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04 / 07 / 2011 | 1 vue
Fabrice Elustondo / Membre
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Égalité professionnelle : faire sanctionner financièrement son entreprise, ce sera bientôt possible !

Longtemps attendues, les sanctions financières en cas de non-respect par les entreprises de leurs obligations en matière d’égalité professionnelle ont été instituées par la loi sur les retraites [i]. La présentation à  la CNNC [ii], le 6 mai dernier, du projet de décret d’application de ce texte est l’occasion de revenir sur ces évolutions législatives.  

La loi du 9 novembre 2010, une invitation à la négociation

À compter du 1er janvier 2012, la nouvelle loi impose la mise en place d’un accord collectif ou, à défaut, d’un plan d’action pour lutter contre les inégalités entre hommes et femmes. Faute de quoi, l’entreprise risque une pénalité financière pouvant atteindre jusqu’à 1 % de sa masse salariale. Dans un contexte où moins de 8 % des entreprises ont signé un accord sur l’égalité professionnelle (Rapport Grésy, 2009), cette nouvelle obligation, assortie de sanctions, est donc l’occasion pour les partenaires sociaux d’amener les directions d’entreprise à négocier. D’autant que le projet de décret présenté le 6 mai à la CNNC précise quelque peu la menace financière.

  • À la différence de la pénalité applicable dans le cadre des plans d’action seniors, le montant de la pénalité, directement appliquée par la DIRECCTE [iii], serait calculée par cette dernière en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle. Le montant maximum de 1 % de la masse salariale pourrait être majoré ou minoré en fonction des circonstances. Par exemple, des difficultés économiques seraient susceptibles de justifier la défaillance de l’entreprise et seraient prises en compte dans l’appréciation de la situation par la DIRECCTE. La pénalité pourrait être majorée, dans la limite précitée, si l’entreprise a déjà fait l’objet d’une telle pénalité au cours des cinq dernières années. Précision faite que les sanctions ne pourront être appliquées par la DIRECCTE qu’à l’issue d’un délai de six mois à compter de la mise en demeure de l’entreprise par l’inspection du travail.

Si ces modalités d’application sont retenues, l’action des représentants du personnel sera déterminante pour alerter la direction du travail en cas de non-respect de ses obligations et déclencher l’action de mise en demeure de l’entreprise. 

Le suivi du plan d’action au cœur d’un dispositif axé sur l’évaluation des mesures !

La loi de novembre 2010  dispose expressément qu’un plan d’actions en faveur de l’égalité professionnelle hommes/femmes doit figurer dans le rapport annuel (pour les entreprises de moins de 300 salariés, C. Trav, art. L. 2323-47) ou dans le rapport de situation comparée (pour les entreprises de plus de 300 salariés, C. Trav., art. L.2323-57).  Le suivi du plan d’action devra comporter les points suivants :

  • le détail des mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle ;
  • un bilan des actions menées au cours de l’année écoulée ;
  • une évaluation du niveau de réalisation des objectifs sur la base des indicateurs retenus ;
  • les explications sur les actions prévues non réalisées ;
  • les objectifs de progression pour l’année à venir et indicateurs associés ;
  • la définition qualitative et quantitative des mesures permettant de les atteindre ; 
  • l’évaluation de leur coût et leur échéancier.

Rien de très nouveau puisqu’en principe, ces points devaient déjà figurer au rapport de situation comparée. Mais, comme le rappelle très justement le rapport Grésy (8 juillet 2009), seule une entreprise sur deux réalise un rapport de situation comparée.

  • Rien de nouveau donc… Excepté le fait que, désormais, l’absence de remise de ce rapport est un manquement à la nouvelle obligation légale et donc est susceptible d’être financièrement sanctionné.

En effet, au-delà du strict respect de la loi, l’absence de rapport de situation comparée entre hommes et femmes implique une absence de diagnostic de la situation dans une entreprise sur deux. Négocier un accord ou mettre en place un plan d’action suppose de fait un diagnostic préalable : comment se fixer une cible si on ne connaît pas son point de départ ? Les entreprises couvertes par un accord sont-elles exonérées de toute action ? Le décret précise par ailleurs que l’accord ou le plan d’actions devra comporter des objectifs chiffrés dans trois domaines (pour les entreprises de plus de 300 salariés) ou dans deux domaines (pour les entreprises de moins de 300 salariés), choisis parmi les 8 domaines suivants :

  • embauche,
  • formation,
  • promotion,
  • qualification,
  • classification,
  • conditions de travail,
  • rémunération,
  • et articulation vie professionnelle/vie familiale.


Cibles, objectifs de progression, mesures concrètes accompagnées d’indicateurs chiffrés. On peut se demander combien de dispositifs conventionnels en vigueur satisfont aujourd’hui à ces ambitions ?

  • Au fil des accords sur lesquels nous sommes amenés à travailler, nous avons observé que beaucoup de textes se limitent le plus souvent à un rappel de grands principes, assortis, parfois, d’actions de sensibilisations. Plus rares sont les accords qui fixent un ou plusieurs objectifs chiffrés en y associant indicateurs de suivi et moyens d’action.

Une fois les nouvelles règles entrées en vigueur, si l’accord en vigueur ne satisfait pas aux modalités d’application retenues par le projet de décret, il nous semble important que les représentants du personnel se saisissent de cette question pour amorcer une discussion et provoquer l’ouverture de nouvelles négociations. Le nouveau dispositif légal ne va bien évidemment pas régler une fois pour toutes la question de l’égalité professionnelle. Néanmoins, ce cadre supplémentaire a le mérite « d’inviter » les directions à négocier. Il s’agit donc d’une nouvelle occasion :

  • pour la majorité des entreprises d’engager une discussion sur le thème de l’égalité professionnelle et d’engager des actions ;
  • et pour les entreprises disposant déjà d’un accord d’aller plus loin et d’ouvrir de nouvelles négociations pour définir un plan d’action.

En bref, que retenir ?

Dès maintenant (à l’occasion de l’avis sur le rapport de situation comparée par exemple), interroger la direction sa compréhension de ces évolutions réglementaires et leur prise en compte dans l’entreprise.

Si un accord existe dans l’entreprise, ne pas hésiter à évaluer s’il contient les deux ou trois objectifs chiffrés imposés par la loi. Si ce n’est pas le cas ou si l’entreprise n’est pas couverte par un accord sur l’égalité professionnelle, demander l’ouverture d’une négociation sur cette question.

En cas de refus, veiller à ce que le C.E. soit consulté quant au plan d’action envisagé par la direction.

En cas de négociation, veiller à ce quelle s’appuie sur un diagnostic préalable de la situation.

En cas de manquement à ses obligations, il sera nécessaire d’agir pour défendre les intérêts des salariés par un rappel à l’ordre via une résolution du comité d’entreprise, puis en sollicitant l’action de l’inspection du travail.

 

[i] Loi 2010-1330 du 9 novembre 2010, JO 11 novembre 2010.
[ii] Commission nationale de la négociation collective.
[iii] La Direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi.

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