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02 / 02 / 2012 | 4 vues
Richard Rigano / Membre
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L'accord de compétitivité : une façon d'anéantir le droit du travail...

Pourquoi détruire un système social dont on reconnaît par ailleurs qu'il permet à la France de mieux résister à la crise que nombre de ses voisins européens ?

Ce n'est pas la mesure annoncée par le Président de la République et pourtant, c'est l'une des plus graves : le renversement de la hiérarchie du droit.

Comment peut-on être crédible en tant que premier responsable politique d'un pays quand on s'en prend violemment à une mesure sociale que l'on s'est bien gardé de remettre en cause pendant 5 ans de pouvoir absolu ? En faisant des 35 heures, la mère de tous nos maux économiques, Nicolas Sarkozy met en lumière ses propres contradictions, se gardant bien d'évoquer que la plupart des organisations patronales ne veulent pas recommencer à l'envers, un processus qui a souvent viré au casse-tête pour tous les acteurs de la vie sociale.

On passera sur le fait qu'affirmer qu'une augmentation de la TVA n'entraînera pas une augmentation des prix relève là aussi de la fanfaronnade de foire plutôt que de l'analyse, pour en revenir à l'une des plus dangereuses propositions présidentielles, et curieusement l'une des moins commentées.

En déclarant publiquement que le Premier ministre allait donner 2 mois aux partenaires sociaux pour négocier des accords de compétitivité-emploi, et surtout que « ces accords s'appliqueront si une majorité de salariés se met d'accord dans une entreprise, pas une branche, pour décider d'un délai de travail, décider de privilégier l'emploi sur le salaire ou le salaire sur l'emploi », le Président de la République remet en cause toute l'évolution du droit du travail depuis plus de 50 ans.

L'idée de donner priorité absolue à un accord d'entreprise sur tout autre accord général est une attaque sans précédent de notre système social et de l'idée fondamentale que le droit protège tous les citoyens, et en particulier les plus fragiles.

Jusqu'à présent, le droit du travail établissait un socle minimum de protection, commun à tous les travailleurs (pas seulement les salariés). La convention collective de branche garantissait un plancher social, commun à tous les salariés d'un même secteur professionnel (chimie, transports, énergie etc) qui, par définition, ne pouvait qu'être plus avantageux que le minimum garanti par le droit du travail. Enfin, au sommet de cette pyramide, la convention collective ou l'accord d'entreprise, apportait un surcroît de garanties sociales aux salariés concernés.

La proposition de Nicolas Sarkozy renverse cette pyramide et ce faisant, fait voler en éclats toute notion de protection sociale collective, commune au monde du travail national. C'est l'atomisation du droit social, autrement dit un système digne du duo ultralibéral, Thatcher-Reagan, des années 1980. On sent la patte du Medef dont la présidente, Laurence Parisot, a souvent comparé le Code du Travail à une entrave à la liberté de l'entreprise. En mettant au niveau de l'entreprise, la responsabilité d'accords relatifs au temps et aux conditions de travail, le projet du Président de la République et du Medef, déplace la négociation sociale là où le rapport de forces est le plus défavorable aux salariés.

On imagine l'extraordinaire moyen de pression dont disposerait ainsi un employeur qui pourra désormais faire systématiquement un chantage à l'emploi dès la moindre revendication salariale de ses employés. Dans une petite usine, où les salaires sont quasiment tous au niveau du SMIC, les salariés auront une tendance inévitable à ne pas demander un renforcement des effectifs puisque celui-ci serait payé à leurs dépens financiers. Et, certains osent appeler cela un pacte de compétitivité-emploi ! N'oublions pas que cette méthode a déjà été appliquée à plusieurs reprises, en France comme en Allemagne, et que les salariés n'ont jamais pu sauver leur emploi en ayant consenti préalablement à de lourds sacrifices financiers.

Si on ajoute à ce projet d'accord d'entreprise la nouvelle exonération de charges dont bénéficieraient les entreprises, on peut imaginer sans difficulté que le champagne doit couler à flots au siège du Medef...

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