l’ensemble des membres de l’équipe pluridisciplinaire ayant des actions en entreprise (IPRP, infirmiers, AST) la protection dont bénéficient les médecins du travail qui leur donnent leur indépendance.
  • Cadrer la formation des infirmières en santé au travail par un diplôme d’État.
  • Permettre la formation d’un nombre plus important de collaborateurs médecins.
 
La simplification des mesures administratives est une bonne chose. Mais elle ne doit pas se faire au détriment des salariés. Le COCT et ses commissions avec les partenaires sociaux est pour la CFE-CGC l’instance tripartite qui doit être force de proposition.

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l'article était déjà long et j'ai hésité , mais je partage tout à fait vos remarques. Il faudrait que les médecins du travail puissent venir témoigner devant les jeunes étudiants en médecine, en infirmière pour montrer que c'est un exercice qui peut être passionnant et en tout cas beaucoup plus vivant et mieux inséré dans la vie active que bien des spécialités.