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07 / 11 / 2013 | 3 vues
Denis Garnier / Membre
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Ça va ? Non, ça ne va pas ! : le management à l'épreuve de la qualité du travail

Je me suis retrouvé, presque par hasard, à la tête d’une négociation pour sortir d’un sévère conflit opposant le personnel d’un hôpital à sa direction générale.

J’ai passé plusieurs jours sur place pour écouter tous les acteurs, en particulier les cadres et le personnel.

L’insupportable pression

Dans tous les services, les plaintes étaient identiques. Une pression sur le travail qui le rend insupportable.

Quelques exemples

Les cadres reçoivent des ordres pour mettre en œuvre des plannings nouveaux auxquels ils n’ont pas été associés. Ceux qui protestent sont changés de service et lorsque le changement n’est pas possible, les échanges entre le cadre et la direction se résument par des ordres descendants sans remontée possible.

Les agents qui apprennent ces changements protestent, du moins les seuls titulaires de leurs postes. Les nombreux contractuels subissent sans broncher car ceux qui ont posé des questions n’ont pas retrouvé leur emploi.

Alors plus personne ne dit rien de peur d’être muté, licencié ou simplement écarté de toute responsabilité.

Nous pourrions qualifier cet exemple de régime totalitaire. J’ai parlé de féodalité et de servitude tellement les rapports entre ce directeur (en l’occurrence une directrice) et le personnel tenaient du pouvoir suprême, sans partage possible.

Les cadres disloqués

Ce management à ce point extrême reste heureusement marginal dans les établissements hospitaliers. Mais à ne pas y prendre garde, la dérive peut toucher toutes les situations.

  • Tous les hôpitaux ont placé les cadres sous pression descendante. D’en haut, ils reçoivent les ordres : « il faut que… » et lorsque le cadre remonte ses difficultés, il entend toujours d’en haut « ils n’ont qu’à…. »

Progressivement, les échanges deviennent tendus entre ceux qui demandent et ceux qui passent leur temps à répondre « je ne peux rien faire ».

L’engagement du personnel hospitalier, son attachement à la qualité de leur travail les rendent exigeants. Alors la tension continue de monter. Le verbe se fait plus haut. Le cadre, est disloqué entre les exigences de qualité réclamées par les agents et les contraintes économiques qui lui sont imposées par sa hiérarchie. S’il accède aux demandes des agents, il trahit la mission imposée par ses supérieurs. Il risque la disqualification. Alors pour ne pas trahir cette confiance souvent rétribuée (par exemple, presque 50 % de la rémunération de directeur d’hôpital dépend directement de son état de soumission aux ordres qu’il reçoit de l’Agence Régionale de Santé), leurs compétences s’étiolent pour laisser place à une autorité de moins en moins comprise. Sans bénéficier des mêmes conséquences pécuniaires, les cadres « d’en dessous », ceux que l'on désigne comme des cadres de proximité, répercutent cette pression sur les équipes qui se trouvent alors confrontées à un dilemme cornélien.

Soit abandonner les exigences de qualité en se réfugiant dans le « je-m’en-foutisme ». On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a et qu'importe le résultat, soit s’opposer à ces cyniques réponses en imposant la discussion sur ce travail de qualité empêchée. Alors s'engage un rapport de force qui n'est pas souvent accepté. Comment osez-vous ?

Si l'évaluation professionnelle s'invite dans ce bras de fer, alors il y a de fortes chances pour que les ambassadeurs de la qualité soient relégués dans des formules du style « a du mal à s'intégrer dans le collectif de travail » ou bien encore « doit faire des efforts pour partager les objectifs du service ». Beaucoup baissent les bras et progressivement, la parole n’est plus un vecteur de qualité mais un échappatoire aseptisé de toute réalité. Ça va ? Ça va.

Cela peut donner naissance à un conflit larvé dans lequel le cadre contourné, s’il n’est pas lui-même atteint du syndrome du « je-m’en-foutisme », va transformer son rôle de manager (mener avec ménagement) en autorité mal placée.

Ça va ? Non, ça ne va pas !

Comment recevoir et prolonger cette réponse inattendue à la banale question d’une première rencontre quotidienne ? « Ça va ? - Non ça ne va pas ! »

Souvent désarmé, l’interlocuteur poursuit ses pas en esquivant la réponse ou se noie dans des circonvolutions oratoires souvent maladroites.

Mais lorsqu’un cadre, un employeur, un directeur est percuté de plein fouet par cette réponse, il se doit d’y porter son attention.

Dans la sphère du travail, le « non, ça ne vas pas » est un appel adressé à son supérieur pour accéder à la qualité empêchée ou, au moins, une espérance formulée pour accéder à la qualité du travail. Elle ne doit être écartée d’un revers de phrase sous aucun prétexte. Qu’il s’agisse d’un agent, d’un cadre ou d’un syndicaliste, l’expression du mécontentement doit faire l’objet d’échanges constructifs et apaisés. Il en est ainsi pour tous ceux qui pratiquent le dialogue et qui respectent toutes les formes d’expressions pour revendiquer le meilleur.

Dans le conflit qui opposait cette directrice à son personnel et à ses cadres, le protocole de fin de conflit invite toutes les parties à discuter du travail et de son organisation. Comme l’écrit la Haute Autorité de Santé (HAS), il ne peut exister de qualité des soins s’il n’y a pas de bonnes conditions de travail.

Alors pour que le management ne tue pas le travail de qualité, il faut qu’il pratique l’écoute apaisée et constructive des mécontentements.
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