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Air France : plan de départs « volontaires » ?
De façon cynique, lorsqu’elles ont du mal à assumer leurs responsabilités vis-à-vis des salariés qu’elles ont embauchés, les entreprises disent se mettre au service de certains d’entre eux afin de satisfaire les demandes des volontaires qui souhaiteraient quitter l’entreprise et perdre leur emploi afin d’alléger les charges de leur patron.
Évacuons la forme euphémistique du langage politiquement correct pour faire un point sur notre position en la matière.
Qu’est-ce qu’un PDV, plan de départs volontaires ?
Ce n’est qu’une « modalité » du plan de sauvegarde des emplois, nouveau nom du plan social. Quand une entreprise veut se séparer d’une partie de son personnel, licencier pour être clair, elle doit respecter un certain nombre de procédures et en particulier celles prévues par la loi en matière de licenciements collectifs lorsqu’elle envisage de licencier plus de dix salariés sur une période de 30 jours. Elle doit faire un plan de sauvegarde des emplois (PSE).
C’est dans le cadre d’un plan social (PSE) qu’il est possible de convenir, par la négociation avec les syndicats, de remplacer les critères d’ordre des licenciements prévus par le Code du travail par un autre : le volontariat.
Les critères retenus par le Code du travail pour fixer l’ordre des licenciements prennent en compte, notamment, les charges de famille, en particulier celles des parents isolés, l’ancienneté, la situation personnelle de certains salariés qui rend leur réinsertion professionnelle plus difficile (handicap, âge etc.), les qualités professionnelles. En résumé, on peut dire que l’application brutale de ces critères conduit à mettre à la porte les plus jeunes salariés.
Certes, le PDV est plus « joli », moins brutal, mais c’est tout de même un plan de licenciements qui consiste à mettre des salariés dehors, et dans l’environnement que chacun connaît, « dehors », ça veut dire au « chômage » (le plus souvent).
L’UNAC demande-t-elle un PDV dans la négociation qui va débuter à Air France ?
- Nous ne demandons pas à Air France de mettre en place un plan de départs volontaires, car cela reviendrait à demander un plan social, donc à demander qu’on licencie des salariés et c’est à l’opposé de notre mission qui consiste à préserver les emplois.
Nous continuerons de demander à l’entreprise de préserver les emplois de tous le PNC en mettant en place des mesures adaptées. Pour cela, toutes les pistes alternatives doivent être trouvées, qu’il s’agisse de temps alterné aidé pour inciter les volontaires à diminuer leur temps de travail, d’un temps partiel TMR renégocié (temps mensuel réduit), d’une nouvelle répartition des mois OFF du temps alterné (pour compenser la saisonnalité de l’activité), de mesures temporaires de chômage partiel. Bref, toutes les solutions doivent être étudiées pour préserver nos emplois.
Toutefois, si malgré les solutions alternatives de préservation de l’emploi, les négociations sur la restructuration d’Air France Transform15, conduisaient la société à faire un plan de licenciement collectif touchant le PNC, nous négocierions alors une alternative aux critères d’ordre des licenciements prévus par le Code du travail avec en priorité un appel aux volontaires et des primes d’incitation au départ.
- Mais entre demander un PDV comme « solution » aux problèmes de coûts d’Air France et demander un PDV comme « alternative » au licenciement des plus jeunes, il y a un gouffre que nous n’avons pas l’intention de franchir.
Un PDV n’est pas une formule magique qui rendrait les restructurations d’entreprise indolores. En effet, l’incitation aux départs « volontaires » (ce mot mériterait sans doute une explication) se fait en proposant aux salariés une somme d’argent supérieure à ce qui est prévu par les accords et la loi en matière de licenciement économique.
Le « coût » de cette « incitation » est naturellement répercuté sur les salariés qui restent dans l’entreprise. Ce qui nous fait dire qu’en fait, ce sont les salariés qui restent qui payent le plan de départ de leurs collègues.
Un précédent
C’est exactement ce qui a été fait lors du précédent plan de départ volontaire de PNC dans les années 1990.
Ce plan de départs volontaires était accompagné de douloureuses remises en cause des conditions d’emploi (carrière, conditions de travail, rémunération etc.) de tous ceux qui restaient mais aussi, et surtout d’une deuxième échelle de rémunération pour les nouveaux embauchés PNC, la fameuse B-scale PNC.
En 1995, la direction d’Air France avait unilatéralement modifié la grille de salaires du PNC, en ajoutant 3 échelons (A1, B1, C1) et deux classes (6ème et 5ème) en début de carrière.
Ces classes et échelons aboutissaient à un ralentissement du déroulement de carrière du PNC et à une baisse salariale très importante en niveau (baisse de la rémunération mensuelle) et en masse (baisse de la rémunération cumulée sur la carrière) pour le PNC embauché à partir de 1995.
C’est de cette façon qu’une partie des efforts de redressement (de sauvetage) de la compagnie a été effectuée par la collectivité du PNC dans le milieu des années 1990.
- Les efforts ont principalement été faits par la partie de la collectivité qui venait à peine d’intégrer cette même collectivité.
Ce n’est qu’après une bagarre homérique, 53 jours de grève à l’appel de l’UNAC (seule le plus souvent) que nous avons obtenu, dans le cadre du premier accord collectif global Air France en 1999, une réduction de la durée de carrière totale de 6 années permettant d’atteindre la hors classe dixième échelon en 25 ans au lieu de 31 ans.
Cette B-scale devait permettre à la société de diminuer de 25 % la masse salariale PNC, et ce, de façon pérenne.
- Un directeur nous confiait à l’époque qu’ayant dû être supprimée en 2001, elle n’avait en fait servi qu’à payer le plan de départs volontaires du PNC.
Pourtant, à l’époque, cette restructuration s’était accompagnée d’une recapitalisation de l’entreprise par l’État (20 milliards de francs), ce qui ne sera pas le cas aujourd’hui (pour ce que nous en savons, tout au moins).
- Donc, plus le plan de départs volontaires sera généreux, plus la direction demandera d’efforts aux membres du PNC qui resteront.
Revendications individuelles
On dit que certains membres du PNC revendiquent de pouvoir bénéficier d’une telle incitation…
On peut comprendre qu’individuellement cette option soit avantageuse et souhaitée par certains. Mais à l’UNAC, si effectivement nous nous efforçons de satisfaire les revendications individuelles des salariés, ce n’est que dans la limite des intérêts collectifs de la profession et de la collectivité que nous défendons. Et dans ce cas précis, les deux ne correspondent pas exactement.
Précisons encore qu’un plan de départs volontaires n’est qu’une alternative à un éventuel plan de licenciement collectif du PNC qui toucherait les plus jeunes une catégorie professionnelle que la direction aurait désignée (les CC par opposition aux HST, ou même le PNC du moyen-courrier par opposition au PNC du long-courrier etc.). En effet, la direction peut cibler un groupe quand on est dans la situation d’une réduction des effectifs avec un PSE.
En résumé, le PDV n’est pour nous qu’une option que nous n’envisagerons qu’en dernier recours, lorsque tous les autres moyens auront éventuellement échoué à préserver l’emploi.
Il ne faut pas non plus se laisser abuser par cette notion de « volontariat ». Comment obtient-on le consentement des salariés ? Les salariés ont-ils vraiment toutes les informations avant de faire leurs choix ? Une direction d’entreprise qui cible avec précision telle ou telle catégorie de salariés ne pousse-t-elle pas ces salariés à se déclarer volontaires ?
Et que dire d’une direction qui met la pression sur les salariés de tel ou tel secteur (le moyen courrier, par exemple) en expliquant qu’ils sont la cause des déficits de l’entreprise ? Ces salariés qui comprennent que s’ils ne sont pas volontaires au départ ils subiront une mobilité forcée sont-ils vraiment demandeurs d’un départ de l’entreprise ?
Nous sommes donc prudents avec cette notion de « volontariat au départ », elle doit être vérifiée avec beaucoup de soin.
Y a-t-il un sureffectif ?
La notion de sureffectif doit également être attentivement vérifiée. Selon les catégories professionnelles et les métiers, cette notion n’a pas le même sens ni les mêmes implications.
Environ 15 000 membres du PNC effectuent le même métier. Cet effectif est à peu près proportionnel au nombre de passagers et donc à l’évolution en sièges de l’offre de la société. Un éventuel sureffectif en période de réduction de l’offre en SKO sera résorbé dès le retour de la croissance. De plus, l’offre n’étant pas forcément identique toute l’année, un sureffectif en hiver peut très bien devenir un sous-effectif en été.
Il existe donc une fourchette de variation des effectifs du PNC qui n’est ni du sureffectif ni du sous-effectif, l’effectif théorique n’étant lui-même pas connu avec précision tant les évolutions de programme sont fréquentes.
C’est le cas également pour les pilotes, même si le lien entre nombre de passagers et effectifs pilotes est moins direct puisque le lien se fait entre nombre d’avions et effectif de pilotes. Cependant, les implications sur les effectifs des changements de qualifications ou des changements de catégories OPL/CDB (la fameuse cascade de qualif) sont très importantes et peuvent faire varier le nombre de membres du PN disponibles à la ligne de plusieurs dizaines voire d’une centaine de pilotes.
En revanche, pour le personnel au sol, le lien entre évolution du trafic et effectif est beaucoup plus souple. Tel ou tel service peut être réorganisé, voire supprimé pour être sous-traité, ce qui a un effet sur l’effectif sans toucher au niveau de production de la société.
Les évolutions technologiques permettent également d’effectuer les mêmes tâches avec moins de personnel (internet, BLS etc.), ce qui crée du sureffectif même en période de croissance. On peut également constater que, même en période de sureffectif global, il peut être indispensable d’embaucher de nouveaux salariés qui disposent d’une compétence spécifique, dont l’entreprise à besoin.
Nous nous garderons bien de juger la façon dont les effectifs doivent être gérés au sol, nous pouvons simplement dire que les raisonnements applicables au sol ne sont pas les mêmes pour le PNC.
Une renégociation des accords en vigueur au sein du PNC peut conduire à constater un léger sureffectif à court terme.
Mais nous considérons que ces éventuels « efforts » du PNC doivent s’inscrire dans un nouvel accord collectif à durée déterminée, de courte durée pour en permettre l’amélioration dès la croissance revenue, et que l’éventuel sureffectif doit être assumé collectivement par des mesures d’adaptation temporaires jusqu’à être absorbé mécaniquement et automatiquement par le retour de la croissance d’une part et par les départs naturels d’autre part.