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FO obtient la confirmation du monopole syndical de présentation des candidats au premier tour
L’affaire est passée relativement inaperçue dans le monde syndical, mais elle aurait pu faire grand bruit s’il n’y avait eu la vigilance et la force de conviction de l’organisation Force Ouvrière.
Le syndicat FO transports a présenté des listes en vue de l’élection de la délégation unique du personnel, jusque là tenue par des candidats libres, le 29 juin 2010. Mais le syndicat a relevé diverses irrégularités dans le scrutin. Notamment, il a constaté que les salariés ont reçu à leur domicile un « tract » posté le 8 juillet, au départ de la société et siglé au nom de l’entreprise, invitant les salariés à ne pas voter le 19 juillet, en violation complète du droit électoral et de l’obligation de neutralité de l’employeur (en ce sens, Cass. soc., 14 janvier 2004, bull. V, n° 12).
Ce document a également été affiché à plusieurs endroits stratégiques dans l’entreprise, avec l’approbation évidente, mais tacite, de l’employeur. Le « tract » a été signé par la « liste indépendante sortante ». Les candidats de la liste Force Ouvrière ont aussi reçu des pressions pour se désister de la liste syndicale. Ces nombreuses irrégularités ont réussi à tenir les électeurs éloignés des urnes : le quorum n’a pas été atteint au premier tour. Le syndicat FO transports a alors saisi le tribunal d’instance de Valence en vue d’obtenir l’annulation du premier tour des élections qui a eu lieu le 19 juillet 2010, et d’obtenir le contrôle de la régularité des élections par le juge d’instance.
Les candidats non issus de liste syndicale, conscients de l’annulation certaine des élections du fait de ces malversations incontestables, ont tenté par tout moyen de retarder l’issue du litige. Pour ce faire, ils se sont permis de détourner de sa finalité le nouveau droit fondamental issu de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, qui institue une question prioritaire de constitutionnalité (QPC, voir pour plus de détails « Contester la constitutionnalité d’une loi devant le juge ? C’est possible ! », InFOjuridiques n° 69 avril 2010).
Malheureusement, le juge de Valence, pour se défaire d’une question aux enjeux de taille, a transmis la QPC à la Cour de Cassation en ces termes : « L'article L. 2324-22, alinéa 2, du Code du Travail porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par l'alinéa 6 du préambule de la Constitution de 1946, faisant partie du bloc de constitutionnalité, ainsi qu'aux articles 1 de la Constitution et 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ? ».
- À l’appui de leur argumentation, les requérants soutiennent que « le fait de restreindre les candidatures, au premier tour des élections professionnelles, aux seuls salariés syndiqués, conduit à imposer aux salariés souhaitant se porter candidats à des fonctions de représentants du personnel de se syndiquer et qu'une telle contrainte est manifestement contraire à la liberté syndicale ».
En réponse, FO conteste une quelconque obligation de se syndiquer, et insiste sur l’idée que le fait de réserver des prérogatives aux organisations syndicales rentre dans l’esprit et la lettre tant de la Constitution française que des normes supranationales (CEDH). Par ailleurs, FO a démontré que les listes non présentées par les syndicats, en France, étaient surreprésentées dans la gestion des instances représentatives du personnel par rapport aux candidats issus de listes syndicales.
Heureusement, la Cour de Cassation donne raison à FO et refuse de transmettre au Conseil constitutionnel pour le motif que « les dispositions légales qui réservent aux organisations syndicales le monopole de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles ne heurtent aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ; que cette question ne peut dès lors être regardée comme présentant un caractère sérieux » (Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 10-40054).
Le monopole syndical de présentation des candidats en sort donc renforcé et le TI de Valence, par décision du 25 février 2011, a annulé le premier tour des élections, donnant ainsi raison à FO sur toute la ligne. Dès lors, de façon générale, il sera vain pour les candidats non issus de listes syndicales (ou les employeurs) de contester ce monopole.