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16 / 03 / 2011 | 7 vues
Denis Garnier / Membre
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L’hôpital public sacrifié : plus de 9 800 suppressions d'emplois, et ce n'est qu'un début !

Les employeurs et les syndicats des personnels hospitaliers alertent les pouvoirs publics sur la dégradation de l’hospitalisation publique depuis plusieurs années. Rien n’y fait.

Selon un communiqué de la Fédération Hospitalière de France (les employeurs), « ce sont plus de 9 800 emplois qui ont été supprimés en 2009, dont 5 000 soignants (dernières statistiques publiées). Un chiffre qui devrait encore croître en 2010 au vu de la contraction constatée de la progression des dépenses de personnel dans les comptes des hôpitaux publics.

Tel est le constat de la FHF, basé sur un ensemble de données publiées par le Ministère de la Santé. La FHF rappelle que cette évolution est en partie liée à la faible progression de l’enveloppe accordée aux hôpitaux (ONDAM), mais qu’elle est considérablement aggravée par la politique de « convergence » conduite par le gouvernement au bénéfice des cliniques privées ». [1] 

Et le gouvernement poursuit sa route, quel que soit le nombre de décès que les années futures dévoileront. D’abord par la multiplication des infections nosocomiales, les erreurs médicales, qui ne pourront être enrayées en supprimant des emplois. Ensuite parmi les personnels hospitaliers victimes des conditions de travail et des risques psychosociaux, et donc de suicides. Il y a et il y aura de plus en plus de morts. Le gouvernement le sait. Il se tait. Ne croyez surtout pas que ce sera mieux dans les cliniques privées. Avec moins de personnels qualifiés, la sécurité dans les cliniques privées est inférieure à celle des hôpitaux publics [2]. Les marges économisées sur la qualification des personnels sont distribuées aux actionnaires.

En privant la Sécurité sociale de ressources pour mieux la livrer aux assurances privées, le gouvernement adopte exactement le même scénario pour l’hôpital public qu’il place sur la voie de la privatisation.

  • L’organisation en pôles d’activité, la volonté de convergence tarifaire, l’ouverture des missions de services publics au secteur privé, la création de groupement de coopération sanitaire public/privé, sont autant de mesures qui accompagnent l’hôpital public dans les mains des prédateurs boursiers. Il ne reste plus qu’à orchestrer la déchéance et dire que le service public ne marche plus pour convaincre l’opinion publique. 

La guerre contre les services publics est lancée depuis de nombreuses années. S’attaquer aux fonctionnaires, c’est « populaire ». Ça fait du bien à un certain électorat de la droite ordinaire et de l’extrême droite qui en tire les bénéfices. Tous ces fainéants qui coûtent des impôts, cet impopulaire impôt qu’il faut libérer de la pesanteur des services publics. Nous n’avons jamais vu autant de volonté de nuire délibérément à ce niveau de responsabilité. Le drame du sang contaminé, la canicule, le médiator etc. Et demain les infections nosocomiales, les erreurs, les « trop tard », etc.. Qu’importe. L’essentiel n’est pas là pour notre gouvernement et ses soutiens. Il faut assainir les finances publiques. Cadeaux pour les uns, factures en hausse pour les autres ! 

Pour comprendre ce monde, il faut lire les observateurs avertis.

L’américain John K. Galbraith est de ceux-là. Il présente l’État prédateur [3], « cette nouvelle classe dotée d’un immense revenu personnel qui veut s’emparer de l’État et de sa gestion ». C’est l’État prédateur. « Une coalition d’adversaires implacables, composée d’entreprises dont les principales activités lucratives concurrencent les grands services publics […] Ces firmes n’ont elles-mêmes aucun attachement à quelque pays que ce soit. […] Leur raison d’être est de tirer de l’argent de l’État, tant qu’elles le contrôlent » etc. Il explique très simplement que « pour faire avaler la pilule de la privatisation, il est d’abord nécessaire de persuader les populations que le système public existant ne marche pas et ne peut être maintenu ».

C’est l’objectif poursuivi par notre gouvernement de conservateurs français. Depuis qu'il existe, jamais l’hôpital n’a eu à constater une baisse du nombre de ses agents. Tout simplement parce que les progrès de la médecine, la modernisation de ses installations, le confort du malade en chambre individuelle à la place des anciens dortoirs et chambres collectives, nécessitent davantage de personnel. Bien sûr, il peut y avoir ça et là des efforts d’organisation. La transformation de l’hôpital en une entreprise industrielle et commerciale, ayant pour matières premières la maladie, la souffrance et la mort, renvoie l’humain au rang des objets mécaniques sans pulsion. C’est d’ailleurs toute cette humanité que la gestion veut enlever aux pratiques des soins. D’ailleurs, n’entendons-nous pas des cadres dans les services qui n’y arrivent plus : « elles en font plus qu’on ne leur en demande » ? C’est vrai, l’échange d’un sourire avec un malade n’est pas facturable ! Il est donc devenu inutile.


 

[1] Communiqué de la FHF du 15 mars 2011 : « Suppressions d’emploi massives dans les hôpitaux : la FHF alerte les pouvoirs publics ».

[2] Selon la FHF, l’analyse montre que si les ratios de personnel sont supérieurs dans le public pour les personnels qualifiés, ils sont très nettement supérieurs dans le privé pour les personnels non qualifiés (ASH) qui représentent un coût moindre. La qualification des personnels, gage de qualité et de sécurité, est donc bien plus grande dans les hôpitaux publics. Rapport de la FHF hôpitaux publics et cliniques privées : une convergence tarifaire faussée », octobre 2005, p. 17.

[3] J.K. Galbraith, L’État prédateur, Seuil, septembre 2009.

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