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Seniors : le tutorat conforte le schéma de la substitution
Des deux mesures prévues par la réforme en faveur de l'embauche des « seniors », le tutorat est symbolique et conforte le schéma de la substitution des jeunes à des actifs plus âgés, politique déjà ancienne. D'ailleurs, le tutorat entre en contradiction avec la prolongation d'activité des seniors car il est évident qu'il ne peut être que provisoire pour chaque senior pris individuellement, sauf dans une entreprise fictive et immobile. En effet, l'expérience qui compte pour les entreprises, c'est celle qui correspond aux évolutions du business, pas les méthodes d'il y a 10 ou 20 ans. Difficile aussi de placer les jeunes en tutorat si l'on suit ces mêmes formations.
- Une étude d'Adecco avait montré en 2008 que que le surcoût des seniors était compensé par une meilleure productivité. Mais si les seniors sont écartés, c'est qu'on leur prête de moindres facultés d'adaptation (TIC...), ce qui devrait être de moins en moins vrai sous l'effet des mutations socio-technologiques.
La transmission peut néanmoins s'appliquer pour certains métiers et dans certains contextes tant l'éventail des situations est large. Si le tutorat des jeunes est le principal mode d'activité envisagé pour les seniors, c'est aussi contradictoire avec leur recrutement. Or, sans cela, l'emploi des seniors ne peut que très faiblement s'accroître
L'autre mesure, l'application du dispositif « 0 charge » sur 1 an pour une embauche à partir de 55 ans, éventuellement assortie d'une obligation d'emploi de 2 ans, aura probablement des effets limités. Pour le moins, il faudrait baisser l'âge à 50 ans et proroger l'exonération sur une durée plus longue.
Rappelons que selon Serge Guérin (« La société des seniors »), des années 1970 à la fin des années 2000, l'espérance de vie a augmenté de presque 10 ans, mais l'espérance de vie professionnelle (durée de vie au travail) a baissé de 12 ans.
L'emploi des seniors en berne
La Dares (Ministère du Travail) vient de publier des statistiques montrant une inflexion négative du taux d'emploi des 55-64 ans après des années de hausse. Le chômage des personnes de plus de 50 ans a encore progressé en juin, à 484 000, + 1,7 % par rapport au mois précédent, et + 19,1 % sur un an. La hausse est ininterrompue depuis mars 2008 : tous les mois, on compte entre 6 000 et 9 000 chômeurs supplémentaires parmi les plus de 50 ans. La France reste en queue du peloton européen pour l'emploi des 60-64 ans : 17 % l'an dernier, contre une moyenne de plus de 32 % pour l'Union européenne à 15. D'autres statistiques confirment que la situation était déjà défavorable. Or, la réforme des retraites prévoit des dispositions très limitées pour le rehausser. Par coïncidence, l'Apec révèle aujourd'hui les résultats d'une étude montrant que les employeurs privilégient toujours les parcours linéaires au détriment des « profils atypiques », entravant ainsi la mobilité souhaitée par les cadres.
En 2008 selon l'Insee, 56 % des chômeurs de plus de 50 ans recherchaient un emploi depuis plus d’un an et 34 % depuis plus de deux ans. Par comparaison, en moyenne, tous âges confondus, 38 % des chômeurs recherchaient un emploi depuis plus d’un an, et 19 % depuis plus de deux ans. Fin 2007, sur 125 217 cadres au chômage, seuls 4,6 % avaient moins de 30 ans et 50,3 % plus de 50 ans selon l'Apec. Selon une étude d'avril 2008, le taux d'accès ou de retour à l'emploi des cadres chômeurs accompagnés par l'Apec en 2007 était de 93 % pour les moins de 30 ans (taux de chômage de 1,6 %), mais de seulement 40 à 47 % pour les 50 ans et plus (taux de chômage de 6,4 %) et selon une autre enquête auprès de 1 000 entreprises ayant recruté au moins un cadre en externe en 2008, seulement 3 % des cadres recrutés avaient de 50 à 60 ans contre 23 % de moins de 30 ans.