Organisations
Précisions sur la composition de la délégation syndicale aux négociations
En l’absence d’accord plus favorable avec l’employeur, le syndicat ne peut envoyer que deux délégués syndicaux à la négociation collective et deux salariés.
Dans un arrêt du 5 janvier 2011 (pourvoi n° 09-69.732, publié au bulletin), la chambre sociale de la Cour de Cassation vient d’apporter une importante (et contestable) précision sur la composition de la délégation syndicale lors de la tenue de négociations d’accords d’entreprise.Cette composition est l’objet de l’article L. 2232-17 du Code du Travail. Celui-ci dispose dans son premier alinéa que la délégation des salariés comprend le délégué syndical de chacune des organisations représentatives partie à la négociation ; et, en cas de pluralité de délégués, « au moins deux délégués syndicaux ». Dans son second alinéa l’article précise que la délégation peut être complétée par des salariés dont le nombre est fixé par un accord avec l’employeur, mais pouvant à défaut d’accord être aussi nombreux que les délégués de la même délégation syndicale. C’est justement dans un cas de pluralité de délégués que la question centrale de l’arrêt se posait : plusieurs syndicats de l’entreprise avaient fait part à l’employeur de leur volonté d’être représentés à la négociation par l’ensemble de leurs délégués syndicaux, ce qui faisait plus de deux délégués par organisation. Le problème était de déterminer selon quelles modalités la délégation pouvait aller au-delà du minimum d’« au moins deux délégués » de l’article L. 2232-17, al. 1er.
Deux solutions étaient envisageables : soit le minimum pouvait être dépassé sur simple décision du syndicat concernant sa délégation. Soit, de manière analogue au second alinéa, c’est seulement par un accord avec l’employeur que les syndicats pouvaient dépasser le minimum légal auquel ils avaient droit ; à défaut d’accord, ils pouvaient librement désigner jusqu’à deux délégués syndicaux et autant de salariés en complément, soit quatre personnes.
- La chambre sociale décide ici d’une interprétation restreinte de l’article L. 2232-17 du code : un accord de l’employeur est nécessaire pour dépasser le nombre de deux délégués syndicaux. Cette décision infirme l’arrêt de la Cour d’Appel, qui avait opté pour une interprétation favorable aux syndicats par une lecture simple et claire du premier alinéa en cause, lecture peut-être même simpliste : la loi ne mentionnant qu’un minimum (« au moins »), ce qui n’était pas prohibé était donc permis...
La Cour justifie son interprétation limitative par la lecture du second alinéa. Le premier alinéa, s’il porte sur le principe de la composition de la délégation, oublierait en quelque sorte de mentionner que le seuil suppose un accord pour être dépassé ; accord dont la nécessité serait rappelée incidemment par le second alinéa, pour les membres complémentaires mais aussi (par extension) pour toute la délégation et donc pour le dépassement de tous les seuils de l’article. Il serait d’ailleurs étrange que la loi rende un accord obligatoire pour les membres complémentaires mais non pour les délégués. Matériellement, la solution permet à l’employeur de limiter la taille de la délégation syndicale : dans les entreprises ayant un grand nombre de délégués syndicaux, l’employeur ne sera pas obligé d’accueillir une délégation trop nombreuse. En l’espèce, il y avait au moins 5 syndicats présents à la négociation, ce qui conduit à un maximum de vingt personnes au total : la discussion se promet donc d’être riche.
Mais il reste tout à fait possible d’inclure le (ou les) délégué(-s) syndical(-aux) parmi les salariés accompagnant les deux DS de l’alinéa 1er de l’article L.2232-17 : bien que mandatés, ils n’en restent pas moins des salariés de l’entreprise rentrant dans le cadre du second alinéa. Les en exclure conduirait à pratiquer une discrimination syndicale prohibée. Attention : ces règles de limitation de la délégation syndicale ne valent que pour la négociation collective au titre des articles L.2231-1 et suivants ; en est exclue, stricto sensu, la négociation du protocole d’accord préélectoral, pour lequel la Cour de Cassation a estimé qu’aucune disposition légale n’interdisait à un syndicat de déléguer plusieurs représentants en vue de la négociation d’un protocole d’accord préélectoral (Cass. soc. 11 décembre 1985, Bull. V, n° 604). Ladite négociation pourra même être menée par une personne extérieure à l’entreprise (militant de l’UD…).