Sécurité sociale : la maîtrise des dépenses à l’œuvre depuis plusieurs années trouve désormais ses limites
Avant de procéder à l’examen des mesures inscrites dans ce PLFSS 2015, nous souhaitons dire quelques mots au sujet des évolutions tendancielles présentées hier en commission des comptes de la Sécurité sociale.
À cet égard, la CFTC observe que l’objectif fixé en LFSS 2014 de ramener le déficit à son niveau d’avant crise (10 milliards d’euros) ne sera pas atteint. Par là même, la trajectoire de retour à l’équilibre en 2017 prévu l’an passé à cette même période s’en trouve compromise.
Ces résultats s’expliquent par une progression de la masse salariale nettement inférieure aux prévisions et donc un tassement des recettes de nos régimes (+2.6 % en 2014 contre +3.1% en 2013) alors même que des efforts considérables ont déjà été consentis du côté des dépenses tant sur les prestations (ralentissement de la progression de l’ONDAM, rabotage des prestations familles et retraite) que sur les frais de gestion de nos organismes.
La projection tendancielle 2015 laisse, elle, apparaître une aggravation du déficit du régime général de 3.1 milliards d’euros et cela même si l’hypothèse d’un taux decroissance fixé à 1% est avérée (ce que remet d’ores et déjà en question le Haut conseil des finances publiques). Du côté de la masse salariale, le PLFSS2015 table sur une prévision de 2%, prévision que nous jugeons optimiste dans la mesure où les progressions de la masse salariale en 2014 étaient nettement en-deçà des prévisions retenues dans le PLFSS initial.
Ces résultats nous confortent dans l’idée que la maîtrise des dépenses à l’œuvre depuis plusieurs années trouve désormais ses limites et que, sans action significative sur les recettes et donc sur l’emploi, nous ne parviendrons pas à assainir la situation de nos comptes sociaux.
Nous rappelons que si la CFTC est signataire du relevé de conclusions du pacte de
responsabilité, c’est précisément par ce qu’il doit dynamiser l’emploi. Notre organisation attend désormais un engagement fort des entreprises pour la réalisation de cet objectif en contrepartie de ce qu’elles ont d’ores et déjà obtenu.
Inquiétudes sur « la poursuite de la modernisation de la politique familiale »
La CFTC demeure fondamentalement attachée à la politique familiale et au principe d’universalité car il est essentiel que tous les enfants naissant sur notre territoire soient également considérés. Même si elle admet qu’en période de crise,il faut momentanément résoudre les problèmes de pauvreté qui touchent certaines familles (notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses) et s’orienter vers un meilleur ciblage des bénéficiaires pour assurer une véritable solidarité envers les familles qui en ont le plus besoin, elle insiste sur fait que la politique familiale doit rester un symbole fort mais aussi un instrument efficace. Elle doit donc garder son caractère fortement redistributif car la dimension familiale des prestations sociales contribue à réduire les inégalités. Elle doit aussi permettre à la France de continuer à conjuguer un taux de fécondité mais aussi d’activité féminin parmi les plus élevés de l’OCDE.
La CFTC tient à rappeler que si cette branche est aujourd’hui déficitaire c’est parce que, au fil du temps, plusieurs dépenses ont été mises à sa charge : protection juridique des majeurs, instruction à titre gracieux du RSA, prise en charge de l’AVPF et de la majoration de pension de retraite pour les assurés ayant élevé au moins trois enfants...
Parce que la politique familiale a déjà fait l’objet d’un plan sévère d’économies depuis un an (baisse du plafond du quotient familial, fiscalisation de la majoration de pension et baisse des cotisations), la CFTC est très inquiète quant aux mesures présentées dans le PLFSS comme étant « la poursuite de la modernisation de la politique familiale ».
Sous le prétexte de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes ainsi que l’articulation entre la vie familiale et professionnelle, le CLCA est rebaptisé PreParE (prestation partagée de l’éducation de l’enfant) et sérieusement raboté. Le texte se contente de faire référence à la loi du 4 août et aux 6 mois réservés au second parent mais peut-on feindre d’ignorer le décret en préparation qui envisagerait une réduction du congé parental beaucoup plus drastique puisqu’il serait question de scinder en deux la durée des 3 ans, soit 18 mois pour la mère et 18 mois pour le père ? Autant dire 18 mois de perdus pour les mères et surtout pour les enfants. Dans le contexte du « rebasage » du FNAS et des constats sur le coût du berceau qui a doublé en dix ans, la CFTC attend des signes forts de la part du gouvernement pour voir maintenu l’objectif de la COG : 275 000 nouvelles places d’accueil du jeune enfant d’ici 2017. L’effet annoncé est « une augmentation de la proportion de pères prenant un congé et un raccourcissement de la durée moyenne d’éloignement du marché du travail des mères. Au final, ce sera probablement l’inverse : toujours peu de pères qui prendront ce congé mais de plus en plus de mères qui se retrouveront au bout de 18 mois, sans droit à congé, sans aucune solution de mode de garde et sans aucune indemnisation.
La CFTC ne voit là aucune « modernisation ». Elle ne voit que des économies conséquentes réalisées au détriment des familles, le creusement des inégalités entre les hommes et femmes, une impossible conciliation des temps et une précarisation des mères de famille.
Sous le prétexte de « mieux articuler les prestations familiales avec le coût de l’enfant », le gouvernement a décidé le report de 14 à 16 ans de la majoration des allocations familiales. Cet âge de 16 ans correspondrait plus à un moment clef de la vie de l’enfant qui engendrerait des surcoûts identifiés. Pour la CFTC, le moment clef qui engendre des surcoûts clairement identifiés et où l’adolescent gagne en autonomie est précisément celui de 14 ans, qui est également l’âge crucial auquel les familles ont besoin d’être aidées et soutenues pour que tous les enfants puissent poursuivre leur scolarité dans de bonnes conditions et éviter à tout prix le « décrochage », qui est un fléau pour la société tout entière. Encore des économies à haut risque... Les familles vont perdre 1 500 euros par enfant.
Enfin, sous le prétexte de « rendre plus progressives les aides à la garde du jeune
enfant », une 4ème tranche est créée pour les familles bénéficiant du CMG. Les familles dont les revenus sont supérieurs à 4 000 € mensuels percevront un CMG réduit de moitié par rapport à la 3ème tranche. Certes, seuls les deux plus hauts déciles de revenus seraient concernés mais il ne faut pas oublier qu’ils sont déjà touchés par toutes les autres mesures qui les pénalisent.
Reste une mesure pour laquelle le gouvernement ne semble pas avoir trouvé de prétexte :
- la modulation de la prime à la naissance en fonction du rang de l’enfant.
Ce PLFSS alourdit considérablement les efforts déjà demandés aux familles. Or, la CFTC ne cesse de rappeler que la branche famille est plus que de raison mise à contribution depuis de nombreuses années pour contribuer à la baisse du déficit public.
L’INSEE a récemment annoncé une baisse du taux de fécondité en France, sous le seuil symbolique de 2 enfants par femme, ce qui n’était jamais arrivé depuis 2008.
Ce PLFSS ne fera qu’aggraver cette situation. La CFTC ne saurait donc accepter que le gouvernement continue à « grappiller » et faire des économies sur le dos des familles.
Pour toutes ces raisons et compte tenu de l’appréciation générale portée sur ce texte, la CFTC émet un vote défavorable sur ce projet de texte.
Au-delà de ce vote, parce qu’elle ne peut accepter de voir la famille ainsi mise à mal, la CFTC adresse au gouvernement deux demandes solennelles : qu’il renonce à décaler la majoration des allocations familiales de 14 à 16 ans et qu’il n’applique pas la réduction de la prime à la naissance pour les enfants de rang 2.
Déclaration CFTC relative au PFLSS 2015 : conseil d’administration de la CNAF.
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