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30 / 06 / 2010 | 1 vue
Rémi Aufrere-Privel / Membre
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CFDT : analyse confédérale du texte gouvernemental sur les retraites

Suite à la diffusion du projet de loi portant réforme des retraites, la CFDT a présenté à ses instances une analyse confédérale du texte gouvernemental.

D'abord, en rappelant le calendrier dudit projet.

  • Le « projet de loi sur la réforme des retraites » a été remis aux différentes instances  (Conseil d’État, conseils supérieurs des fonctions publiques, conseils d’administration des institutions sociales concernées) qui sont obligatoirement consultées avant que le Conseil des ministres l’adopte le 13 juillet. La Commission sociale de l’Assemblée nationale examinera le texte à partir du 20 juillet avant l’examen de la loi par le Parlement, du 7 septembre et jusqu’à octobre.


Selon la confédération CFDT, « la mobilisation du 24 juin est une première réponse des salariés et retraités face à un projet injuste et inefficace ». Et de rajouter que « nous n’en sommes qu’au début d’un processus qui devra combiner actions des salariés et démarches en direction des députés et sénateurs ».

  • L’intersyndicale se réunira le 29 juin pour tirer un premier bilan de la mobilisation et envisager les suites. La CFDT interpellera chaque parlementaire à partir du dossier « Retraites : soyons clairs ! », qu'elle a conçu en interne et qui sera enrichi progressivement.

L'analyse de la loi par la CFDT, lui permet de constater, dans le détail, l’ampleur des efforts exigés des salariés, en particulier les plus modestes.

Le gouvernement, sur décision du Président de la République, a maintenu le projet de loi dans l’état, même s’il envisage des « évolutions » par le biais d’amendements qu’il déposerait. Ces « évolutions » porteraient sur trois aspects qui tiennent à cœur à la CFDT : pénibilité, carrières longues et situation des polypensionnés.

Si la centrale syndicale « ne renonçe  pas à faire bouger ces points, comme d’autres sur les carrières précaires », elle déclare qu'elle n’est pas dans une logique de négociation car elle dénonce l’architecture globale du projet gouvernemental qui, en jouant principalement sur les bornes d’âge d’accès possibles à la retraite (62 et 67 ans), va à l’opposé de sa démarche.

La CFDT reste cohérente avec les positions adoptées au congrès confédéral début juin :

  • dénonciation de la réforme proposée par le gouvernement,
  • actions et propositions sur les inégalités générées par notre système de retraite et amplifiées par le projet de loi,
  • proposition d’une réforme alternative sur la base de la résolution générale adoptée à Tours. 

Le projet de loi article par article

L’article 1er prévoit la mise en place d’un comité de pilotage des organismes de retraite.  Sa mission est de s’assurer de la pérennité financière des régimes, de l’équité du système, et du maintien du niveau de vie des retraités. Il associe les partenaires sociaux.

  • La mise en place d’un comité de pilotage des organismes de retraite ne saurait se substituer au nécessaire débat de société sur cette question, préalable indispensable à une réforme globale et ambitieuse du système de retraite. La CFDT veut une réforme qui s’attaque aux injustices, renforce les possibilités de choix des salariés, équilibre le système à long terme et redonne confiance à toutes les générations. Lors de son congrès, elle s’est prononcée pour l’engagement d’une réflexion sur les éventuelles conditions d’unification des différents régimes, afin que les salariés qui ont été mobiles et ont changé de caisse de retraite ne soient plus pénalisés. 

L’article 2 développe le droit à l’information. À partir du 1er juillet 2011, chaque assuré doit :

  • recevoir une information générale sur le système de retraite dans l’année suivant la validation du premier trimestre d’assurance ;
  • se voir proposer à 45 ans un entretien de bilan sur ses droits à pension ;
  • pouvoir commander, par voie électronique, un relevé des droits acquis.
  • La CFDT est favorable au renforcement du droit à l’information des salariés en matière de retraite, afin d’augmenter leur capacité à effectuer des choix éclairés sur la date et le rythme de leur cessation d’activité. Le cadre collectif doit permettre d’organiser ces choix individuels. 

L’article 3 relève l’âge légal de départ à la retraite et l’âge du taux plein. L’âge légal est porté à 62 ans pour les générations 1951 à 1956, entre le 1er juillet 2011 et le 1er janvier 2016. L’âge du taux plein est augmenté en parallèle de l’âge légal, avec un passage de 65 ans à 67 ans et une date d’effet comprise entre 2016 et 2021.

  • Pour la CFDT, le recul de l’âge légal de départ est une mesure injuste, inefficace à terme, et limite les possibilités de choix individuels des salariés.

L’article 4 prévoit que les conditions d’ajustement du dispositif de départ anticipé pour carrières longues seront déterminées par décret pour les fonctionnaires, comme c’est le cas pour les salariés du privé.

  • Hormis une mention dans l’exposé des motifs, rien dans le texte ne consolide formellement le dispositif carrières longues.

Les articles 5, 6 et 7 précisent les modifications des conditions de départ en retraite des fonctionnaires des différentes catégories (sédentaire et active, principalement). Ils  prévoient l’augmentation progressive de 2 années entre 2011 et 2016 :

  • de l’âge minimal de la retraite dans les différents cas de départs anticipés, notamment des catégories actives (exemple : 55 ans reporté à 57 ans) ;
  • des limites d’âge ouvrant un droit sans décote dans les différentes catégories (exemple : 60 ans reporté à 62 ans, 65 ans reporté à 67 ans) ;
  • de la durée minimale de services actifs ouvrant droit au départ anticipé (exemple : de 15 à 17 ans). Il s’agit d’une durée de « services effectifs ».
  • Les services actifs sont touchés à plusieurs titres : les bornes d’âges sont relevées, les durées de services actifs minimum sont augmentées. Cela a une incidence potentielle pour les agents qui ont quitté la catégorie active il y a plusieurs années sans possibilité de compléter aujourd’hui leur carrière à ce titre.

Les services doivent être « effectifs » ce qui peut également influer à la baisse sur le calcul de la durée de services minimum. Pour les fonctionnaires, notamment les infirmières, qui opteraient pour la catégorie A dans le cadre de la réforme « licence master doctorat », l’article 6 maintient l’âge minimal de départ à la retraite à 60 ans et l’âge limite à 65 ans. 

Le choix de rester en catégorie B conduirait à un âge minimum de 57 ans en 2016. Les nouveaux recrutés se verraient appliquer le recul de l’âge légal à 62 ans. Le recul des âges minima de départ dans les autres régimes spéciaux est amorcé à compter du 1er janvier 2017, sans précision sur le calendrier ultérieur. 

L’article 8 modifie l’article 5 de la loi de 2003 sur les échéances et modes de calcul de la durée d’assurance ouvrant un droit à taux plein. Le principe d’une révision tous les 4 ans du calcul de la durée d’assurance ouvrant un droit à taux plein est abrogé. Celle-ci est définie chaque année par décret : en 2010 pour les générations 1953 et 1954, à partir de 2011 pour les générations 1955 et suivantes.

Il s’agit, à terme, de permettre à chaque génération de connaître sa durée d’assurance pour le taux plein quatre ans avant d’atteindre l’âge de soixante ans. À ce jour, pour les fonctionnaires, la durée d’assurance ouvrant un droit à taux plein, sans décote, est déterminée en fonction de la législation en vigueur lorsque l’agent réunit les conditions d’un départ à la retraite (60 ans, 55 ans, 50 ans, 15 ans de service et 3 enfants etc.). Le projet de loi définit la durée d’assurance ouvrant un droit à taux plein en fonction des règles en vigueur lorsque l’agent atteint l’âge de 60 ans. Par dérogation, cette durée peut différer pour ceux qui ont un droit au départ anticipé : elle est alors calculée en fonction des règles applicables à la date à laquelle le demandeur remplit les conditions du départ anticipé. 

L’objet du texte est de renforcer la règle de calcul des pensions par génération, c’est-à-dire par année de naissance. La dérogation à cette règle serait, a priori, applicable à tous les cas d’ouverture de droits avant 60 ans y compris les départs avec 15 ans de services et 3 enfants, avant l’extinction progressive de cette mesure (cf. art.18). Ce point devra être confirmé, car l’exposé des motifs indique que la pension devrait être calculée avec les paramètres de droit commun, et l’esprit du texte est celui d’un alignement de ces paramètres sur ceux de la génération de l’agent. 

Les articles 9, 10 et 11 concernent la reconnaissance de la pénibilité. L’article 10 institue, d’ici le 1er juillet 2011, une possibilité de départ anticipé au titre de la pénibilité au travail pour les personnes atteintes d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par voie réglementaire sous réserve que cette incapacité résulte soit d’une maladie professionnelle soit d’un accident du travail. Selon le dossier de presse, le départ se ferait à taux plein et à 60 ans, pour un taux d’incapacité de 20 % ou supérieur ayant donné lieu à l’attribution d’une rente pour maladie professionnelle.

Le gouvernement renforce les injustices en ignorant la plus grande partie des salariés ayant subi la pénibilité. La réforme ne s’adresse, de façon extrêmement restrictive, qu’à ceux ayant déjà des atteintes à la santé à l’âge de 60 ans. Elle ne prend pas en compte les salariés, qui, suite aux effets différés de la pénibilité, ont une espérance de vie réduite en moyenne de 3 à 4 ans par rapport à l’ensemble des salariés hommes. L’article 11 indique que les mesures liées à la pénibilité sur critère médical sont financées par une contribution de la branche accidents du travail / maladies professionnelle via le fonds de solidarité vieillesse. Cette contribution est répercutée dans le calcul des cotisations AT/MP des entreprises, de manière éventuellement modulée par branche.

L’article 9 crée un dossier médical en santé au travail qui recense les expositions à des facteurs de risques professionnels. Pour chaque salarié exposé à ces facteurs, liés à des contraintes physiques, des environnements agressifs ou des rythmes de travail, l’employeur doit consigner les risques concernés et la durée d’exposition. La date limite de mise en œuvre est le 1er janvier 2012.

  • Il s’agit d’un premier pas dans le sens d’une prise en compte de critères collectifs de pénibilité du travail, issus de la négociation entre partenaires sociaux. La compensation des expositions recensées dans ce cadre reste à construire.

Selon l’exposé des motifs, une majoration de cotisation employeur serait instituée pour chaque salarié occupant, au-delà d’une durée déterminée, un poste de travail présentant des facteurs de risques professionnels, mais le projet de texte ne mentionne pas ce volet recette. 

Les articles 12 et 13 concernent les droits à la retraite des femmes. L’article 12 prévoit le report au compte retraite des assurées du montant de leurs indemnités journalières maternité, qui sont assimilées à du salaire pour calculer leur pension. Le coût de la mesure sera pris en charge par le fonds de solidarité vieillesse. Elle entre en vigueur pour les congés maternité à compter du 1er janvier 2012.

  • Cette disposition n’est pas à la mesure des inégalités constatées entre les hommes et les femmes en matière de retraite.

L’article 13 introduit une pénalité de 1 % de la masse salariale pour les employeurs de 300 salariés et plus, qui ne respecteraient pas leur obligation légale en matière d’égalité professionnelle : présenter pour avis au comité d’entreprise ou aux délégués du personnel un rapport de situation comparée des conditions d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise. Cette sanction pécuniaire est versée au fonds de solidarité vieillesse. La mesure prend effet au 1er janvier 2012. Par ailleurs, les entreprises de plus de 300 salariés doivent, au choix publier les indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle ou communiquer ces éléments à la demande, à compter du 31 décembre 2011. 

Les articles 14 et 15 concernent les retraites agricoles. L’article 14 exclut les exploitations agricoles du patrimoine récupérable sur succession au titre du remboursement de l’allocation de solidarité aux personnes (ex-minimum vieillesse). La récupération du minimum vieillesse reste prévue pour les successions nettes qui dépassent le seuil de 39 000 €. L’article 15 concerne la retraite complémentaire des conjoints collaborateurs agricoles et des aides familiaux agricoles. Ils seront couverts par le régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles, via une cotisation forfaitaire de ces derniers, à compter du 1er janvier 2011. Cette affiliation ouvre un droit à réversion au conjoint survivant. 

L’article 16 institue une aide pour les entreprises embauchant un senior (âgé de 55 ans ou plus) en CDI ou CDD d’au moins 6 mois.

  • Pour la CFDT, les exonérations de charges sociales doivent être conditionnées à des objectifs en termes d’emploi. Par ailleurs, les questions liées à l’adaptation des organisations, des rythmes et des temps de travail pour les salariés seniors ne sont pas abordées par le projet de loi. 

Les articles 17, 18 et 19 concernent spécifiquement les fonctions publiques. L’article 17 crée un lien entre taux de cotisation d’assurance vieillesse à la charge des fonctionnaires et taux de cotisation salarial du secteur privé sur les rémunérations inférieures à 2,15 SMIC, au titre de la retraite de base et de la retraite complémentaire.

Le taux, fixé par décret, passe selon l’exposé des motifs de 7,85 % à 10,55 % en 10 ans, sans compensation en termes de traitement indiciaire. Il génère donc chaque année une perte de pouvoir d’achat de 0,27 %, que la CFDT rejette. 

L’article 18 programme la suppression du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants ayant quinze années de service dans une fonction publique. Les parents réunissant ces deux conditions avant le 1er janvier 2012 continueront à pouvoir bénéficier du  départ anticipé, y compris après cette date, mais les règles de calcul des pensions sont durcies très rapidement, dès le 13 juillet 2010. Pour les demandes de pension déposées avant le 13 juillet 2010, les règles de calcul de la pension dans le cadre de ce départ anticipé sont celles en vigueur au moment où le fonctionnaire concerné a réuni les deux conditions : 15 ans de service et être parent de 3 enfants. Cela signifie que les mères de famille qui réunissaient ces conditions avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2003 peuvent aujourd’hui liquider leur retraite sur la base d’une durée d’assurance pour une carrière complète de 37 années et demie, sans décote. Pour les demandes de pension déposées à partir du 13 juillet 2010, le taux de décote applicable est celui de l’année au cours de laquelle le demandeur atteindra l’âge de 60 ans.

Les départs anticipés avec 15 ans de service et 3 enfants sont affectés de deux façons par le projet de loi, à travers la modification : du taux de décote applicable, à partir du 13 juillet 2010, mais aussi de la durée d’assurance ouvrant un droit à taux plein (cf. l’article 8 du projet de loi).

  • Si la CFDT considère que ce dispositif de départ anticipé a pour vocation d'évoluer afin de ne pas inciter les femmes à se retirer précocement du marché du travail, elle condamne la modification, à très court terme, des paramètres de calcul qui lui sont applicables. Cette modification brusque amène de nombreux salariés à effectuer un choix dans l’urgence. 

L’article 19 restreint les conditions d’accès au minimum garanti, en limitant son attribution à l’atteinte soit d’une durée d’assurance tous régimes égale à celle d’une carrière complète (ouvrant droit au taux maximum de la pension), soit de l’âge de départ annulant la décote (65 ans à ce jour). L’exposé des motifs aligne les conditions d’accès de ce dispositif sur les règles du régime général. Avec cette nouvelle disposition, aucun fonctionnaire à carrière incomplète partant à la retraite avant l’âge du taux plein n’est éligible au minimum garanti, ce qui constitue un recul des droits des agents, touchant les carrières les plus chaotiques, donc les plus modestes. Les fonctionnaires réunissant d’ores et déjà les conditions d’une ouverture des droits à un départ anticipé ne sont pas concernés par cette modification. Par ailleurs, le minimum garanti restera alloué automatiquement pour les départs en retraite pour invalidité, les départs anticipés au titre du handicap ou pour les parents d’un enfant handicapé. 

Ce que le dossier de presse annonçait et que le texte ne mentionne pas : la modification du dispositif carrières longues, renvoyé à des décrets, l’amélioration annoncée des périodes de chômage non indemnisé, l’augmentation des prélèvements sur les hauts revenus et les revenus du capital, l’augmentation de la durée de cotisation.
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